Face au cruel sous-investissement dont souffre le continent européen, la Commission a lancé en 2015 un plan pour y remédier. Deux ans après, de nombreux projets ont été soutenus, favorisant la croissance et l’emploi. Mais les résultats sont-ils à la hauteur ?
La crise économique et financière que traverse l’Union européenne depuis 2008 a notamment engendré une forte chute des investissements, de l’ordre de 15%. Partant de ce constat alarmant, la Commission Juncker a présenté fin 2014 un programme ambitieux : le « plan Juncker » ou Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), géré par la Banque européenne d’investissement. La logique était qu’il fallait pallier, non pas un manque de liquidités, mais la frilosité des investisseurs à prendre des risques, en stimulant un cercle vertueux.
Initialement doté de 21 milliards d’euros, le FEIS était censé mobiliser des capitaux publics et privés à hauteur de 315 milliards d’euros. Ces investissements devaient prioriser des secteurs d’avenir comme la transition énergétique, l’éducation, la recherche et l’innovation, le numérique, mais aussi les projets de développement des PME. Adopté en juin 2015 par le Parlement européen, le « plan Juncker » est devenu opérationnel en juillet 2015, et le Portail européen des projets d’investissement a été lancé au premier trimestre 2016. Quel bilan aujourd’hui ?
Des investissements encourageants
Critiqué lors du lancement du programme, Jean-Claude Juncker a déclaré dans son discours sur l’état de l’Union devant le Parlement européen le 14 septembre 2016 que « le plan d’investissement pour l’Europe, de 315 milliards d’euros dont nous sommes convenus ensemble il y a tout juste douze mois, a déjà mobilisé 116 milliards d’euros d’investissements dans sa première année d’application ». Début février 2017, la Commission européenne a annoncé que 164 milliards d’euros avaient déjà été investis, la motivant ainsi dans l’amplification du système. Le nouvel objectif est d’atteindre 500 milliards d’euros en 2020, et 630 milliards en 2022.
Parmi les pays ayant le plus bénéficié du FEIS, l’Italie occupe la première place, devant la France et l’Espagne. Ironie du sort, la Grande-Bretagne bénéficie également d’investissements importants. Les programmes soutenus sont divers, tels que les infrastructures de transport italiennes ou la production laitière en Pologne. En France, 35 % des investissements opérés par la BEI l’ont été dans le secteur de la lutte contre le réchauffement climatique, comme en Belgique où le parc éolien en mer Rentel a reçu des fonds.
Un bilan en demi-teinte
Toutefois, devant le satisfecit autoproclamé de la Commission européenne, des critiques existent. En effet, rien ne vient attester que les projets soutenus par le « plan Juncker » ne l’auraient pas été autrement. Aussi, le programme est critiqué pour son manque d’ampleur : 315 milliards d’euros sur quatre ans représentent 0,5 % du PIB européen, et même si la Commission souhaite accroître l’objectif final, cela reste peu. D’ailleurs, même si la croissance s’est élevée en 2016 à 1,9 % dans l’ensemble de l’Union européenne – contre 1,6 % aux États-Unis -, l’investissement reste en-deçà de son niveau d’avant-crise.
En outre, plusieurs organisations non-gouvernementales ont dénoncé le bilan écologique du programme. Alors que l’Union européenne vise une réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre, un rapport émanant de plusieurs ONG environnementales et cité par Euractiv précise que près de 1,5 milliard d’euros d’investissements dans les énergies fossiles ont tout de même été validés.
D’autre part, les pays bénéficiant le plus du programme ne sont pas ceux où la situation est la plus alarmante. Ainsi la Grèce, qui a pourtant présenté 42 projets pour un montant total de 5,6 milliards d’euros, n’a jusqu’à présent bénéficié que de montants bien inférieurs. Cela montre la limite principale du « plan Juncker » : si les capitaux privés ne suivent pas le mouvement, point de salut.
Ceci dit, le FEIS est louable puisque toutes les tentatives pour stimuler l’économie sont bonnes à prendre. Mais conjugué aux règles communautaires de réduction drastique des déficits publics qui minent l’investissement, son ampleur réelle semble bien marginale.