Le 24 novembre, Eurosorbonne recevait à Paris 3 le député européen Alain Lamassoure. Celui qui vient de fuir l’euroscepticisme grandissant de LR a répondu à nombre de nos questions, en toute franchise. Rencontre.
« Bonjour, moi c’est Alain. » C’est par ces mots qu’Alain Lamassoure a accueilli les étudiants arrivant dans la salle où se déroulait la conférence organisée par Eurosorbonne. La politesse de se présenter à chacun n’était peut-être pas si superflue tant Alain Lamassoure est surtout connu des initiés de la construction européenne, notamment pour son assiduité et sa présence dans l’hémicycle de Strasbourg depuis plus de 18 ans. Parmi les eurodéputés de la droite française, les têtes d’affiche sont surtout Nadine Morano ou Brice Hortefeux, mais probablement pas pour les mêmes raisons. « Vous savez, les eurodéputés français sont représentatifs des Français, il y a des nuls et des intelligents. » précise l’élu, sans nommer personne.
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Conseiller de Valéry Giscard d’Estaing à l’Élysée dont il était l’un des speechwriters, Alain Lamassoure a aussi été élu local, au Pays basque. « Je suis une espèce politique en voie de disparition… ou d’apparition ! » déclare l’ancien maire d’Anglet. « Je suis l’un des seuls à avoir abandonné une belle carrière politique nationale [il a aussi été ministre de 1993 à 1997 NDLR] pour me consacrer au chantier européen » ajoute-t-il.
“95% des Français ne savent pas que cela existe”
Au Parlement européen, Alain Lamassoure s’est beaucoup intéressé aux questions budgétaires et institutionnelles. « Avec un conseiller d’Angela Merkel, j’ai été l’une des deux personnes à avoir transformé le traité constitutionnel européen en traité de Lisbonne. Ce traité nous permet de travailler pour 20 ans. » L’extension de la codécision – désormais appelée “procédure législative ordinaire” – entre les représentants des citoyens (le Parlement européen) et des gouvernements (le Conseil) ainsi que l’élection du président de la Commission européenne lors des élections européennes « sont les bases d’un système institutionnel d’inspiration fédéraliste, sans utiliser ce terme » explique l’élu. « Sauf que 95% des Français ne savent pas que cela existe ! » ajoute l’élu, laconique.
Depuis Strasbourg ou Bruxelles, l’eurodéputé qui est encore membre du Parti populaire européen est aussi un observateur attentif des récentes évolutions politiques en France. « L’élection d’Emmanuel Macron est une victoire inespérée pour l’Europe » explique-t-il en critiquant « l’esprit de facilité des partis de gouvernement qui depuis 2005 caressaient les Français dans le sens du poil sur l’Europe. » Et d’ajouter : « Il a rappelé beaucoup de choses dont on savait qu’il fallait les faire mais qui ne se faisaient pas. Vous savez, en démocratie, les dirigeants ne sont courageux que s’ils ne peuvent faire autrement. »
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Alain Lamassoure salue notamment les propositions du Président de la République en matière de défense européenne ou de budget de l’Union. « On a attribué des compétences nationales à l’UE sans lui donner le budget correspondant. » Et l’eurodéputé d’expliquer : « L’Europe est alors condamnée à l’impuissance ou à la sur-réglementation. Elle ne peut pas compenser la “pilule” – la réglementation – par un peu de “confiture” : les aides financières. »
“Transformons les 13 nouvelles régions en 13 circonscriptions”
Mais une opinion globalement positive n’empêche pas l’eurodéputé d’émettre quelques critiques, notamment sur les projets élyséens pour les prochaines élections européennes, qui auront lieu fin mai 2019. « Revenir à une circonscription nationale unique ou instituer des listes transnationales seraient un pas en arrière » explique Alain Lamassoure. « Ces élus hors-sols n’auront de compte à rendre qu’aux chefs de partis qui les auront nommés. »
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Et l’élu européen de proposer un contre-projet : « Transformons les 13 nouvelles régions en 13 circonscriptions, pour élire en moyenne 6 eurodéputés dans chacune. » Et plutôt que de voter simplement pour une seule liste, Alain Lamassoure aimerait que chaque électeur puisse choisir lui-même ses six députés européens, y compris en piochant dans plusieurs listes différentes. En 2019, des candidats impliqués et polyglottes préférés aux têtes d’affiches médiatiques recasées du suffrage universel ? L’avenir le dira.
Prochaines rencontres Eurosorbonne avec un député européen :
– mardi 3 avril (15h-17h) : Jean-Marie Cavada (Groupe Alliance des libéraux et démocrates pour l’Europe [ALDE] : centre libéral).
Inscriptions (réservées aux étudiants de la Sorbonne nouvelle)