Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (semaine du 28 octobre au 3 novembre)

Visite d’Emmanuel Macron au Maroc : vers une nouvelle ère de coopération ? 

Article écrit par Mélissa Herot

Accompagné de plusieurs membres du gouvernement et de grands patrons d’entreprises, tels que Patrick Pouyanné (TotalEnergies), le président Emmanuel Macron s’est rendu au Maroc lundi 28 octobre pour un séjour de trois jours. 

 

Emmanuel Macron et le roi Mohammed VI (crédits : REUTERS)

 

Le tournant français sur le Sahara Occidental 

Depuis près de 50 ans, Rabat et Alger sont en désaccord concernant le Sahara occidental, dont la souveraineté est revendiquée à la fois par le Maroc et par les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. Bien que certains pays européens, comme la Finlande, aient reconnu cet été la validité du plan d’autonomie proposé par le Maroc, la France a franchi un pas supplémentaire. Après une longue période de tensions diplomatiques entre la France et le Maroc, le président français a amorcé une réconciliation cet été. Dans une lettre adressée au roi Mohammed VI en juillet dernier, à l’occasion des vingt-cinq ans de son règne, il a déclaré que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». La visite du président français semble marquer le début d’un nouveau chapitre dans la coopération entre la France et le Maroc.

Dans ce contexte, le mardi 29 octobre Emmanuel Macron a prononcé une conférence sur la souveraineté marocaine du Sahara occidental devant les parlementaires marocains. Il a affirmé que « l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue », ajoutant que le plan économique proposé par le Maroc « constitue la seule base pour parvenir à une solution politique juste, durable et négociée, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ». Le président français a également précisé que « ancrée dans l’histoire, respectueuse des réalités et prometteuse pour l’avenir, cette position est celle que la France s’engage à mettre en œuvre pour accompagner le Maroc dans les instances internationales ».

L’immigration au coeur du “ partenariat d’exception renforcé ” 

L’immigration est un sujet sensible sur lequel les représentants français vont devoir travailler intensément avec le gouvernement marocain. Pour rappel, en 2021, l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé une stratégie visant à réduire de moitié l’octroi de visas pour les Marocains, Algériens et Tunisiens. Cette annonce avait fortement dégradé les relations entre la France et le Maghreb. La récente déclaration du nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ne semble pas arranger les choses. Suite au viol et au meurtre Philippine par un Marocain sous OQTF, le ministre de l’Intérieur a affirmé : « Si vous ne nous délivrez pas plus de laissez-passer consulaires pour expulser vos ressortissants délinquants, de notre côté, nous délivrerons moins de visas à l’ensemble de vos ressortissants. »

Face à cette déclaration, le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, a jugé ne « pas avoir de leçon à recevoir » en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Afin d’apaiser la situation, Bruno Retailleau a annoncé la nomination d’un « missi dominici, qui aura pour obsession de conclure avec des pays tiers, des pays d’origine et des pays de transit, des accords bilatéraux », en précisant que le Maroc est « un pays sûr », « un grand pays ami », où l’on peut « accélérer un certain nombre de réadmissions ».

En ce sens, le lundi 28 octobre, le président français a estimé que le « partenariat d’exception renforcé » conclu avec le roi Mohammed VI devrait notamment concerner « l’immigration illégale et la nécessité d’une coopération naturelle et fluide en matière consulaire ». Dans son discours devant le parlement marocain, ce dernier a affirmé vouloir « jeter les bases d’une circulation naturelle des personnes afin de faire bien davantage ensemble en matière de recherche de projets et de création d’entreprises, offrant ainsi des opportunités à ces talents ».

​​Vers un nouveau partenariat stratégique en 2025 

Le président français Emmanuel Macron a proposé au roi du Maroc, Mohammed VI, de signer un nouveau « cadre stratégique » bilatéral en 2025 à Paris, à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration qui a marqué l’indépendance du Maroc vis-à-vis de la France. Cet engagement est pris dans un contexte où les relations entre l’Union européenne et le Maroc se dégradent suite à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne d’annuler les accords de pêche et agricoles, citant l’absence de consentement du peuple du Sahara occidental. En effet, la cour considère que l’Union européenne et le Maroc ne peuvent pas conclure d’accord commercial sans le consentement des  indépendantistes du Sahara occidental. 

Le parti Rêve géorgien a-t-il volé les élections législatives ? 

Article écrit par Mélissa Herot 

Ce samedi 26 octobre, les Géorgiens étaient appelés aux urnes pour des élections législatives, opposant le parti pro-russe au pouvoir Rêve géorgien à plusieurs mouvements d’opposition pro-européens. Un scrutin déterminant puisque, en plus de renouveler le Parlement du pays pour les quatre prochaines années, le président sera pour la première fois élu au suffrage indirect par les nouveaux députés le 17 novembre prochain.

 

Le fondateur du parti Rêve géorgien, Bidzina Ivanishvili, s’exprime après l’annonce des résultats des sondages de sortie des élections législatives, le 26 octobre 2024.

Un scrutin loin des standard européens 

Selon le sénateur républicain Pascal Allizard, présent en Géorgie lors de ces élections en tant que coordinateur spécial et chef de la mission d’observation à court terme de  l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le « scrutin s’est déroulé de façon très éloignée des standards européens ». Au lendemain du scrutin, le parti Rêve géorgien a été annoncé vainqueur des élections avec 54,08 % des voix, contre 37,58 % pour l’ensemble des partis d’opposition. Un résultat contesté dans le pays, notamment par sa présidente Salomé Zourabichvili qui salue de son côté la victoire de la « Géorgie européenne » et dénonce une « falsification totale des résultats ». Dans un rapport publié le 27 octobre 2024, des modifications récentes dans la législation ont bousculé le cadre juridique adéquat pour la tenue d’élections démocratiques, alors même que des recommandations de longues dates sont restées non traitées.

Les femmes ont-elles été les cibles de ces modifications ? Malgré une obligation constitutionnelle d’assurer l’égalité des sexes, les changements juridiques apportés cette année ont entraîné une baisse significative du nombre de femmes figurant sur les listes des partis pour ces élections. Les programmes du parti n’ont pas de messages spécifiquement ciblant les femmes et ont présenté peu de femmes dans leurs campagnes. Dans le même temps, les femmes politiques en Géorgie continuent de faire face à des stéréotypes profondément enracinés et même à la violence.

Qu’en pensent les observateurs internationaux ? Les 500 observateurs sur place ont tous pointé des conditions de campagne très inégales entre les partis, ainsi que des pressions lors du scrutin. « Les déséquilibres des ressources financières, une atmosphère de campagne de division et les récentes modifications législatives ont été une préoccupation importante tout au long de ce processus électoral », a affirmé Pascal Allizard.

 Les divergences au sein de l’UE face aux résultats des élections en Géorgie

Depuis que les résultats ont été annoncés, la Commission européenne, le Haut Représentant et le président du Conseil européen ont tous exigé une enquête rapide et transparente sur les irrégularités présumées en Géorgie, alors même que Viktor Orban  a salué les élections législatives en Géorgie comme “libres et démocratiques”. Actuellement à la tête de la présidence tournante de l’UE, Viktor Orban va plus loin dans sa déclaration puisqu’il affirme que  le pays serait prêt à adhérer d’ici la fin de la décennie. 13 pays de l’UE, dont la France et l’Allemagne, ont rédigé une lettre pour critiquer vivement le voyage ainsi que les déclarations du premier ministre hongrois. 

Dans une mission d’observation conjointe avec l’OSCE, l’UE affirme que même si les élections étaient “bien organisées et ordonnées”, un “environnement tendu” et des “rapports généralisés de pression sur les électeurs”, y compris des cas d’intimidation, de coercition et d’achat de votes ont “compromisé” le secret du vote. 

Les défis de l’élargissement 

Que ce soit les élections en Géorgie, ou celles en Moldavie, toutes deux montrent les défis de l’élargissement de l’UE. Depuis la guerre en Ukraine, l’UE ne cesse d’affirmer sa volonté d’accueillir de nouveaux membres, estimant que l’éclatement de la guerre a montré le danger d’avoir des “zones grises” juste à l’extérieur de l’Union, qui ne font pas fermement partie de l’Occident. Mais la procédure d’adhésion à l’UE est longue, et très complexe. Depuis le big bang de 2004, certains États dont la France ont estimé primordial d’approfondir plutôt que d’élargir la communauté. L’entrée de la Pologne et de la Hongrie ont soulevé de vives questions sur la  pertinence de cette politique. De plus, les États membres ne semblent pas être sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la Géorgie, comme en témoigne la prise de position du premier ministre hongrois. 

Actuellement, le processus d’adhésion de la Géorgie à l’UE est gelé. Si la victoire de Rêve géorgien n’est pas annulée, l’UE devra décider si elle décide de renouer ses liens avec Tbilissi. 

 

L’Espagne en plein cauchemar : des inondations meurtrières ont frappé la région de Valence

Écrit par Léna Brillard

Dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 octobre, les habitants de la région de Valence, située à l’est de l’Espagne, ont été victimes de fortes pluies torrentielles qui ont submergé la ville, du jamais vu depuis les inondations d’octobre 1957 provoquées par une importante crue du fleuve Turia. Alors que des mesures avaient été prises par la municipalité, tel que le plan Sud visant à détourner le fleuve en dehors de l’agglomération valencienne, l’épisode s’est reproduit cette semaine, suite à la dépression Dana (Dépression Isolée en Haute Altitude). La goutte froide a provoqué le décès d’au moins 205 habitants et la disparition de plusieurs d’entre eux. 

 

Véhicules entassés dans une rue après les fortes pluies de Dana, ce mercredi à Sedaví (Valence). Source: El Pais

Si le bilan des dégâts est toujours en cours d’estimation – l’agence météorologique explique pour sa part que la chute de froid subie par la région est la pire de ce XXIe siècle – la municipalité ainsi que le gouvernement central espagnol ont déjà pris des mesures. Les voies ferrées reliant Madrid à Valence, ainsi que Barcelone à Valence ont été interdites d’accès, des écoles ont été fermées et des fonds seront versés pour la reconstruction et l’aide aux familles. 

En effet, Pedro Sánchez, premier ministre espagnol, a déclaré lors d’un discours à la Moncloa, mercredi 30 octobre, qu’il mobiliserait des fonds nationaux et européens pour faire face à cette tragédie. Le premier ministre appelle les habitants à une extrême prudence car la situation risque de s’étendre vers d’autres régions et de durer. Le gouvernement a également décrété trois jours de deuil national. 

Aide de la communauté européenne et internationale

Selon un message du ministère de l’intérieur espagnol sur X (anciennement Twitter), au moins huit pays ont proposé leur aide à l’Espagne pour faire face aux conséquences des inondations : le Maroc, l’Italie, le Portugal, la Turquie, la République Tchèque, la Grèce, la Slovénie et la France. Ces aides se concentrent sur le renfort de la logistique de secours (équipements de pompage, unité médicale d’urgence) pour soulager les infrastructures espagnoles sous pression. Le président Macron a affirmé la “solidarité” et la “disponibilité” de la France pour soutenir les efforts de secours. 

Des épisodes qui se reproduiront ? 

La ministre française de l’Ecologie Agnès Pannier-Runacher avait déjà affirmé, jeudi 17 octobre, après les fortes inondations subies en France, que les différents épisodes climatiques qui se sont abattus sur l’Hexagone, ainsi que le record cumul de précipitations constatées en France 2024, étaient liés au réchauffement climatique.  

Ainsi, des mesures préventives semblent nécessaires pour des pays comme la France ou l’Espagne qui semblent être les cibles des catastrophes naturelles. Le Fonds de Solidarité de l’Union Européenne (FSUE), qui est un instrument d’aide à la reconstruction, prévoit ainsi un renforcement des infrastructures à travers une amélioration des barrages, des systèmes de drainages, l’objectif étant de développer des capacités de résilience climatique dans ces régions à risque. 

 

Élections en Lituanie : l’opposition centre gauche bientôt à la tête du gouvernement ?

Article écrit par Mélissa Herot  

 

Ce mois d’octobre est marqué par une série d’élections. Après la Moldavie et la Géorgie, c’était au tour des Lituaniens de se rendre aux urnes ce dimanche 27 octobre. Au pouvoir depuis 2020, la coalition de centre droit dirigée par la Première ministre Ingrida Simonyte a été battue par la coalition de centre gauche menée par Vilija Blinkeviciute.

 

Avant le second tour des élections en Lituanie, Vilija Blinkevičiūtė avait confirmé qu’elle était prête à diriger le prochain gouvernement du pays. | Petras Malukas/AFP via Getty Images

Qui est Vilija Blinkeviciute ? 

Ancienne juriste, Vilija Blinkeviciute est l’une des personnalités les plus populaires de Lituanie, appréciée pour son parcours et son engagement en faveur des droits sociaux. Elle a consacré toute sa carrière au secteur public, et plus particulièrement au ministère de la Sécurité sociale et du Travail, où elle a gravi les échelons, d’abord au sein de l’administration, avant de le diriger en tant que ministre pendant huit ans. Sous sa direction, le ministère a mis en place plusieurs réformes visant à améliorer les conditions de vie des travailleurs et des familles, renforçant ainsi son image de défenseuse des questions sociales.

Aujourd’hui eurodéputée pour la quatrième fois consécutive, Vilija Blinkeviciute, âgée de 64 ans, est également la dirigeante du Parti social-démocrate. Sa position de force au sein de la gauche lituanienne, alliée à son expérience et à sa popularité, fait d’elle la principale candidate pour devenir la prochaine Première ministre.

Un scrutin lituanien complexe 

Dans ce système électoral hybride, la moitié de la chambre basse du Parlement a été élue dans le cadre d’un vote à la proportionnelle le 13 octobre 2024. Lors de ce premier tour, le parti Social-démocrate (SD) avait déjà remporté 20 % des suffrages, soit 18 sièges. Aussitôt, le président de l’Union de la patrie (UP) et ministre des Affaires étrangères,  Gabrielius Landsbergis, a reconnu leur défaite face à cette “belle performance” du SD. Cette défaite a été confirmée lors du second tour des législatives. Lors de ce second tour, les parlementaires sont élus par un scrutin majoritaire dans les circonscriptions. Si un candidat remporte plus de 50 % des voix dans sa circonscription au premier tour, il est élu directement. Mais si aucun candidat n’atteint ce seuil, un second tour est organisé entre les deux candidats ayant obtenu le plus de voix au premier tour. Ainsi, le dimanche 27 octobre, le SD a remporté au total 52 sièges sur les 141 que compte le Parlement. 

Dès le lendemain, le parti de Vilija Blinkeviciute a annoncé son intention d’ouvrir des négociations en vue de constituer une coalition avec les écologistes de l’Union démocratique Au nom de la Lituanie et les conservateurs de l’Union populaire des paysans lituaniens. Ensemble, ces formations disposeraient de la majorité absolue, totalisant 74 sièges.

Un gouvernement de centre gauche si différent ? 

« Les résultats des élections montrent que le peuple lituanien aspire à un changement et veut un gouvernement radicalement différent », a déclaré la cheffe de file des sociaux-démocrates. Mais un gouvernement de centre gauche pourra-t-il réellement incarner ce changement ?

Pendant la campagne, plusieurs thèmes ont suscité un large consensus entre les partis, en particulier le soutien à l’Ukraine. En tant que pays frontalier de la Biélorussie et de l’enclave russe de Kaliningrad, la Lituanie suit avec inquiétude les actions de la Russie, craignant de devenir une cible si Moscou sort victorieux de sa guerre contre l’Ukraine. Selon un sondage réalisé par Baltijos Tyrimai/ELTA au printemps dernier, trois Lituaniens sur quatre estiment que leur pays pourrait être attaqué par la Russie dans un avenir proche. 

Si point de différence il y a, ceux ci portent en particulier sur les questions sociales. Pendant la campagne, le pouvoir d’achat et les inégalités ont été au cœur des débats. Pour rappel, en 2022 l’inflation a dépassé 20 % dans le petit État balte de 2,9 millions d’habitants. Face à la détérioration des services publics, le parti SD a promis d’augmenter les impôts des plus riches afin de financer le système scolaire et la santé, ainsi que les dépenses militaires en plein essor.



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