Autour d’une conférence de presse le 15 septembre 2017, ont été dévoilées par Frans Timmermans, les réformes à venir du paquet démocratie dans l’Union. Les suggestions sont désormais entre les mains du Conseil et du Parlement européen.
Dans son discours sur l’état de l’Union le 13 septembre 2017, Jean-Claude Juncker avait évoqué l’amélioration de la démocratie et la participation des citoyens dans le processus européen. Cette allocution permettait donc d’entrevoir des avancées majeures en ces matières et le double contexte d’un discours donné dans son cadre le plus formel et l’orgueil de la Commission à avancer sur son identité démocratique confirmait cette impression. Quelques jours après, dans une conférence de presse passée inaperçue, Frans Timmermans, le commissaire en charge de ces questions est revenu sur les contours de ces évolutions.
Frans Timmermans est le Premier Vice-Président de la Commission européenne sur la période 2014-2019. Il est en charge de l’amélioration de la législation, des relations inter-institutionnelles, de l’État de droit et de la charte des droits fondamentaux. Il a notamment exercé des fonctions au sein de son pays (Ministre des affaires européennes sur 2007-2010, et des affaires étrangères sur 2012-2014), dans l’Union européenne (Commission européenne entre 1993 et 1995) ou dans l’OSCE (1995-1998).
L’objet de cette conférence était de faire des « propositions concrètes et immédiates » ; il s’agissait également de répondre à la préoccupation de l’Union sur la communication de ses actions autour de la démocratie, de la prise de décision et de la transparence du cadre de travail européen. Aussi, l’on ne peut que se féliciter de cet effort constant mis en œuvre par les institutions.
Sur le fond de cette intervention, il s’avère cependant que les réformes envisagées sont en demi-teinte. Celles-ci sont axées autour de deux thématiques, la première porte sur le financement des partis politiques européens ; et donne une réponse positive aux affaires actuelles quant à l’utilisation frauduleuse des fonds européens. La seconde, sur l’initiative citoyenne européenne apparaît faible et imprécise sur son éventuelle efficacité.
La réforme de l’initiative citoyenne européenne
Généralement peu connue de la population, rappelons que l’initiative citoyenne européenne est possible depuis le Traité de Lisbonne et est une invitation faite par des citoyens européens à la Commission européenne afin qu’elle présente une proposition législative dans un domaine dans lequel l’Union est habilitée à légiférer.
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Le principal problème de ce mécanisme est sa méconnaissance par les ressortissants des États-membres et par conséquent le manque de mobilisation. En effet, depuis son entrée en vigueur, sur 47 déposées, seules 4 initiatives ont réussi à être entendues par la Commission. Ce qui n’augure pas, de surcroît, une réponse positive de celle-ci. Outre, la proposition faite sur le glyphosate –et qui fera l’objet d’une réponse le 8 janvier 2018 – à ce jour, l’initiative sur le droit à l’eau et à son assainissement (« Right2Water ») ainsi que l’abolition de l’expérimentation animale dans l’Union (« Stop Vivisection ») n’ont été suivis d’effets. Par exemple, la première a amené la révision de la directive eau potable pour améliorer le contrôle de l’eau potable dans toute l’Europe (entrée en vigueur le 28.10.2015).
A l’image des difficultés rencontrées par les organisateurs de ces initiatives, l’échec de la proposition pour une réglementation plus ambitieuse des déchets plastiques en mer. Pourtant, celle-ci avait été publiquement soutenue par le commissaire.
This morning I received a petition from over 600k citizens who want us to present an ambitious #PlasticsStrategy 👉 https://t.co/fz7ygtv1DO pic.twitter.com/wUlBRI2wrN
— Frans Timmermans (@TimmermansEU) 26 septembre 2017
Comme le rappelle Frans Timmermans, la Commission a bien conscience de ces obstacles et les réformes doivent favoriser l’accès à l’initiative citoyenne européenne. Afin d’avancer en ce sens, il a donc été proposé au cours de la conférence, l’abaissement de l’âge minimum à 16 ans pour pouvoir soutenir. Outre l’ajout mirifique de 10 millions de citoyens supplémentaires tombant dans le public de l’initiative, vantée par la Commission, celle-ci ne justifie pas son choix et les raisons de cette mesure si ce n’est que « les jeunes croient en l’Europe ».
En plus, la Commission prévoit de faciliter l’organisation d’une initiative citoyenne grâce à une coopération plus approfondie avec les organisateurs. Notamment par le biais d’un service de collecte des données en ligne, un identifiant électronique pour pouvoir soutenir une initiative ou encore la simplification des informations à fournir.
Pourtant, il est permis de douter d’un grand bouleversement dans les chiffres futurs malgré ces facilités supplémentaires. Parce que le manque d’accès à la mesure reste une conséquence de la méconnaissance par le noyau citoyen du mécanisme. Régler le problème de son accessibilité ne résoudra certainement pas son manque de présence auprès de ses bénéficiaires. Pour cette raison, les propositions faites par la Commission auraient pu être plus ambitieuses.
Le financement des partis politiques européens
A propos du financement des partis politiques européens, la Commission propose une réforme importante pour répondre aux pratiques répréhensibles quant à l’utilisation des fonds européens versés par le Parlement.
Un parti politique européen réunit autour d’un programme politique des partis nationaux ainsi que des personnalités et est représenté dans plusieurs États membres. Ils sont d’une importance fondamentale pour l’Union car ils participent à « la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union » (Article 10§4 Traité sur l’Union européenne). Ils peuvent être financés annuellement par le Parlement européen depuis 2004 par le biais d’une subvention de fonctionnement. Elle couvre jusqu’à 85 % des dépenses d’un parti ; Les 15% manquants sont à la charge des partis.
Dans le cadre de la conférence, Frans Timmermans a souligné que l’exigence de représentation dans au moins un quart des États membres a favorisé la création de partis artificiels dominés par des partis politiques nationaux afin de recevoir des financements européens. Les règles de financement étant sans rapport entre le montant de l’aide et la couverture en voix du parti, ces entités reçoivent des montants disproportionnés vis-à-vis de leur représentation démocratique. Pour éviter qu’un même parti national ou les mêmes personnes supportent artificiellement, différents partis politiques européens, la Commission propose que les partis nationaux uniquement seront comptés pour établir les exigences de représentation pour la constitution d’un parti.
Dans le sens de cette perspective, est aussi proposée une modification des règles de distribution financières. Pour l’instant, les 15% du budget total se répartissent également entre tous les partis sans regard sur les voix que ceux-ci représentent aux élections européennes. Désormais, les subventions devraient varier en fonction de cette donnée et sur 95 % du budget total.
Enfin, pour participer à améliorer la transparence des partis que les citoyens supportent, la Commission propose également que les organisations politiques veillent à ce que « les partis qui leur sont affiliés publient leur programme et leur logo sur leur site web et indiquent la répartition hommes/femmes actuelle de leurs membres siégeant au Parlement européen ».
Il faut se féliciter de ces avancées en ce domaine car la Commission semble répondre efficacement aux affaires de financement frauduleux. Lors de la séance de questions réponses avec les journalistes, Frans Timmermans ne s’est pas étendu sur ce sujet car l’organe de la lutte anti-fraude est précisément en train d’enquêter sur les pratiques soupçonnées. Il faudra donc suivre avec une attention particulière les mesures mises en place dans ce cadre et espérer que la Commission se pare d’un pragmatisme équivalent pour avancer à l’avenir sur le dossier de l’initiative citoyenne européenne.