Dimanche dernier en Hongrie se tenait un référendum organisé par le premier ministre Viktor Orban sur les quotas de réfugiés mis en place par l’Union européenne. Si 98,3% ont voté contre ces quotas, seulement 40% des électeurs se sont déplacés.
« Voulez-vous permettre à l’UE d’ordonner une relocalisation des citoyens qui ne sont pas Hongrois en Hongrie, sans l’approbation de l’Assemblée nationale ? », voilà la question à laquelle ont dû répondre les Hongrois. Malgré une très faible participation, le premier ministre se vante tout de même d’une « victoire éclatante » du « non » que l’Europe ne pourra pas ignorer. Ainsi, au-delà d’une décision nationale, ce référendum était symbolique pour l’Union européenne, et Orban souhaite qu’il ait un impact international pour servir son désir de « contre-révolution culturelle ».
Situé sur la route des Balkans, la Hongrie rassemble à ses portes de nombreux migrants, mais ceux-ci souhaitent avant tout traverser le pays pour rejoindre une Europe plus riche, et surtout où les migrants sont mieux acceptés. Bruxelles demande au gouvernement hongrois d’accueillir 1300 réfugiés supplémentaires alors qu’aujourd’hui, entre 15 et 30 migrants seulement sont autorisés à passer la frontière.
Une campagne anti-migrants acharnée
Dès les attentats de Charlie Hebdo, Viktor Orban a construit sa politique sur l’assimilation entre migration et terrorisme. Depuis un an et demi, face à une opposition politique faible et impuissante, le gouvernement a dépensé trente millions d’euros pour mener une vaste campagne contre les migrants, et la population est partout victime de cette désinformation : tracts dans les boites aux lettres, affiches jusque dans les plus petits villages, etc.
En associant migration et terrorisme, le gouvernement joue sur le sentiment de peur des habitants, mais cette campagne met aussi en danger la culture et les traditions du pays. Au niveau international, elle provoque une image négative de la Hongrie, alors qu’en vérité, des millions de Hongrois sont contre cette campagne.
Afin d’éviter que les 50% de participation nécessaires pour valider le référendum soient atteints, la faible opposition de gauche et les ONG de défense des droits de l’Homme ont appelé au boycott ou au vote nul. Le mouvement MKKP (le parti hongrois du chien à deux têtes, un parti politique parodique), qui depuis plusieurs années tente de tourner en dérision le discours nationaliste du premier ministre, a lui aussi tenté depuis cet été une contre campagne en parodiant les messages anti migrants du gouvernement.
Depuis qu’il est premier ministre, Orban a réformé la Constitution et c’est maintenant une « loi fondamentale » qui dirige le pays. Il a renforcé le pouvoir et mis en place un paternalisme du gouvernement qui infantilise la population. Aujourd’hui, alors qu’un mur est déjà dressé à la frontière, Orban a donné l’idée d’élever une seconde clôture et a entamé la construction d’une route longeant la frontière et réservée à la surveillance et aux services de police. Et malgré l’échec du référendum, le premier ministre souhaite présenter au Parlement un texte visant à interdire les réinstallations obligatoires de migrants dans le pays.
Un désir de réformer l’Union européenne
Dans sa syntaxe même, la question à laquelle ont dû répondre les Hongrois donne clairement une image déjà très négative de l’Union européenne qui semble ici accaparer totalement la souveraineté des pays en matière de relocalisation des migrants. Face à cela, Orban rappelle que l’identité européenne ne doit pas remplacer les identités nationales, comme auraient selon lui cherché à le faire les élites de l’Union européenne.
Zoltan Kovacs, porte-parole du gouvernement hongrois, a récemment remis en cause les dernières politiques, notamment migratoires, mises en place par l’Union européenne. Selon lui, il faut renforcer les frontières, renforcer Schengen. En ce sens, ce référendum avait aussi pour but de condamner la politique migratoire de l’Union.
Le Brexit a donné raison au parti d’Orban et encouragé son projet de contre-révolution culturelle en Europe. Ainsi, tous les pays du groupe de Višegrad dont fait partie la Hongrie (avec la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque) ont en tête une Europe des nations où le pouvoir serait rendu aux Etats membres. Sur le plan culturel, ils rejettent le libéralisme politique, économique et sociétal. Ils souhaitent défendre la nation, son identité, ses traditions et ses valeurs religieuses. L’idée est donc de revenir à une démocratie non libérale.
La Hongrie / Višegrad dans le collimateur des pays européens.
Face au discours antieuropéen du premier ministre hongrois, les pays nordiques (notamment le Danemark, la Finlande et la Suède) ont demandé à la Commission européenne de prendre les « mesures nécessaires » pour obliger le pays à accueillir des demandeurs d’asile. Selon eux, le refus de Budapest équivaut à un refus des accords de Dublin, selon lesquels un demandeur d’asile peut déposer son dossier dans le premier pays où il laisse son empreinte et l’Etat a l’obligation de traiter sa demande. Ainsi, plusieurs pays menacent la Hongrie d’une plainte devant la justice européenne.
Le 15 septembre, à la veille du sommet des vingt-sept à Bratislava sur la situation de l’UE, Jean Asselborn, le ministre luxembourgeois des affaires étrangères, avait évoqué l’idée d’exclure temporairement la Hongrie de l’Union européenne, notamment à cause de sa politique migratoire dangereuse et le musèlement de la presse dans le pays.
Aujourd’hui, avec l’invalidation du référendum, l’opposition espère toutefois reprendre des forces en considérant que plusieurs millions de Hongrois ont dit non à Orban et à sa campagne de la peur. L’ancien premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany appelle maintenant l’actuel premier ministre à démissionner.
Noémie Chardon