Malgré une défaite surprise à une élection municipale fin février, le parti de droite nationaliste du Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, semble certain de l’emporter aux élections législatives le 8 avril. Il peut compter sur une opposition éclatée, une Europe atone et une rhétorique anti-migrants martelée sur tous les tons.
« Sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis » dit le proverbe. Pour le 170ème anniversaire de la révolution d’indépendance hongroise, le Premier ministre Viktor Orbán a retrouvé le plus proche d’entre eux : le migrant. « Si nous laissons faire, sur les deux décennies à venir, des dizaines de millions de migrants prendront la route de l’Europe à partir de l’Afrique et du Proche-Orient. La partie occidentale de l’Europe regarde tout cela les bras croisés (…). Les jeunes d’Europe occidentale connaîtront le jour où ils se retrouveront en minorité dans leur propre pays » déclarait-il à cette occasion, le 15 mars dernier.
Deux ennemis, un candidat
En prévision des élections législatives du 8 avril prochain, Viktor Orbán a encore durci un discours déjà parmi les plus fermes d’Europe au sujet des migrants, contre lesquels il a fait ériger des barbelés à la frontière avec la Serbie et avec la Croatie. Mais le Premier ministre s’en prend aussi violemment à un « un réseau international structuré en empire » qui selon lui travaillerait à l’installation d’un gouvernement pro-immigration sur ordre du milliardaire juif américain d’origine hongroise George Soros. Le sujet est porteur, puisque son parti, le Fidesz, est crédité de 40 à 50% des suffrages dans les sondages en ayant fait campagne sur ce seul thème.
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Le Fidesz empêtré dans des scandales de corruption
Cette rhétorique belliqueuse tente toutefois de masquer les scandales de corruption qui ont égrené la campagne et qui impliquent plusieurs proches de Viktor Orbán. L’entreprise Elios Zrt, dont le comité de direction accueille le gendre du Premier ministre, est ainsi accusée par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) d’avoir orchestré « un schéma de fraude organisée » grâce à son entregent politique pour obtenir des contrats d’éclairage public dans 35 communes du pays, financés par des fonds européens.
La Hongrie figure en avant-dernière place parmi les pays de l’UE au sein du classement de l’ONG anti-corruption Transparency International, juste avant la Bulgarie. La Hongrie est d’ailleurs l’un des huit États membres à ne pas avoir accepter de prendre part au projet de parquet européen, une coopération renforcée qui doit justement lutter contre… les fraudes aux fonds communautaire.
Le succès en trompe-l’œil de l’opposition
Or la première des villes ciblée par Elios Zrt, la petite commune de Hódmezövásárhely, vient d’élire à sa tête un candidat indépendant soutenu par une alliance inédite regroupant le Jobbik, le parti d’extrême-droite hongrois, la gauche et les libéraux dans ce qui était jusqu’à présent l’un des fiefs du Fidesz. La surprise a été telle que le Premier ministre lui-même s’est plié à une interview avec le site d’information HVG, l’un des rares médias indépendants du pays.
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Mais la coalition n’a pas été reconduite pour les législatives et l’opposition, trop éclatée, reste à des niveaux trop faibles pour espérer l’emporter. Le principal parti de gauche comme le Jobbik se situent tous deux à 11 % des voix dans les sondages. Les anciens soutiens de l’opposition libérale ont immigré à l’étranger tandis que le parti d’extrême-droite, concurrencé par Viktor Orbán, pâtit de l’image plus modérée qu’il a adopté.
Une Europe aux abonnés absents
Les instances de l’UE devraient également laisser le champ libre au Premier ministre : Bruxelles recherche un compromis avec Budapest pour répartir les réfugiés par quotas dans les différents pays de l’Union avant les élections européennes de 2019. Manfred Weber, le président du groupe conservateur (PPE) au Parlement européen dont est membre le Fidesz, a ainsi estimé dans une interview au journal Die Welt que les clôtures érigées par la Hongrie méritaient le soutien du groupe et qu’« un ton moralisateur [s’était] insinué vis-à-vis des Européens de l’Est, ce qui est contre-productif parce que chaque État membre a sa propre fierté ».
Les dirigeants du PPE espèrent en effet empêcher que le Fidesz ne se déporte encore davantage vers l’extrême-droite et comptent sur les voix de ses onze députés européens. Ces derniers devront donc continuer à cohabiter avec les chrétiens-démocrates d’une Angela Merkel ayant accueilli plus d’un million de réfugiés en Allemagne depuis trois ans. Un manifeste commun du PPE reste attendu en vue des élections européennes, ce ne sera pas une mince affaire..