Alors que la première euthanasie d’un patient mineur a eu lieu en Belgique le 17 septembre 2016, et que le gouvernement néerlandais a déposé le 13 octobre 2016 un projet de loi visant à autoriser le suicide assisté pour les personnes ayant le sentiment de « vie accomplie » – donc non souffrantes – les débats reprennent.
Derrière ces questions, il y a une multiplicité de pratiques. L’euthanasie, c’est mettre fin intentionnellement à la vie d’une personne pour la délivrer de ses souffrances. L’euthanasie active consiste donc en l’administration d’une drogue létale à des patients incurables souffrant de douleurs insupportables l’ayant demandé expressément. Le suicide assisté est différent en ce que le patient ingère ou s’injecte lui-même la dose létale. Les pays du Benelux autorisent ces pratiques, constituant ainsi une exception européenne.
D’autres dispositifs « de fin de vie » relativement similaires
L’euthanasie indirecte caractérisée par l’administration d’un médicament apaisant les souffrances, mais qui causera plus rapidement la mort du patient, est pratiquée par 8 Etats européens. Plus consensuelle, l’euthanasie passive, ou abstention thérapeutique, qui consiste à stopper des traitements ou des soins (transferts sanguins, hydratation, alimentation et respiration artificielle…) menant ainsi au décès, est tolérée par 19 Etats, y compris certains pays considérant l’euthanasie comme un homicide volontaire. Cependant, si le refus d’un traitement est un droit presque toujours consacré, les mesures de maintien en vie ne peuvent pas toujours être refusées par le patient. Néanmoins, l’acharnement thérapeutique contrevient aujourd’hui clairement aux droits des malades.
Les soins palliatifs visent quant à eux à endiguer les souffrances, sans pour autant accélérer la mort. On parle de sédation palliative quand on plonge le patient dans l’inconscience jusqu’à sa mort afin qu’il ne souffre plus sans pour autant en accélérer le processus. Elle est autorisée en France depuis la loi Leonetti de 2005. Les législations allemandes, suédoises et espagnoles qui s’en inspirent sont particulièrement précises à ce sujet. Pour autant, beaucoup de pays n’ayant pas clairement défini de cadre réglementaire concernant ces soins consacrent le droit au confort pour les patients en fin de vie, impliquant l’administration de substances palliatives.
Des controverses encore houleuses
L’euthanasie active et le suicide assisté questionnent l’existence d’un « commerce de la mort » en Suisse et en Belgique. Le Parlement allemand a donc martelé que ces pratiques ne pouvaient être monétisées. Par ailleurs, des arguments en leur défaveur émergent d’acteurs divers : des groupes d’intérêt pro-vie, pour des raisons morales ou religieuses, tout comme des professionnels de la santé. La Commission de contrôle belge reconnaît l’inefficacité de son contrôle et l’interprétation extensive de la loi qui ont mené à une augmentation du nombre d’euthanasies de 41% en 4 ans, et à l’euthanasie de personnes n’étant pas en fin de vie immédiate. Ces problèmes déontologiques seront certainement soulevés aux Pays-Bas lors de l’étude du projet de loi autorisant le suicide assisté de personnes saines. Il contreviendrait directement au serment d’Hippocrate, auquel l’euthanasie de malades incurables est déjà une dérogation, bien qu’elle préserve leur dignité et minimise leurs souffrances.
Une impossible législation européenne, des évolutions nationales
Face à ces controverses, une européanisation de la législation quant à la fin de vie semble plus qu’hypothétique. La question de l’euthanasie n’a pas été abordée par le Parlement européen, et la Cour de Strasbourg n’a apporté qu’une réponse en demi-teinte puisqu’elle a spécifié que l’art. 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui protège le droit à la vie ne pouvait être mobilisé a contrario pour garantir le droit à mourir dignement, renvoyant ainsi la compétence de réglementation de la fin de vie aux Etats.
L’acceptation progressive des dispositifs de fin de vie incombe donc aux juges nationaux qui ont, à plusieurs reprises, permis l’évolution des droits des malades. En Espagne et au Royaume-Uni, l’assistance au suicide n’est plus assortie de peines d’emprisonnement. A ce titre, la Cour d’appel de Lyon a relaxé le 10 novembre 2016 un homme, Jean Mercier, qui avait aidé sa femme à se suicider en 2011. La Cour d’Appel de Francfort considère quant à elle l’euthanasie passive comme un « suicide », évitant ainsi des poursuites. Plus encore, alors qu’aux Pays-Bas, les juges avaient condamné en 2003 un fils ayant aidé sa mère de 99 ans à se suicider sans lui accorder de peine, puisqu’il s’agissait selon eux d’un « acte de charité », 13 ans plus tard la reconnaissance du sentiment de « vie accomplie » y est discutée.