Douze mois pour recueillir un million de signatures dans au moins sept États membres. Si l’Initiative citoyenne européenne (ICE) est un dispositif innovant, lourdeur technique et frilosité des institutions l’ont mise dans l’impasse, incapable de transformer les propositions des citoyens en modifications de la législation. La récente initiative prônant l’interdiction du glyphosate échappera-t-elle à cette règle fatidique ?
L’initiative citoyenne européenne n’est pas une pétition comme les autres. Présente dans le traité constitutionnel de 2004 puis réintroduite dans l’article 11 du traité de Lisbonne, elle est transcrite dans le droit européen et entre en vigueur le 1er avril 2012. Sept citoyens européens originaires de sept États membres différents doivent constituer un « comité des citoyens » porteur d’un projet de modification de la législation européenne. Ce comité dispose ensuite de douze mois pour collecter un million de signatures, sur papier ou par voie électronique, dans au moins sept États membres de l’UE. Si ce nombre est atteint dans les délais, la Commission est dans l’obligation d’examiner cette initiative et les membres du comité sont auditionnés par le Parlement européen.
L’ICE apparaît ainsi comme un outil plutôt novateur et n’ayant que peu d’équivalent dans nombre d’États membres, en France notamment. Il peut être apparenté à un véritable droit d’initiative des citoyens. Par sa nature transnationale, l’initiative citoyenne européenne permet de réunir des associations et des militants originaires de plusieurs États membres autour de projets communs. Elle peut permettre d’alerter les opinions publiques européennes et de susciter des débats sur des questions concrètes à l’échelle européenne. Cependant, force est de constater que par bien des aspects, il s’agit d’un outil très imparfait.
Renseigner son numéro de carte d’identité
Les porteurs d’une ICE doivent d’abord affronter un processus très lourd sur le plan administratif, juridique et financier. Si la Commission européenne se réserve le droit de refuser les ICE jugées fantaisistes, elle doit également veiller à ce que les projets mis en avant soient bien en rapport avec ses compétences. De ce fait, près de 40% des projets d’ICE ont été refusés pour ce type de raison par la Commission. Les organisateurs doivent également faire valider leur procédure d’enregistrement des signatures auprès des autorités compétentes au niveau national, ce qui peut prendre plusieurs semaines, et empiéter sur le délai de douze mois.
Les États membres ont refusé de mettre en place une procédure unique concernant les renseignements que doit donner chaque signataire. D’autant que dans 19 États membres, ces derniers doivent renseigner leur numéro de carte d’identité, une procédure très lourde qui peut rebuter un grand nombre de personnes. Enfin, la capacité à mener campagne, en 24 langues, dans l’ensemble de l’Union nécessite une organisation et de réels moyens financiers. L’ICE n’est donc pas un outil à la portée du premier venu.
Zéro modification de la législation
Dans un débat Euranet Live, l’eurodéputé socialiste belge Maria Arena affirmait que l’initiative citoyenne européenne est « une machine à frustration plutôt qu’une vraie démarche participative ». De fait, depuis 2012, aucune ICE ayant recueilli un million de signatures n’a réussi à faire accepter à la Commission le contenu de sa proposition. Elles sont au nombre de trois et concernent des sujets très divers : la fin de la vivisection, le droit à l’eau et à l’assainissement ou encore la fin des recherches impliquant la destruction d’embryons humains.
>> Pour aller plus loin : le registre officiel des initiatives citoyennes européennes
Ce refus de la Commission d’adopter tout ou partie des propositions formulées dans les ICE n’est pas de nature à créer de l’intérêt autour de ce nouvel instrument. Si près de six millions d’Européens en ont déjà signé une, elle reste encore un outil assez méconnu du grand public. Et l’incapacité à transformer une mobilisation citoyenne en acte politique se voit dans le nombre d’ICE enregistré et accepté par la Commission : il y en avait 16 en 2012, seulement 4 en 2015.
Une réforme pour bientôt ?
Depuis son introduction, le Parlement européen mais aussi le Comité économique et social européen ont multiplié les appels du pied en faveur d’une réforme de l’Initiative citoyenne européenne. Un message enfin entendu par Frans Timmermans, le 1er vice-président de la Commission européenne chargé notamment de l’amélioration de la législation, qui a annoncé un projet de révision de la directive sur l’ICE pour cette année.
Le 25 janvier 2017, un collectif d’associations écologistes enregistrait une nouvelle ICE intitulée : « Interdire le glyphosate et protéger la population et l’environnement contre les pesticides toxiques ». Surfant sur une problématique très présente dans le débat public ces dernières années, ce collectif a déjà recueilli, en à peine plus de trois mois de campagne, pas moins de 700 000 signatures ! Face à la montée de l’euroscepticisme, accepter le projet de cet ICE pourrait bien être un excellent moyen pour la Commission de se montrer à l’écoute des citoyens et de relancer un instrument dont l’utilité pourrait enfin être démontrée.