L’optimisation fiscale en Europe : quèsaco ?

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L’optimisation fiscale est une pratique légale mais pourtant très controversée. Malgré de nombreux enjeux attenant à cette pratique, l’Union européenne tente de légiférer afin d’en limiter la portée.

L’optimisation fiscale est le procédé par lequel une entreprise cherche à minimiser la somme d’impôts dont elle doit s’acquitter. À la différence de l’évasion fiscale et de la fraude fiscale, cette pratique est légale et s’appuie sur la législation existante en recourant à différents montages, parfois complexes.

Dans l’Union européenne, l’optimisation fiscale la plus courante s’appuie sur les taux d’impôts sur les bénéfices des sociétés. Chaque État étant libre de mener la politique fiscale qu’il souhaite, il n’existe pas de taux commun en matière d’imposition sur les bénéfices des sociétés. Se faisant, ces taux vont du simple au triple selon les États membres : il est de 9% en Hongrie, 12,5% en Irlande, 29% en Grèce et en Allemagne, 33,3% en France et 33,99% en Belgique.

Dans ce contexte, les entreprises profitent de ces disparités pour s’installer là où les taux d’imposition sont les plus bas. Pour les entreprises non-originaires de l’UE, ces pays représentent même un double avantage puisqu’ils leur permettent à la fois d’avoir un accès à l’ensemble du marché unique et de ses 500 millions de consommateurs, tout en minimisant leurs impôts sur les bénéfices.

Bien souvent, ce sont les multinationales qui sont au cœur des controverses liées à l’optimisation fiscale. Parmi ces multinationales, l’on soulignera par exemple les nombreux déboires entre les géants du web, aussi dénommés « Gafa », tels qu’Amazon, Google, etc, et les autorités européennes dans des affaires d’optimisation fiscale.

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Du côté des États-membres, l’idée sous-jacente à l’instauration d’un taux d’imposition bas est simple : en l’abaissant, ils espèrent attirer davantage d’entreprises sur leur territoire. Ainsi, plusieurs pays européens ont décidé d’abaisser leurs taux d’impôts sur les bénéfices des sociétés pour attirer davantage d’entreprises et profiter des externalités positives induites par ces nouvelles implantations. Par exemple, en janvier 2017, la Hongrie a abaissé son taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés à 9% et est ainsi devenue le pays où cet impôt est le plus bas de l’Union européenne. Cette concurrence entre États membres pour attirer davantage d’entreprises sur leur territoire est aussi connue sous le nom de « dumping fiscal ».

Ainsi, l’optimisation fiscale à laquelle s’adonnent les entreprises conduit les États à agir en contradiction avec le principe de solidarité européenne et les pousse à se lancer dans une course à l’abaissement des taux d’imposition. Ainsi, bien qu’étant légale, c’est sur le plan moral que l’optimisation fiscale pose problème.

Des enjeux divers et contradictoires

À cette question morale s’ajoute plusieurs enjeux dont le plus flagrant est économique. Plusieurs études s’accordent à estimer que l’optimisation fiscale représente un manque à gagner annuel se situant entre 50 et 70 milliards d’euros pour l‘ensemble des États membres. À titre de comparaison, cette somme représente l’intégralité du PIB de la Bulgarie ou de la Croatie. Dans un contexte de rigueur budgétaire généralisée, l’on comprend assez facilement que les autorités publiques s’attaquent à ces pratiques qui représentent pour elles des manques à gagner considérables. En effet, ces sommes non perçues sont autant de sources de financements en moins pour les hôpitaux publics, les écoles, etc.

De plus, l’optimisation fiscale soulève un enjeu juridique. En effet, le Traité de Lisbonne délègue aux États membres les compétences en matière de politique fiscale. Ainsi, l’Union européenne n’est pas compétente pour définir précisément des règles communes à tous les États membres. Dans ce domaine, l’UE ne peut que légiférer sur le cadre global qui entoure les règles fiscales chez les 28.

Enfin, l’optimisation fiscale soulève des enjeux politiques. Les États membres étant libres de choisir leur politique fiscale, plusieurs d’entre eux ont érigé la fiscalité des entreprises comme axe stratégique de leur politique économique. C’est par exemple le cas de l’Irlande qui a choisi de maintenir son taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés à 12,5%. Cette stratégie a été couronnée de succès puisque de nombreux Gafa comme Facebook, Google, ou Apple ont décidé d’y implanter leur siège européen. Dans ce contexte et malgré le manque à gagner que cette pratique représente chez ses voisins européens, l’on voit mal comment l’Irlande voudrait mettre fin à cette pratique puisqu’elle en tire de nombreux bénéfices.

Vers une harmonisation des règles fiscales européennes

Malgré la multitude d’enjeux qui entourent l’optimisation fiscale, l’Union européenne tente par différents moyens de limiter cette pratique. Historiquement, le premier acte d’harmonisation des différents systèmes fiscaux fut l’instauration d’un taux minimum de TVA dans tous les États membres en 1977. Cependant, depuis ce premier pas, le contexte a évolué et le besoin d’harmonisation entre les différentes politiques fiscales est de plus en plus criant.

L’un des biais utilisés par la Commission européenne pour limiter l’optimisation fiscale est d’avoir recours au droit européen de la concurrence, domaine dans lequel l’Union possède des compétences exclusives. Ainsi, en 2016, la Commission européenne a condamné l’Irlande à payer une amende historique de 13 milliards d’euros pour avoir accordé des aides d’États à Google. Se faisant, la populaire Commissaire à la concurrence Margrethe Vestager s’attaquait à une pratique prohibée par les traités mais aussi, et plus insidieusement, au modèle économique irlandais incitatif en matière d’optimisation fiscale. En toute logique, l’Irlande s’est opposée à cette décision et a décidé de faire appel au nom de sa souveraineté fiscale.

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Enfin, la Commission européenne développe de nouveaux outils permettant d’harmoniser les politiques fiscales des 28 et de réduire le recours à l’optimisation fiscale. Ainsi, en proposant une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS) en 2016, la Commission européenne souhaite harmoniser le mode de calcul de cet impôt. Bien que n’étant pas compétente pour harmoniser directement les taux d’imposition, la Commission souhaite, au minima, que tous les États membres utilisent les mêmes modes de calcul.

À ce nouvel outil s’ajoute un arsenal législatif favorisant la transparence et la communication entre les administrations fiscales des différents pays. Ce sont là des petits pas de plus vers davantage d’harmonisation fiscale européenne.

 

Maxime Souillard

Ancien Président d'Eurosorbonne (2016-2017), j'ai un intérêt particulier pour les questions économiques et politiques en Europe du Sud et plus spécifiquement en Grèce.

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