Si l’idée d’établir un parquet européen au sein de l’Union européenne émerge dès la fin des années 1990, elle se concrétise aujourd’hui avec l’approbation du Parlement européen. Il devrait être mis en place d’ici 2020. Doit-on y voir une relance de l’approfondissement de l’Union ?
Un règlement avait été proposé en 2013 pour sa création, mais nécessitait l’unanimité des États membre pour aboutir. Étant donné la réticence d’une partie des États de l’Union, l’instauration de ce parquet verra le jour au travers d’une coopération renforcée. Le 8 juin dernier, vingt États membres ont trouvé un accord politique quant à son élaboration, projet approuvé par le Parlement et le Conseil les 5 et 12 octobre. Il a pour objectif premier d’aboutir à une meilleure gestion de la fraude financière transnationale ; et à terme de permettre, potentiellement, l’élaboration d’une Europe de la défense.
Le parquet européen : « protéger les intérêts financiers de l’Union »
Entre 40 et 60 milliard d’euros, c’est la somme que perd chaque année les États membre de l’Union européenne, du fait de la fraude à la TVA selon Chantal Cutajar ; et elle est loin d’être la seule existante en Europe. Cette fraude, tout comme la corruption ou encore le détournement de subvention se répercute sur le budget de l’Union. C’est pour mieux lutter contre elles que vingt États ont décidé de mettre en place un parquet européen.
C’est une grande avancée pour l’Union européenne puisque jusqu’à présent, réprimer ces fraudes financières ne pouvait passer que par des autorités nationales ; le domaine pénal étant une compétence exclusive des États. Ce parquet pourrait permettre de protéger plus efficacement les intérêts financiers de l’UE, étant donné d’une part le caractère transfrontalier de la fraude, et d’autre part la limite des compétences des juridictions des États à leur frontière nationale. En effet, pour Barbara Matera, députés démocrate-chrétien, les États au sein de l’Union connaissent de véritables « lacunes dues à la non coordination des enquêtes nationales sur l’abus des fonds européens » du fait d’un manque de coordination.
Concrètement, le parquet européen sera une instance européenne indépendante qui ne recevra d’instruction d’aucune État, organe, ou personne hors de ce parquet, et sera dotée de compétences judiciaires. Comme pour les commissaires au sein de la Commission européenne, le parquet sera composé de vingt procureur soit un par État membre. Ils auront pour mission de diriger des enquêtes, de contrôler les fonds structurels, et pourront poursuivre pénalement les individus présumés coupables. Il sera complémentaire des autres organes européens anti-fraude tel que l’OLAF (Office européen de lutte antifraude), Eurojust ou encore Europol, organes non contraignant en matière judiciaire et policière.
Une efficacité limitée
Son efficacité restera néanmoins limitée puisque huit États refusent de participer à cette coopération renforcée. Si les États n’agissent pas d’une voix d’une seule, il est évident qu’une part non négligeable des fraudes ne pourra être combattue. Selon un rapport de l’OLAF décrypté par Le Monde 20% des fraudes sur les fonds structurels dédiés à l’agriculture seraient opérées en Hongrie et Pologne, États non signataires de cette coopération renforcée.
La création du parquet européen peut certes être perçue comme un pas vers plus d’intégration, un pas à vitesse néanmoins limitée.
Vers une Europe de la défense ?
En ce qui concerne une intégration plus poussée, certains acteurs souhaiteraient que ce parquet à terme étende ses compétences. S’il réprimande aujourd’hui des crimes purement financiers, il pourrait demain réprimander des crimes politiques.
C’est le désir notamment d’Emmanuel Macron qui évoquait, lors de son discours sur l’Europe devant la Sorbonne, son souhait d’une Europe de la défense, ou encore celui de Jean Claude Juncker, président de la Commission européenne.
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Cependant pour que ces compétences soient élargies, il faudrait que l’ensemble des États membres se mettent d’accord, ce qui semble compliqué au vu de leur fonctionnement individuel fort différent.
Par ailleurs, marcher vers une Europe toujours plus intégrationniste, ne semble pas être la dynamique désirée par les citoyens européens toujours sceptiques sur la question européenne et non enclin à une diminution de leur souveraineté nationale.