Alors que l’Irlande du Nord avait retrouvé une certaine stabilité, le Brexit et un début de crise politique au sein de la coalition au pouvoir inquiètent de plus en plus.
Au moment du vote sur le Brexit, outre les questions économiques et monétaires inhérentes à une sortie négociée du Royaume-Uni de l’Union européenne, le dossier irlandais a très vite occupé une place centrale. La crainte du retour d’une frontière entre les deux Irlande a fait resurgir des peurs à peine effacées depuis la signature de l’accord de paix du Vendredi saint signé en 1998. A cela s’est ajouté une année 2017 particulièrement chaotique sur le plan politique, où la coalition a affiché des divisions sur fond de nombreux scandales.
Une île à nouveau séparée ?
L’épineuse question de la somme que le Royaume-Uni devra verser à l’Union européenne pour pouvoir la quitter étant presque réglée, un autre dossier bloque désormais : le sort de l’Irlande du Nord. Pour Theresa May, entre la volonté de rassurer Dublin, la Commission européenne, mais aussi et surtout le DUP (Democratic Unionist Party), qui lui permet d’avoir une courte majorité au Parlement, cela ressemble de plus en plus à un numéro d’équilibriste où personne ne semble en capacité d’en prévoir l’issue.
Car avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union, la plus grande crainte des Irlandais, en particulier au sud, serait le retour d’une frontière physique entre les deux Irlande. Depuis l’accord du Vendredi saint, mais aussi et surtout en vertu de l’appartenance du Royaume-Uni au marché unique européen, les deux parties de l’île commercent de manière intense. Et si Theresa May a assuré tout faire pour ne pas voir le retour de cette frontière, le retour des droits de douane et donc des contrôles physiques constitueraient bien un filtre inexistant jusqu’ici.
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Malgré cette bonne volonté affichée par Theresa May, et matérialisée par un accord presque finalisé sur la question avec Jean-Claude Junker ce lundi 4 décembre, le DUP continue de jouer avec les nerfs de la Première ministre britannique et de ses homologues européens. Appelé à la rescousse par Theresa May à l’occasion des dernières élections législatives afin de lui permettre d’obtenir la majorité au Parlement, ce parti unioniste qui ne compte que dix députés s’oppose fermement à la perspective validée par tous. Alors qu’il avait refusé de signer les accords de paix, le DUP craint aujourd’hui qu’un statut spécial accordé à l’Irlande du Nord, celui de pouvoir commercer sans droits de douane avec un pays de l’UE, puisse l’éloigner du Royaume-Uni.
Le problème étant que sans le DUP, Theresa May ne peut rien et perdrait sa majorité au Parlement en allant trop loin dans les désaccords. Le parti unioniste l’a bien compris et compte profiter de cette position pour compliquer encore davantage la tâche des négociateurs.
Une année politique qui laissera des traces
Si le DUP s’illustre au niveau du royaume, la coalition qu’il forme – coalition dont les règles sont fixées dans les accords de paix de 1998 – avec le Sinn Féin, parti nationaliste et républicain irlandais, a connu nombre de périodes de tension en 2017.
Dès janvier, Martin McGuinness, du Sinn Féin, démissionnait de son poste de vice-premier ministre du gouvernement local et son parti refusait par la suite de lui nommer un successeur. Entraînant de fait la démission d’Arlene Foster, la première ministre issue du DUP, qui ne peut donc pas gouverner sans les républicains. Cette démission de M. McGuinness était justifiée par l’affaire dite « Cash for ash » qui a révélé l’existence d’un vaste scandale de subventions d’énergies renouvelables dans lequel est impliquée Mme Foster. Devant les nombreuses demandes de démission de la part du Sinn Féin, cette dernière n’a pas cédée et a alors contrait ses homologues de la coalition d’user de la méthode la plus radicale.
A l’occasion d’élections anticipées en mars dernier, le DUP est à nouveau arrivé en tête tout en cédant du terrain face aux républicains. Depuis, les négociations de coalition n’ont jamais abouties. La personne d’Arlene Foster étant encore une fois au centre des débats, les nationalistes refusant de gouverner avec elle. Outre cette divergence, des questions plus profondes agitent les deux camps : notamment le conservatisme radical du DUP sur les questions sociétales (refus de l’avortement, anti mariage gay et rétablissement de la peine de mort notamment).
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Les deux partis avaient jusqu’au 30 octobre dernier pour former un gouvernant. Sans quoi, le risque de voir Londres reprendre la main de manière plus ferme sur la province, et ainsi porter un coup aux accord signés il y presque vingt ans, planait au-dessus du Parlement à Belfast. A cette crise politique s’ajoute aussi une crise monétaire. Sans gouvernement, la province n’est pas en capacité de présenter un budget pour l’année prochaine. Londres s’en chargera donc. Si ces derniers ont assuré que cela ne remettait pas en cause le partage des compétences établies en 1998, la symbolique est forte.
Entre Brexit et indispensable formation d’un gouvernement, l’Irlande du Nord s’apprête à vivre des prochains mois chaotiques, près de vingt ans après avoir historiquement signé la volonté d’une province apaisée.