L’Union européenne était sous le feu des critiques depuis plusieurs semaines pour ne pas avoir ratifié l’accord de Paris, adopté lors de la COP21. C’est chose faite depuis le 4 octobre. Eurosorbonne revient sur les enjeux de cette ratification.
Moins de dix mois après l’adoption de l’accord de Paris, l’Union européenne a finalement autorisé sa ratification. Ce premier accord universel sur le climat avait été adopté lors de la COP21, le 12 décembre 2015 par 174 États, plus l’Union européenne. Il prévoit de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C de plus que le niveau pré-industriel (avant 1850) et d’arriver à une neutralité carbone : que les humains ne produisent pas plus de gaz à effets de serre que la Terre n’est capable d’absorber.
Signé par la très grande majorité des parties en avril, il n’avait pourtant été ratifié que par très peu de pays. Jusqu’à fin août, il n’avait été ratifié que par des pays produisant moins de 0,4% des émissions de gaz à effets de serre, majoritairement africains, asiatiques, mais surtout des États insulaires, les plus frappés par la pollution. Début septembre, la Chine, suivie des États-Unis, les deux plus grands pollueurs de la planète, ont ratifié l’accord de la COP21. Les regards se sont alors tournés vers l’Union européenne, troisième pollueur mondial, qui n’a pas encore ratifié le document.
Une Europe “à la traîne”
Alors que l’Union européenne se présente comme le leader mondial de l’action pour le climat, et a parlé d’une même voix lors des négociations de décembre 2015 à Paris, les débats sont laborieux, les institutions à la traîne. Dans son discours sur l’état de l’Union du 14 septembre 2016, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, rappelle d’ailleurs : “Tarder à tenir les promesses faites est un phénomène qui risque de plus en plus de saper la crédibilité de l’Union.” Réunis en conseil extraordinaire le 30 septembre, les 28 ministres de l’Environnement ont autorisé une ratification globale de la part de l’Union européenne. En temps normal, pour un texte international, l’UE doit attendre que chaque pays membre ait ratifié nationalement l’accord, pour pouvoir le ratifier de façon communautaire.
BratislavaSummit starts to bear fruit: All MS greenlight early EU ratification of #ParisAgreement. What some believed impossible is now real
— Donald Tusk (@eucopresident) 30 septembre 2016
Avec l’autorisation des 28 États, l’UE peut ratifier l’accord de Paris sans attendre l’acceptation des parlements nationaux, et les États ne doivent pas le ratifier tous en même temps, ce qui est l’usage. Car jusque là, très peu de pays européens avaient lancé les démarches de ratification du texte : la France, la Hongrie, l’Autriche et plus récemment, l’Allemagne, le Portugal, la Slovaquie et Malte ont lancé les démarches parlementaires.
Plusieurs pays traînaient des pieds. La Pologne est dépendante du carbone pour son énergie, mais aussi pour son marché de l’emploi : le secteur du carbone concerne plus de cent milles emplois polonais. Le Royaume-Uni ne s’est pas manifesté non plus, étant en pleine crise politique, suite au référendum du 23 juin et à l’instabilité dans les deux partis principaux. Enfin, le gouvernement provisoire espagnol n’est pas en capacité de ratifier un accord. Qu’à cela ne tienne, le Parlement européen a voté le 4 octobre en faveur d’une ratification à une quasi unanimité : 610 voix pour, 38 contre.
Rester un acteur diplomatique fort
Mais il convient de relativiser les “délais” que l’Union européenne s’est autorisée à prendre. Si elle a été exposée à de nombreuses critiques, l’Europe a été particulièrement efficace dans les démarches de ratification de l’accord de Paris : 10 mois entre l’adoption lors de la COP21, la signature et la ratification alors que le protocole de Kyoto, adopté en 2005, avait pris aux Etats plus de sept ans.
En dehors de la question de l’image de l’Europe, qui se veut à la pointe du combat écologique, c’est surtout sur un plan diplomatique qu’il y avait urgence. Le 7 novembre s’ouvre à Marrakech la COP22, qui a pour but de mettre en oeuvre les engagements pris à Paris. Si tous les États sont les bienvenus pour assister aux débats et donner leur opinion, seuls ceux ayant ratifié l’accord de Paris 30 jours minimum avant l’ouverture de la conférence pourront prendre part aux délibérations.
Il était donc important pour l’Union Européenne de se positionner comme un acteur fort, impliqué, pour peser sur les négociations. Enfin, pour que l’accord de Paris devienne contraignant, il fallait rassembler plus de 55% des États, à l’origine de 55% des émissions de gaz à effets de serre. C’est chose faite avec l’arrivée des quelques pays européens à avoir ratifié l’accord. Celui-ci entrera officiellement en vigueur le 4 novembre prochain. Pour garder son leadership de défenseur de la planète, l’Union européenne devra faire preuve de ténacité lors des débats, et peut-être prendre l’initiative plus rapidement, pour la mise en oeuvre des accords. Une résolution a par ailleurs été adoptée le jeudi 6 octobre : l’Union européenne devra revoir ses objectifs à la hausse pour tenir ses engagements.
Elena BLUM