Le monde des Trump et consorts menace-t-il les politiques climatiques ?

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La conjoncture internationale atteint en 2017 un niveau d’instabilité politique inédit. La lutte contre le changement climatique est en difficulté dans ce contexte de replis nationaliste, xénophobe et réactionnaire. La montée de mouvements politiques hostiles aux réglementations climatiques, voire climato-sceptiques, fragilise d’autant plus une lutte déjà ardue. Après l’Accord de Paris, quel impact des tensions nationalistes sur le climat ?

Au-delà de tous les aspects déroutants qui ont conduit à la présidence de Donald Trump aux États-Unis, son dénigrement et son manque ostensible de conscience du changement climatique ont particulièrement inquiété les militants écologistes, et plus largement la communauté internationale. Se retrouvant à la tête de ce qui reste la première puissance mondiale, le nouveau « Leader of the Free World », fait peser sur la planète la menace d’un pas en arrière de la politique environnementale américaine.

La mandature Obama avait pourtant culminé en septembre 2016 par la ratification de l’Accord de Paris négocié lors de la COP21. Cette maigre avancée, avant tout symbolique, démontrait en tout cas qu’un espoir modéré était possible. Aujourd’hui, de nombreux éléments font pencher l’espoir du côté du doute et même de la peur rationnelle. La montée des sentiments anti-mondialisation dans nombre de pays occidentaux fait émerger des forces identitaires et nationalistes, qui peuvent être un danger pour une lutte globale nécessaire contre le réchauffement climatique. Aux États-Unis comme en Europe, des inquiétudes sont justifiables.

L’impossible Monsieur Trump : des craintes justifiées ?

Depuis quelques décennies, et ce notamment depuis 1992 et la signature de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, les différents gouvernements occidentaux européens et américains se sont toujours inscrits dans une démarche de prise en compte du changement climatique, qu’ils soient d’un bord politique ou de l’autre. Ce n’était parfois qu’un écran de fumée mais aucun n’est allé aussi loin que Donald Trump dans sa campagne présidentielle.

Qualifiant le réchauffement climatique de « canular », il a ouvertement fait campagne en mettant en avant les énergies fossiles. Il a notamment promis la réouverture de mines de charbon pour offrir des milliers d’emplois aux mineurs délaissés, ou encore la relance des projets de pipelines Keystone XL et Dakota. Il a également émis l’idée d’une sortie de l’Accord de Paris, qui serait selon lui en contradiction avec le développement économique américain, pour se raviser par la suite, ne rassurant que moyennement la communauté internationale.

Un message fort a cependant été envoyé lorsque la Chine, première émettrice de gaz à effet de serre au monde, a ratifié l’Accord sur le Climat, le président chinois Xi Jinping demandant aux signataires « de s’y tenir ». L’inquiétude concernant les États-Unis n’est cependant pas levée : il est tout à fait possible que les engagements, juridiquement non-contraignants, de l’Accord de Paris ne soient pas suivis.

Ce n’est d’ailleurs pas les actions de Donald Trump depuis son élection qui vont apaiser cette crise. Il vient notamment de nommer Scott Pruitt comme administrateur de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), plus haute autorité américaine dans le domaine. Scott Pruitt s’est entre autres fait remarquer pour ses positions climato-sceptiques et ses liens avec les lobbys du pétrole et du charbon. Il a également poursuivi en justice l’agence qu’il dirige de nombreuses fois par le passé. Lors de son discours d’inauguration à l’EPA, il a annoncé la couleur : le mot « climat » n’a pas été prononcé une seule fois. Selon lui, « la science du changement climatique est loin d’être fixée ».

 

Entre déni de réalité et « écologie nationaliste » : la science contre le populisme

Les États-Unis ne sont cependant pas les seuls à générer des inquiétudes aujourd’hui. La montée en Europe de partis nationalistes souvent d’extrême droite n’arrange en rien la pérennisation des politiques environnementales. Cette question semble en effet reléguée au second plan par ces partis. La référence à l’environnement revêt souvent un caractère réactionnaire : « l’environnement » n’étant qu’une référence à un passé rural idéalisé. Les politiques climatiques globales ne sont que très peu abordées, entrant toutefois en cohérence avec une politique recentrée sur le national, ne permettant pas le déploiement d’une solidarité internationale dans l’urgence climatique.

Au Royaume-Uni, le parti eurosceptique UKIP, largement responsable de la victoire du Brexit, ne s’exprime que peu sur ce sujet. La figure de proue de ce parti, Nigel Farage, explique dans un article de Spiked qu’il « ne sait absolument pas si le changement climatique est provoqué par des émissions de dioxyde de carbone ». S’exprimant sur les énergies renouvelables, il a déclaré : « Je pense que l’énergie éolienne est la plus grande folie économique collective que j’ai vu de toute ma vie. Je n’ai jamais rien vu d’aussi stupide, illogique et irrationnel ». En 2015, une action mondiale appelée « Earth Hour » a eu lieu pour médiatiser la lutte climatique en éteignant toute les lumières des habitations et monuments. Le députée européen UKIP Roger Helmer encourageait à cette occasion de faire l’inverse : « allumez toutes vos lumières pendant « Earth Hour » ». Difficile d’être plus clair.

En Allemagne, un détour sur le programme environnemental de l’Alternative für Deutschland (AfD) n’est pas plus réjouissant. L’AfD insiste sur la remise en cause des travaux du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Cette stratégie est commune à de nombreux climato-sceptiques : relativiser le changement climatique en l’incluant dans un processus long et inéluctable, minimisant ainsi le rôle humain. Dans leur programme, on retrouve donc des arguments expliquant qu’il existe des réchauffements et refroidissements climatiques depuis toujours, et également que le dioxyde de carbone est constitutif de toute existence. Malgré la véracité de ces propos, ils ne sont qu’une part d’un phénomène climatique global dont l’Humain a aujourd’hui pris une part fondamentale incontestable. Le climato-scepticisme gagne cependant du terrain à travers cette négation de la science et de la réalité.

Le Front National en France essaye d’adapter son programme nationaliste à la sensibilité écologique grandissante du pays. Marine le Pen a en effet présenté début décembre 2016 son programme environnemental, ce qu’elle appelle « l’écologie patriote ». Critiquant l’Accord de Paris, la candidate FN essaye de montrer la cohérence de son projet avec les thèses écologistes. Elle défend cependant le nucléaire, seul facteur d’indépendance énergétique selon elle, et critique ouvertement les opposants « zadistes » à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Son opposition aux énergies fossiles se justifie notamment par une hostilité aux pays pétroliers « qui nous vendent en même temps leur pétrole et nous exportent leurs idéologies », comme le rapporte un article du Monde. On a également du mal à imaginer la cohérence du reste du programme du Front National avec l’écologie politique, tant la logique nationaliste et anti-immigration ne peut pas s’associer avec la solidarité internationale face aux catastrophes climatiques, et notamment aux 250 millions de réfugiés climatiques prévus dans les années à venir par l’ONU, ainsi que l’affirme un article de L’Express. Le pari d’une écologie nationaliste semble en effet extrêmement périlleux compte-tenu de l’action politique concertée au niveau global nécessaire.

L’essor de mouvements politiques reléguant la politique environnementale au second plan ou remettant en cause le changement climatique est véritablement préoccupant. Dans un moment clé où des actions importantes doivent être prises avec urgence, il n’y a plus de temps pour accentuer les dégâts qui sont déjà pour de nombreux experts irréversibles. La dynamique de l’Accord de Paris doit être prolongée et intensifiée, et non pas entravée et bafouée. En cette année charnière de 2017, il est plus que jamais nécessaire d’ancrer le changement climatique comme axe transversal des politiques publiques globales.

Maxime Zimmermann

Passionné par les questions environnementales et internationales, je veux croire à une Europe plus écologique et sociale.

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