Jeudi 25 mai s’est tenu à Bruxelles un sommet extraordinaire de l’OTAN, à l’occasion de l’inauguration du nouveau QG de l’alliance atlantique. Donald Trump, très attendu, s’est montré autoritaire et est parvenu à faire plier des pays européens encore trop effacés.
On le savait expert des voltes-faces, mais Donald Trump a encore prouvé sa capacité à dire une chose et son contraire, lors du sommet de l’OTAN qui se déroulait à Bruxelles ce jeudi. Celui qui avait fait du rejet de l’OTAN un argument de campagne, jugeant l’organisation “obsolète”, avait affirmé en avril, à la surprise générale qu’il s’agissait d’un “rempart pour la paix internationale et la sécurité”. Difficile de dénigrer l’organisation, puisque le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, avait fait le déplacement à Washington pour s’entretenir avec Trump. Pour justifier son propos, il a affirmé : “Je me suis longtemps plaint à ce sujet et ils ont changé. Maintenant, ils luttent contre le terrorisme. J’avais dit qu’elle était obsolète. Elle ne l’est plus.” Une façon de rappeler à ses alliés que seuls quelques sujets, dont la lutte contre Daesh, préoccupent le Président des États-Unis, et que pour avoir son assentiment, il faut “changer”, se modeler à ses attentes.
L’OTAN rejoint la coalition contre Daesh
Jeudi, même son de cloche. S’il affirme à Emmanuel Macron, lors de leur première rencontre, qu’il “soutient l’OTAN à 100%”, sans donner les preuves concrètes de ce soutien, il n’a jamais affirmé son attachement à l’article 5 de la Charte atlantique, prévoyant qu’en cas d’attaque contre l’un de ses 28 membres, les autres ont l’obligation d’intervenir. C’était pourtant l’attente de tous les Européens, qui ont fait un pas vers les États-Unis, en acceptant l’intégration pleine et entière de l’OTAN dans la coalition qui lutte contre Daesh. Jusque là, quelques pays, dont la France et l’Allemagne, émettait des réserves quant à une telle adhésion, préférant laisser les États choisir indépendamment s’ils voulaient y adhérer, et craignant que l’engagement de l’OTAN ne soit un symbole qui rebute les États arabes engagés dans la coalition, et très actifs dans la lutte contre le terrorisme.
Le Président américain a réussi à orienter les débats et discussions du jour autour de ses deux préoccupations : le terrorisme d’une part, et le financement de l’OTAN d’autre part. Sur ce dernier point, il a fait la leçon aux 27 dirigeants européens, dans un discours au ton paternaliste. Celui qui se voit visiblement comme le leader du Monde libre s’est autorisé à rappeler que “Vingt-trois pays sur vingt-huit continuent à ne pas payer ce qu’ils sont censés payer, ce n’est pas juste à l’égard du contribuable américain”, allant jusqu’à calculer un manque à gagner de 120 milliards d’euros. Si la demande des États-Unis -qui contribuent à hauteur de 70% du budget de l’OTAN- est légitime, de nombreux petits Etats ont dénoncé une agressivité et une supériorité affichée par Donald Trump. D’autant que les Européens ont déjà engagé des réformes pour prendre une part plus importante du “fardeau”. En 2014, ils s’accordent pour dépenser 2% du budget national de chacun dans la défense, et les effets se font déjà sentir, affirme Jens Stoltenberg. Enfin, le Président américain est allé jusqu’à imaginer un remboursement des dépenses militaires des États-Unis par les autres pays, tout comme, en mars, il avait estimé que l’Allemagne lui devait, et devait à l’OTAN, de grosses sommes d’argent. Un serpent de mer dans la bouche du locataire de la Maison-Blanche.
Une Europe en retrait
Autre actrice de cette journée du 25 mai : l’Europe, omniprésente. Dans la ville d’accueil, Bruxelles, qualifiée par Trump de “trou à rats”. Dans les institutions de l’Union européenne, puisque Donald Tusk, Jean-Claude Juncker, Federica Mogherini et Antonio Tajani se sont entretenus longuement avec le Président américain. Dans les États, enfin, puisqu’avec l’élection d’Emmanuel Macron en France, une relance européenne semble enfin possible. Après sa rencontre avec Angela Merkel, à qui il avait réservé son premier voyage diplomatique, Emmanuelle Macron a envoyé son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, à la rencontre de son homologue allemand, Wolfgang Schäuble, la semaine dernière, en marge de la réunion de l’Eurogroupe pour le sauvetage de la Grèce. Les deux hommes se sont entendus sur une feuille de route et des objectifs de travail commun. Dans le même temps, Emmanuel Macron recevait Paolo Gentiloni, le Président du Conseil italien, pour affirmer les valeurs européennes et renforcer son image de réformateur de l’Union européenne.
Mais jeudi, nulle trace de cette émulation européenne. Les européens ont généralement été discrets, se contentant d’apprécier le fait que Donald Trump n’ait pas vraiment remis en question le bien-fondé de l’OTAN. Les dirigeants européens ont par ailleurs été marqués par la brutalité de leur homologue américain. Celui-ci n’a pas hésité à bousculer le Premier ministre monténégrin pour être au premier rang de la photo de famille. Seul Emmanuel Macron a semblé vouloir rivaliser en virilité, puisqu’il s’est livré à un jeu consistant à broyer la main du Président américain, qui lui a rendu la pareille, et puisque le Président français a salué Angela Merkel avant Donald Trump. De bien légères marques de puissance, face aux États-Unis qui sont apparus comme les décideurs mondiaux.
Pourtant, le scénario d’une Europe de la Défense est de plus en plus crédible. Emmanuel Macron a nommé la très européiste Sylvie Goulard au poste de ministre des Armées, et elle devra réfléchir à une possibilité de renforcer la sécurité de l’Europe avec ses homologues. La Commission européenne a, pour sa part, organisé des débats et des réflexions, mercredi, qui seront publiés le 7 juin et devront permettre de renforcer la coopération militaire sans toucher aux traités. L’Europe, qui tente de trouver son autonomie, avait ainsi tout intérêt à se montrer unie et solide, face à un Donald Trump offensif et décomplexé, qui après avoir renforcé sa coalition et imposé sa leçon à ceux qu’il semble considérer comme ses subordonnés, ressort grand vainqueur du Sommet de l’OTAN 2017.
Donald Trump tirant brutalement le bras d’Emmanuel Macron, après que celui-ci l’ait fait attendre.