Lost on the internet : 5 liens pour comprendre la crise migratoire

Avec près de 46 000 migrants coincés en Grèce continentale, et 7000 migrants supplémentaires arrivés depuis l’accord UE-Turquie du 20 Mars, la crise migratoire ne cesse de faire la une, notamment lors des affrontements récents avec la police des frontières macédoniennes. Mais ne nous laissons pas submerger par une médiatisation qui joue tantôt le jeu de l’angélisme, tantôt celui de l’alarmisme et revenons en aux faits. 

Internet c’est grand, très grand, on y trouve des chiens qui dansent la samba, des chats pianistes et même des gens qui croient que la terre est plate (si, si je vous assure, ça s’appelle la « flat earth society »). L’inconvénient de cet accès instantané au savoir est qu’il s’avère nécessaire d’effectuer un certain tri de l’information, de filtrer le bruit environnant, afin de lui donner un sens et d’éviter la saturation. Le web est, comme on nous le rabâche, un outil à double tranchant, permettant à la fois de compiler notre savoir commun en une encyclopédie gratuite comme Wikipédia, mais aussi de se badigeonner dans la crasse intellectuelle que cristallisent certains forums louches.

Pour comprendre l’actualité, il convient donc d’approcher les informations avec précaution, de les croiser et les faire discuter afin de construire un point de vue qui, avec un peu de chance, ne tombera pas dans la simplification, les préjugés ou le complotisme. Dans ce court article, je vous propose donc 5 sources pour comprendre la si polémique “crise migratoire” européenne, et vous permettant de développer votre propre opinion (la mienne n’étant pas assez renseignée pour proposer une analyse pertinente).


First things first : Parce qu’on ne le dit jamais assez, (dixit le précédent article de Béatrice Chioccioli) il existe une distinction de terminologie fondamentale entre les termes de “migrant” et de “réfugié” qu’il convient de traiter en amont, sans quoi il est impossible d’avancer :

Réfugié :

Selon L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés :

« Les réfugiés sont des personnes qui fuient des conflits armés ou la persécution. Leur situation est souvent si périlleuse et intolérable qu’ils traversent des frontières nationales afin de trouver la sécurité dans des pays voisins, et sont par conséquent reconnus internationalement comme des réfugiés ayant accès à l’aide des États, du HCR et d’autres organisations. On les reconnaît ainsi précisément parce qu’il est dangereux pour eux de retourner dans leur pays et qu’ils ont besoin d’un refuge ailleurs. Refuser l’asile à ces personnes aurait potentiellement des conséquences mortelles. »

 

Migrant :

Toujours selon L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés :

“Les migrants choisissent de ne s’en aller non pas en raison d’une menace directe de persécution ou de mort, mais surtout afin d’améliorer leur vie en trouvant du travail, et dans certains cas, pour des motifs d’éducation, de regroupement familial ou pour d’autres raisons.”

Selon cette définition, ton année Erasmus te positionne donc comme « migrant » dans le pays en question.

 

« Aha, Facile ! J’ai tout compris ! » vous dites-vous en bons lecteurs, « Le migrant part volontairement et pour des raisons économiques mais bénéficie encore de la protection de son Etat d’origine…

unicornmoney

 

…alors que le réfugié quitte son pays pour des raisons de survie. »

run away

 

Presque, mais pas tout à fait…

oui mais non

 

Comme le fait remarquer l’ONG Cimade :

« Le terme “migrant” doit être utilisé avec précaution, car il n’est dénué ni d’idéologie, ni d’ambiguïté. Il arrive qu’il serve à opérer un tri entre les personnes qui quittent leur pays selon les causes supposées de leur départ. Les “migrants” feraient ce choix pour des raisons économiques, quand les réfugiés ou les demandeurs d’asile y seraient forcés pour des motifs politiques. Or les contraintes économiques et politiques se confondent souvent, et la distinction entre différentes catégories de “migrants” est généralement arbitraire. »
 mind blown

 

Attention donc, au terme de « migrant » et son utilisation, sans oublier l’aspect plus restreint de « réfugié ». Les utiliser de façon interchangeable est donc à la fois contre-productif à la compréhension des motivations de ces personnes et diminue aussi la dimension de survie liée aux réfugiés. Mais cette distinction est également potentiellement artificielle et à manipuler avec précaution.

Fini la parenthèse. Sans plus attendre, voici donc 5 liens qui fournissent des pistes de réflexion pour approfondir ce que vous savez sur la crise migratoire :
1.

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Mordu de données brutes et de cartes ? Frémis-tu en voyant graphiques en bâtons, histogrammes et autres data visualisations ? Alors ce condensé de la BBC, une valeur sûre en termes de neutralité et de solidité de l’information est fait pour toi

D’où viennent les migrants ? Par où ? Quels pays privilégient-ils pour demander l’asile ? Quels sont les quotas des pays européens et lesquels les respectent ?

Pour les flemmards de l’anglais (je vous ai à l’œil), une version tout aussi complète est proposée par Les Décodeurs.

 

2.

Passons du côté de chez Data Gueule, une chaîne Youtube française aux animations et data-visualisations qui feront rougir les amoureux des chiffres. Selon la chaîne, en 2015, 240 millions de personnes ont migré pour des raisons économiques, politiques ou de survie. Ce chiffre impressionnant ne représente néanmoins que 3% de la population mondiale, ce qui permet une mise en perspective démographique comparé aux 12% de l’exode européenne vers les Amériques au 19ème siècle. Ainsi, seulement 26% des populations déplacées dans le monde seraient des réfugiés, et 60% de IDP (internally displaced persons). On pense notamment à la Syrie où près d’un tiers de la population est déplacée intérieure. Datagueule conclut “Fermer la porte ne résout pas le problème, ça ne fait que laisser du sang sur la poignée”.

3.

Le grand frère anglo-allemand de Data Gueule, la chaine Kurzgesagt – In a Nutshell vaut aussi le détour (fait entièrement sur Illustrator, si si !) Leur crédo “Videos, explaining things. Like evolution, time, space, global energy or our existence in this strange universe. We are a small team of like minded people who want to make science look beautiful. Because it is beautiful.” témoigne du large éventail de sujets abordés. Leur traitement de la crise migratoire est visuellement très réussi et présente l’avantage de traiter les arguments principaux des opposants à l’immigration, quoi que de façon quelque peu expédiée, mais il risque de laisser les lecteurs les plus érudits sur leur faim. Le titre “The European refugee crisis and Syrie explained” trahit également une faiblesse, il tend à confondre migrants et réfugiés, une faute que vous ne pouvez plus faire !

4.

John Green, de l’excellente chaine Crashcourse, tente de son côté de traiter de cette crise du point de vue américain, souvent peu inclus en Europe. Il situe également le point de départ de son analyse de la crise migratoire avec la guerre civile en Syrie, tout en nous mettant en garde contre l’effet déshumanisant des statistiques. En effet, les grands nombres ont un côté froid et distant, et ont la fâcheuse tendance à retirer la dimension tragique de la mort.

5.

D’humeur à se plonger dans le sujet, d’acquérir une vision large et approfondie de toutes les problématiques soulevées ? Cet excellent reportage d’Arte est là pour aller jusqu’au bout des choses. Leur présentation de la crise migratoire problématise le sujet de façon très concise, et peut constituer de belles pistes de réflexion, voyez plutôt :

“Alors que de dramatiques images nous rappellent la violence de l’exil, conséquence des conflits internationaux, et que l’Union européenne discute de quotas d’accueil de dizaines de milliers de réfugiés, beaucoup pensent que les immigrés sont de trop. Dans des pays massivement touchés par le chômage et la crise, le marché de l’emploi et les systèmes de protection sociale, déjà sous tension, ne permettraient pas d’accueillir de nouveaux-venus. Mais à bien y regarder, l’immigration pose-t-elle réellement un problème économique ?

“Qu’il s’agisse d’États-nations malmenés par la mondialisation et les conflits ou d’une Europe qui peine à définir son rapport aux autres, l’immigration pose la question du vivre ensemble et de la relation à l’autre. En questionnant sciences économiques et sciences sociales, en rencontrant des migrants à New York, en Suède ou en Italie, ce numéro de Déchiffrage pose un regard précis, loin des fantasmes, sur une question dont on oublie trop souvent l’angle économique. “

 

Il est important de noter que ces 5 sources restent idéologiquement assez proches, notamment pour leur vision humaniste, libérale et tolérante. Afin de mener à bien l’exploration approfondie des perceptions de la crise migratoire, il conviendrait d’inclure des points de vues plus critiques, mais la visée de cet article reste une compréhension globale de la crise et de ses enjeux.

Encore là ? Bravo !

wow clap

 

 

 

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