Alors que la fracture entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest n’a peut-être jamais été aussi grande depuis longtemps, la Slovaquie semble se rapprocher du duo franco-allemand.
Éclatement du groupe de Višegrad ? Peut-être pas, mais des divisions et des divergences de point de vue affichées, oui. Le 15 août dernier, le premier ministre slovaque Robert Fico, déclarait : « les fondamentaux de ma politique sont proches du noyau dur de l’UE, proches de l’Allemagne et de la France ». Une déclaration qui se fait dans un contexte de tentative de rapprochement entre l’Europe de l’Ouest et les pays d’Europe de l’Est, en particulier sous la volonté du président français Emmanuel Macron. Malgré tout, ces mots du premier ministre slovaque semblent bien isolés face aux nombreuses déclarations de défiance, en particulier de la part de la Pologne et de la Hongrie, vis-à-vis du reste de l’Europe. Alors, vraie sincérité ou simple pragmatisme de la part de Robert Fico ?
Une intégration réussie
Ces derniers mois, le groupe de Višegrad s’est montré en désaccord sur de nombreux points avec le reste de ses partenaires européens, donnant du même coup de nouveaux arguments aux défenseurs d’une Europe à plusieurs vitesses. Au sein de ce quatuor (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), les deux premiers n’ont eu de cesse de se marginaliser. La République tchèque a quant à elle brandi la menace, par la voix de son président Milos Zeman, de la mise en place d’un référendum sur une possible sortie de l’Union.
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De ces pays qui tendent à s’isoler, la Slovaquie demeure le plus intégré. Son appartenance à la zone euro, ce qui n’est pas le cas des autres membres de Višegrad, en fait un partenaire privilégié tout en lui assurant des échanges commerciaux plus importants avec le reste de l’Europe, en particulier l’Allemagne qui est son premier partenaire. De plus, mais c’est également le cas de ses voisins régionaux, une grande partie de son développement en infrastructures provient de généreux fonds européens alloués depuis 2004.
Une fausse surprise
Ce soutien affiché et revendiqué au duo franco-allemand est une demi-surprise. Robert Fico, le premier ministre slovaque, n’a jamais caché son attachement à l’Europe. Les éléments commerciaux et financiers énoncés précédemment aidant. Malgré tout, à l’instar de ses compagnons de Višegrad, il s’était jusqu’ici opposé à l’accueil de réfugiés sur son sol. Malgré un engagement initial d’accueillir 902 réfugiés, seulement 16 ont en réalité pris le chemin de la Slovaquie après avoir échoué en Grèce et en Italie. Dans la perspective de réchauffer les relations avec l’Europe de l’Ouest, M. Fico a annoncé vouloir accueillir 100 demandeurs d’asile très prochainement. Une goutte d’eau à l’échelle du pays, mais un geste symbolique bienvenu.
Sur le statut des travailleurs détachés, éternel point d’affrontement entre européen de l’Est et de l’Ouest, là aussi les Slovaques, accompagnés des Tchèques, ont montré une volonté de « débattre pour trouver un accord d’ici octobre ». Rien d’officiel ici, mais des mots qu’il était inimaginable d’entendre dans la bouche de ces dirigeants il y a encore quelques semaines.
Le pragmatisme de Robert Fico ?
Par ses gestes d’apaisement, Robert Fico réjouit les observateurs et se place ainsi comme un interlocuteur en Europe de l’Est. Certes, M. Fico est favorable à la construction européenne, mais il sait aussi être pragmatique quant aux intérêts que pourrait y trouver son pays dans un rapprochement plus important avec le duo franco-allemand.
Comme l’explique le politologue Grigorij Mesežnikov, face aux nombreuses provocations de la Pologne et de la Hongrie, le premier ministre slovaque semble vouloir s’affirmer comme le porte-voix et le garant de la démocratie dans la région (bien qu’il n’ait pas toujours tenu ce discours auparavant et qu’il n’ait pas condamné publiquement les agissements de ses voisins). Robert Fico refuse de voir son pays associé de trop près aux fauteurs de troubles polonais et hongrois.
En adoptant cette stratégie au grand jour, au risque de refroidir ses relations avec ses voisins, Robert Fico veut montrer qu’à l’instar de pays leaders en Europe, il peut dialoguer avec tout le monde tout en ne reniant pas son appartenance au groupe de Višegrad, symbole informel d’une Europe de l’Est qui ne cessera d’affirmer ses divergences avec Bruxelles.
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