Comme tous les 8 mars, ce mardi avait lieu la journée internationale des droits de la femme. Alors que certains estiment qu’il suffit d’offrir des fleurs et/ou de se charger des tâches ménagères pour rendre hommage à ces dames, il convient plutôt de se pencher sur leurs droits ; la question de l’avortement au sein de l’Union Européenne illustre une inégalité encore trop grande des droits des femmes en Europe.
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Une législation hétérogène
La législation sur l’avortement en Europe est disparate et les différences entre les États membres sont marquées. Il suffit pour s’en rendre compte de prendre deux extrêmes. D’un côté, la Suède, qui possède une des lois sur l’avortement des plus ouvertes au monde : les femmes peuvent y avorter sur demande et jusqu’à 18 semaines de grossesse, les mineures peuvent se passer de l’accord de leurs parents ou représentants légaux et il n’y a pas de délai de réflexion entre le moment où elles émettent la demande et celui où l’acte est pratiqué. D’un autre côté, Malte, qui interdit tout simplement l’avortement, même en cas de danger pour la vie de la femme ou de malformation du fœtus.
Il faut faire attention à ne pas confondre les deux types d’avortement : l‘IVG, interruption volontaire de grossesse, et l‘IMG, interruption médicale de grossesse ou « avortement thérapeutique », qui est un avortement pratiqué pour raisons médicales en cas de danger pour la vie de la femme ou du fœtus. L’IVG n’est donc pas légale dans tous les pays de l’UE tandis que l’IMG est l’avortement le plus répandu à travers l’Europe puisque seul Malte l’interdit.
La menace des populismes
A travers l’Europe, les populismes ne cessent de remettre en cause les différentes législations. En Espagne par exemple, quatre ans seulement après la dépénalisation de l’IVG, le ministre de la justice Alberto Ruiz-Gallardon a présenté un projet de loi restreignant l’avortement à deux conditions seulement : en cas de viol ou de danger physique ou psychique de la femme enceinte. Le Lobby Européen des Femmes avait alors créé un site Internet permettant d’organiser un « voyage » dans un autre pays européen où la loi autorise l’IVG ; ce site indiquait un prix indicatif du coût du trajet et les dépenses à prévoir sur place. Face à une mobilisation de grande ampleur, que ce soit en Espagne mais aussi dans le reste de l’Europe, le gouvernement a fini par retirer le projet de loi, entraînant dans la foulée la démission du ministre.
Cette victoire des mouvements pro-choix (pour la libéralisation de l’avortement, en opposition aux pro-vie, militants anti avortement) ne permet toutefois pas de faire oublier ce qu’il se passe ailleurs en Europe, comme en Pologne ou encore en Hongrie, pays dans lesquels le droit à l’avortement est menacé par les partis populistes au pouvoir. En France, Marion Maréchal Le Pen avait quant à elle proposé en 2015 de ne plus subventionner les Plannings familiaux.
Mais que fait l’Union Européenne ?
En décembre 2013, la Commission européenne a rejeté un texte de loi proposant un accès facilité aux moyens de contraceptions et à des avortements sûrs. Il était présenté par la députée socialiste portugaise Edite Estrela, à la tête de la Commission pour les Droits de la femme et l’égalité des genres, et était pourtant non contraignant. Les débats ont divisé les partis et montré une fracture entre les différents courants : la gauche accusait la droite d’avoir empêché l’adoption de la loi, puisque cette dernière avait voté contre, tandis que la droite reprochait à la députée d’avoir proposé un texte trop conflictuel puisqu’il contenait des mentions faites à la communauté LGBT. Côté français, le FN, et notamment Bruno Gollnisch, avait mené campagne contre ce texte, recevant beaucoup de soutiens. Aymeric Chauprade, chef de la délégation du parti d’extrême-droite, était même allé, deux ans plus tard, jusqu’à qualifier l’avortement d’ « arme de destruction massive ».
Un autre texte de loi, proposé dans la même période, a quant à lui été adopté après un vote serré puisqu’il y a seulement eu 7 voix d’écart entre ses défenseurs et ses opposants. Ce texte conforte la souveraineté des Etats sur cette question. En clair : l’UE ne peut pas imposer aux États membres de changer leur législation.
Face à la montée en puissance des partis populistes et des mouvements hostiles à l’avortement, il est utile de rappeler un fait relativement simple : si une femme veut avorter, elle trouvera un moyen de le faire, quels qu’en soient les coûts. Afin de ne plus stigmatiser les femmes souhaitant mettre un terme à une grossesse non voulue et assurer des pratiques médicales sûres, ne faudrait-il donc pas instaurer une législation forte, comme l’avait voulu Edite Estrela ?
De manière concrète, le Planning Familial français milite pour que l’avortement soit légalisé en France, mais également à travers l’Europe, jusqu’à 22 semaines de grossesse. Cela faisait par ailleurs partie des axes d’action de l’IPPF (International Planned Parenthood Federation), qui souhaitait pour la période 2005/2015 la « reconnaissance universelle du droit à l’avortement et l’amélioration de la qualité des services ».
Par Bérangère Saumier