Jeudi 23 juin, 72,21% des Britanniques ont participé au référendum répondant à la question “Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ou la quitter?”. À une faible majorité, c’est le leave qui l’a emporté, présageant un prochain Brexit. Alors que les sondages donnaient les europhobes et les europhiles au coude à coude et ce malgré l’assassinat de la députée travailliste et europhile Jo Cox, le 16 juin, les dernières tendances laissaient à penser que la majorité se prononcerait en faveur du remain. Les réactions ne se sont pas fait attendre.
Today is a victory for decent, ordinary people who have taken on the establishment and won. #IndependenceDayhttps://t.co/j3gTHqZIg7
— Nigel Farage (@Nigel_Farage) 24 juin 2016
Les populistes européens ont eux aussi célébré la décision du peuple britannique :
Victoire de la liberté ! Comme je le demande depuis des années, il faut maintenant le même référendum en France et dans les pays de l’UE MLP
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 24 juin 2016
Hoera voor de Britten! Nu is het onze beurt. Tijd voor een Nederlands referendum! #ByeByeEU https://t.co/inUxfaboA8
— Geert Wilders (@geertwilderspvv) 24 juin 2016
“Hourra pour les Britanniques. Maintenant c’est notre tour. Il est temps pour un référendum néerlandais.”
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Au-delà de l’aspect symbolique et inédit d’un État quittant une Europe à bout de souffle, le départ du Royaume-Uni pose un certain nombre de questions et entraînera de lourdes conséquences, sur le plan national et international.
Quand est-ce que le Royaume-Uni sortira réellement de l’Union européenne ?
Vendredi 24, en début de matinée, David Cameron a annoncé qu’il démissionnerait à l’automne. Il ne commencera pas les démarches de sortie de l’UE avant son départ, malgré les demandes de Bruxelles et de Paris de procéder rapidement à la déclaration de volonté de quitter l’UE, qui aurait pu avoir lieu lors du Conseil européen des 28 et 29 juin. La possibilité de quitter les institutions européennes n’a été instaurée que récemment, dans le traité de Lisbonne (article 50 du Traité sur l’Union européenne, 2007), et le départ du Royaume Uni sera une grande première, qui pourrait entraîner d’autres pays dans son sillage. Très concrètement, le traité de Lisbonne prévoit un délai de deux ans pour sortir de l’UE. Cette période peut être raccourcie ou rallongée, ce qui ne sera probablement pas le cas, car cela requiert l’unanimité des 28 États membres.
Quelles conséquences économiques ?
Les bourses européennes se sont effondrées dans la matinée du 24 : la bourse de Francfort recule de 10%, celle de Paris de 8% et celle de Londres de 7%. Les négociations seront essentiellement économiques, afin de prévoir une possibilité ou non pour le Royaume Uni de rejoindre le Marché unique, auquel des États non membres de l’UE ont accès : Suisse, Norvège, Islande et Liechtenstein. Mais comme ces discussions peuvent prendre des décennies (comme pour les accords entre l’UE et le Canada ou les États Unis), le Royaume-Uni risque de se retrouver au banc de l’économie européenne durant plusieurs années. La City prévoit dans le meilleur des cas un fort ralentissement des finances britanniques. Le commerce international est d’ailleurs ce qui a poussé le Royaume-Uni à intégrer l’Union Européenne en 1973, alors qu’il avait perdu de nombreuses colonies. Le pays pourra toujours se reposer sur le Commonwealth et l’AELE, et investir dans des petits pays émergents, mais il aura à subir la rude concurrence de l’UE et des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Enfin, le Royaume Uni ne pourra pas compter sur un accord atlantique préférentiel, du moins dans les derniers mois de présidence de Barack Obama. Ce dernier a fait savoir en avril que la première puissance mondiale donnerait la priorité à l’Union européenne et n’accorderait aucun traitement de faveur à son allié historique si le Brexit avait lieu. Quelques chiffres permettent de prendre conscience des conséquences de ce tournant économique dans la vie de tous les jours : le Royaume-Uni va perdre ses subventions agricoles issues de la PAC (3,8 milliards d’Euro), selon le syndicat patronal CBI, 950 000 emplois seront perdus d’ici quatre ans (dont 1200 fonctionnaires européens), 73 produits alimentaires pourront dans les années à venir perdre leur appellation européenne et donc être dévalués. Enfin, selon le ministère des Finances, les ménages britanniques vont perdre 5390 euros d’ici moins de quinze ans, principalement à cause des taxes pour l’importation et à cause de la dévaluation de la Livre sterling, dévaluée le 24 au matin à son taux le plus bas, en rapport au dollar, depuis 1985.
Quelles conséquences politiques et sociales ?
Sur le plan politique, le Royaume-Uni a toujours défendu sa souveraineté et s’est opposé à l’idée d’une Europe communautaire. Selon les partisans du leave, le pays récupère donc un certain libre arbitre, ainsi qu’une plus grande liberté dans la législation : en effet, il existe peu de lois britanniques, le pays s’appuyant sur la Common law, et 50% des textes de lois en vigueur au Royaume-Uni sont des résolutions européennes. Au niveau de la justice, les juges britanniques pourront également expulser les criminels d’autres pays membres hors du pays, ce qui est pour le moment interdit par la Cour de justice de l’UE. Le Daily Telegraph estime le nombre de criminels dangereux actuellement présents sur le sol britannique à 5789.
Sur le plan de l’immigration, l’un des arguments les plus forts de la campagne du Leave, le Royaume-Uni pourrait contrôler ses frontières en faisant fi des recommandations européennes. Mais en contrepartie, le gouvernement français a déclaré qu’en cas de Brexit, la France ne retiendrait plus les migrant de Calais ou de Dunkerque. Une immigration clandestine massive pourrait alors avoir lieu.
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Concernant la politique européenne, l’équilibre des pays conservateurs ou libéraux sera bouleversé. Pour faire blocage au Conseil de l’Union européenne, il faut un minimum de quatre États membres représentant 35% de la population européenne. Le bloc libéral perd donc un allié de poids et un pays très peuplé, ce qui pourra conduire à un allégement des velléités libérales de l’UE. De plus, le jeu d’influence Allemagne – Royaume Uni – France se verra devenir un simple duo convergent entre Paris et Berlin, accordant à ces deux pays encore plus de poids et de pouvoir dans les négociations européennes. Enfin, l’Ecosse va probablement demander un nouveau référendum pour quitter le Royaume-Uni. En effet, les Écossais sont majoritairement pro-européens et Nicola Sturgeon, la dirigeante du Parti national écossais (SNP) à a fait savoir qu’elle poserait à nouveau la question de l’indépendance de l’Ecosse en cas de Brexit. Le référendum organisé à ce propos en 2014 avait vu les partisans du Royaume-Uni gagner avec une faible avance (55%). Il ne fait nul doute que le Brexit peut faire pencher la balance de l’autre coté.
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Les conséquences du Brexit peuvent être nombreuses et variées, pour les Britanniques mais aussi pour les autres Etats membres. Elles seront favorables aux uns ou aux autres selon les accords à venir. Le calendrier de sortie du Royaume-Uni et des rencontres de négociations sera connu à la fin du mois.
Elena BLUM
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