C’est un fait, l’Union européenne traverse aujourd’hui une zone de turbulences et va d’échec en échec. L’espace Schengen agonise, une reforme du Règlement de Dublin III est nécessaire mais tarde à venir. Le populisme et le repli sur soi, sur fond de menace terroriste, gagnent du terrain partout en Europe. Dans ce contexte, la foi des européens envers le projet des pères fondateurs s’amenuise.
Dernier événement majeur en date signifiant l’effritement progressif du projet européen : le vote britannique pour sortir de l’Union européenne. Si ce référendum signifie le retour au « splendide isolement » britannique, il agit comme un électrochoc pour les continentaux. L’UE semble aujourd’hui être au milieu du gué et la prise de conscience engendrée par la décision britannique pourrait servir à relancer le projet européen, notamment en parachevant l’Union économique et monétaire.
Une gouvernance économique européenne incomplète
L’union économique et monétaire est consacrée en 1992 avec le Traité de Maastricht. Ce traité vise à faire converger les économies européennes pour plus de stabilité et de prospérité. En 2002 la monnaie commune naît. Aujourd’hui, l’Euro circule dans 19 États membres et a vocation à devenir la monnaie commune aux 28. Seuls le Royaume-Uni et le Danemark bénéficient d’un opt-out pour déroger à cette règle. La Suède, quant à elle ne fait pas partie non plus de la zone euro et ne souhaite pas en devenir membre. À cette fin elle ne remplit pas volontairement les critères dits de Maastricht pour intégrer la zone euro.
Aucune institution européenne n’est exclusivement compétente en matière de gouvernance de la zone euro. Cette compétence est partagée entres les différentes institutions européennes. Ainsi, la Commission européenne, le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne, le Parlement européen et la Banque Centrale européenne sont amenés à légiférer dans ce domaine. L’Eurogroupe, qui est le Conseil européen des chefs d’Etats et de gouvernements des 19 pays membres de la zone euro se réunit pour adopter des décisions portant exclusivement sur celle-ci. Cet organe n’est pas prévu par les traités mais est pourtant le seul à ne traiter exclusivement de la zone euro et des politiques économiques à y mener. Concernant la Banque Centrale européenne, celle-ci a pour rôle de mener la politique monétaire de la zone euro et de lutter contre l’inflation. Son pouvoir en matière de politique économique est très resserré.
Une prise de décision floue
La prise de décision au sein de la zone euro est floue car aucune institution n’est à proprement parler exclusivement compétente dans ce domaine. Cette faille est allègrement exploitée par les eurosceptiques pour dénoncer un processus décisionnel européen obscur, conduit par des eurocrates ne prenant pas en compte les considérations des citoyens. Par ailleurs, cette affirmation est fausse puisque tous les membres exécutifs des différentes institutions sont élus ou nommés directement ou indirectement par les citoyens européens.
D’un autre côté, l’Union européenne est souvent accusée de favoriser le dumping social entre les 28. Pour pallier ce phénomène, la Commission européenne a réaffirmé le 20 juillet dernier sa volonté de réformer la directive sur les travailleurs détachés. Néanmoins, cette réforme ne règlera pas tous les problèmes de dumping social en Europe. Ce phénomène s’appuie en effet sur une autre faille de l’UE : le non-parachèvement de l’intégration économique et sociale des 28. Il ne reste pourtant plus qu’une dernière marche à franchir vers la totale intégration. Cette dernière marche, si dure à franchir car hautement symbolique, consiste à harmoniser la fiscalité et les politiques économiques au niveau européen.
Des actions qui vont dans le bon sens
Une prise de conscience de ces insuffisances émerge, en partie suite à la crise de 2008 et de ses conséquences. Des instruments visant à la convergence des économies européennes existent. Le semestre européen, créé en 2011 va dans ce sens et favorise la convergence des 28 économies. Le pacte budgétaire européen de 2013 s’inscrit également dans cet objectif. L’une des dix priorités de la Commission Juncker ayant pris ses fonctions à l’automne 2014 est d’achever l’Union économique et sociale. En juillet 2015, le « Rapport des cinq Présidents » sur l’Union économique et monétaire a été publié. Co-rédigé par le Président de la Commission européenne J-C. Juncker, M. Draghi (Banque Centrale européenne), D. Tusk (Conseil européen), J. Disjsselbloem (Europgoupe) et M. Schultz (Parlement européen), ce rapport appelle à un renforcement de l’Union économique, financière et budgétaire. Les cinq Présidents évoquent notamment un renforcement du Parlement européen dans les processus de décision dans le domaine économique, financier et budgétaire.
Suite au vote britannique, le président Hollande a entamé une véritable tournée européenne des chefs d’États et de gouvernements pour les sensibiliser à la nécessité de créer un parlement de la zone euro ainsi que pour mettre en œuvre l’harmonisation fiscale. La création d’un Parlement de la zone euro permettrait de renforcer la légitimité de l’UE à légiférer dans ce domaine et couperait court à toutes les revendications populistes. Reste à savoir si cette volonté affichée de l’exécutif français va trouver écho chez ses partenaires européens.
L’UE paie aujourd’hui le prix fort de son immobilisme des années 2000 en matière d’intégration économique. Alors que la priorité a été donnée à l’élargissement plutôt qu’à l’intégration, il est désormais vital pour l’UE de réparer cette erreur et combler le retard accumulé. Sans cela, le populisme va continuer à étrangler le projet européen, jusqu’à l’étouffer. L’heure des choix et des actions est venue.
Maxime Souillard