Le camp des « Brexiters », les partisans du « Leave » victorieux, semble divisé sur la façon de gérer la sortie de l’Union européenne. UKIP, le Parti pour l’Indépendance du Royaume-Uni, qui souhaitait profiter de cette occasion pour s’imposer nettement sur la scène nationale, peine à trouver un cap stable.
Difficile de dire si l’humour anglais y est pour quelque chose, mais la gestion de la crise du Brexit au Royaume-Uni peut, sous certains aspects, ressembler à une vaste farce. Quelques mois après le vote de la population britannique à 52% en faveur de la sortie de leur pays de l’Union européenne, on aurait pu imaginer que la situation serait clarifiée et que le pays se dirigerait sereinement vers le « Brexit ». La réalité est cependant tout autre puisque les dirigeants, tant au gouvernement que dans l’opposition, font face à une multitude de problèmes. Les critiques pleuvent et l’instabilité politique n’a pas été aussi grande depuis longtemps dans le pays. Cette période entre le vote et le début réel de la sortie de l’UE s’éternise et semble abîmer la cohésion des Brexiters.
Une « victoire » pas facile à gérer
Le vote du 23 juin dernier n’aura pas forcément eu les effets escomptés. La situation du Brexit est aujourd’hui très floue, alors que les négociations avec la Commission européenne laissent entendre l’idée d’un « Hard Brexit ». Il s’agirait alors de la mise en place d’une sortie « dure », dans le sens où il n’y aurait aucune compromission entre l’UE et le Royaume-Uni. Ce qui impliquerait donc que le Royaume-Uni devienne un pays comme les autres vis-à-vis de l’Europe, régit par les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. Sa mise en place s’annonce extrêmement compliquée alors que le gouvernement de Theresa May fait appel à la décision de la Haute Cour de Justice du Royaume-Uni.
Cette dernière vient d’annoncer récemment, dans un rapport, que le déclenchement du fameux article 50 du TFUE, prévu dans le traité de Lisbonne pour permettre la sortie d’un État-membre de l’UE, ne pourra se faire qu’avec l’approbation du Parlement britannique de Westminster. Ceci n’est cependant que le dernier rebondissement en date dans la gestion des événements qui ont suivi le vote du Brexit. Que ce soit au sein du gouvernement avec la démission de David Cameron, les déclarations et révélations douteuses concernant Boris Johnson – l’actuel ministre des affaires étrangères et fervent défenseur du Brexit -, ou les négociations difficiles avec les représentants de l’Union européenne, le Royaume-Uni vit une période trouble.
Si les prédictions de l’après Brexit, tant au niveau politique qu’économique, sont devenues le nouveau sport national dans le pays, peu ont imaginé que UKIP vivrait une crise pareille alors qu’il appuyait fortement la campagne du « Leave ». La surprise fut générale lorsque Nigel Farage quitta ses fonctions de président du parti au lendemain du vote, alors qu’il était peut-être au sommet de sa popularité et qu’il réalisait enfin son objectif.
La succession à Farage s’est avérée laborieuse. En effet, la figure politique et emblématique de la mascotte de UKIP semble être difficilement surmontable. Il a déclaré ne plus jamais vouloir être le leader de UKIP. Il y a certes eu une première élection en septembre 2016 où Diane James a été élue à la tête du parti, mais seulement pour démissionner après 18 jours, laissant à nouveau l’intérim de la présidence à Nigel Farage.
L’avenir de UKIP est compromis par des guerres internes
Personne ne semble avoir l’autorité et la popularité suffisante pour reprendre le job, et ce d’autant plus que la crédibilité des membres du parti a été largement entachée par une polémique. En effet, Steven Woolfe, eurodéputé favori dans la course à la succession de Diane James, a été blessé sérieusement lors d’une dispute musclée avec Mike Hookem, autre eurodéputé UKIP. Il a dû être envoyé à l’hôpital, profitant au passage paradoxalement du système de soins européen. Après rémission, il a quitté UKIP et donc abandonné son ambition d’en prendre la présidence, qualifiant le parti d’« ingouvernable ». Même si selon les propres mots de Farage, c’est « le genre de choses qui arrivent entre hommes », cet incident semble révélateur d’une crise politique plus profonde au sein du parti.
Le Brexit peut être considéré comme la première victoire d’ampleur de UKIP, et il est facile d’imaginer que cet événement monte à la tête de certains cadres du parti. Même Farage semble plus que jamais contesté en interne. Actuellement, le leadership se dispute avant tout entre Suzanne Evans et Paul Nuttall. Il est aujourd’hui clair pour certains que Nuttall serait la meilleure solution pour l’avenir de UKIP puisqu’il est le plus à l’aise médiatiquement et qu’il est originaire du Nord du pays, région qui continue globalement de bouder UKIP.
Il est évident que UKIP est aujourd’hui à la croisée des chemins et subit une crise sans précédent face à la direction à prendre. La tourmente des Brexiters est intensifiée par les manifestations massives pro-UE au Royaume-Uni, et même un sondage qui annonce qu’un parti « Stop Brexit » serait aujourd’hui plus puissant que le Parti Travailliste et que UKIP. Malgré tout, le Brexit devrait être enclenché début 2017, mais le rôle de UKIP semble aujourd’hui très incertain. Son influence dépendra grandement de sa capacité à devenir un parti de gouvernement enfin gouvernable.