L’UE et la Tunisie entretiennent des relations culturelles, diplomatiques et commerciales très anciennes. Depuis la révolution du jasmin, la Tunisie a obtenu le statut de partenaire privilégié en 2012. Que se cache-t-il derrière ce statut de partenaire ?
Depuis les signes de la démocratisation effective de la Tunisie , l’UE ne cesse de débloquer et de développer des aides pour la Tunisie. En effet, le pays fait figure d’exception dans le monde arabe. Plus de cinq années après la révolution, entraînant la destitution du régime de Ben Ali, la Tunisie tente d’achever sa transition politique. Mouvements sociaux persistants, troubles politiques, multiplications des attentats terroristes, l’économie est la première impactée.
Une aide de 300 millions d’euros pour renforcer la coopération
Alors que l’Union européenne souhaite de plus en plus renforcer la coopération avec la Tunisie, Federica Mogherini, la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a annoncé, le 1er novembre dernier, que l’UE allait accorder une aide financière de 300 millions d’euros par an entre 2017 et 2020 à la Tunisie.
En validant cette coopération financière, les 28 Etats-membres ont voulu « encourager la mise en œuvre des réformes structurelles par le nouveau gouvernement tunisien », appelé à « poursuivre ses efforts dans la lutte anti-corruption, la réforme de l’administration publique ou la promotion des droits de l’Homme ». Cette nouvelle coopération s’inscrit dans la volonté des pays d’apporter, ensemble, un espoir et un rôle à la jeunesse tunisienne. « Investir en Tunisie, dans le présent et le futur de la Tunisie, spécialement dans la jeunesse tunisienne, est une priorité stratégique », a déclaré Khemaies Jhinaoui, ministre tunisien des Affaires étrangères.
Un premier sommet Tunisie/UE
Depuis 2012, et la chute du président Ben Ali, l’Union européenne ne cesse de venir en aide à la Tunisie. Après avoir contribué à la modernisation et à la réforme du système judiciaire (en travaillant notamment sur le code pénal tunisien), elle tente aujourd’hui, d’apporter un nouveau souffle au pays.
Cet engagement de l’UE en Tunisie via différents domaines a poussé la réflexion de chercheurs des deux côtés de la Méditerranée autour d’une possible intégration tunisienne au sein de l’Union. Farhat Othman, juriste, politiste et ancien ambassadeur, exhorte la Tunisie à négocier le droit à la libre circulation humaine. Car, si l’UE réclame le libre échange au niveau commercial, la Tunisie peut et doit prétendre à élargir, elle aussi, ses domaines de coopération. En poussant son raisonnement plus loin, il affirmerait même que la Tunisie doit demander son adhésion à l’UE. Alors que ce premier sommet, qui aura lieu le 1er décembre prochain, est très attendu des deux côtés, une opposition a déjà pris parti sur la question.
Une opposition déjà présente
Après une rentrée riche en rencontres entre fonctionnaires européens et membres du gouvernement tunisien, la population tunisienne s’inquiète du type de relations que les deux partenaires veulent élaborer. Dès les prémices de l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA), en 2008, le projet avait fait couler beaucoup d’encre du côté de la presse tunisienne. Alors que le site officiel le présente comme étant « un véritable partenariat pour une meilleure intégration de l’économie de la Tunisie dans le commerce mondial », Ahmed Ben Mustapha, ancien ambassadeur de Tunisie, affirme « [que l’UE ] impose depuis l’indépendance des accords commerciaux inéquitables pour monopoliser nos marchés […] sachant pertinemment que la Tunisie ne pourra pas en tirer profit en raison de son sous-développement industriel et technologique ». De nombreux experts économiques, activistes de la société civile ou partis politiques de l’opposition, mais également des organisations nationales telle que l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens) ont mis en place une déclaration, dans laquelle ils exposent une vision critique, qui insiste sur le caractère déséquilibré de l’ALECA. Kacem Afaya, secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) « estime [que ce projet] risque de mettre en péril l’économie tunisienne [et aurait] des retombées négatives notamment la disparition des entreprises qui ne pourront pas résister face aux géants européens ».
Cette opposition s’est aussi faite ressentir du côté des artistes. La dessinatrice tunisienne Willis from Tunis, ainsi que le dessinateur politique français Vadot, ont rapidement exprimé leur vision de cette nouvelle relation.
Marie Heckenbenner et Ilhem Zouari