Les Bulgares ont largement élu, dimanche 13 novembre, un président russophile, le socialiste Roumen Radev. En Moldavie, les électeurs ont désigné Igor Dodon, le candidat favorable à un rapprochement avec Moscou.
La victoire simultanée de deux candidats prorusses lors des élections présidentielles en Moldavie et en Bulgarie, a mis en doute la pérennité du projet européen dans l’est du continent. Les deux pays sont partagés entre l’influence russe et l’aspiration européenne mais ces résultats sont le symbole d’un mécontentement général, qui s’exprime sur l’ensemble des pays européens. La Bulgarie, membre de l’Union européenne depuis 2007, tente depuis des années d’entrer dans l’espace Schengen, mais son adhésion a été retardée à plusieurs reprises et la crise des migrants semble être un nouveau frein. La Moldavie a signé en 2014 un « accord d’association » avec Bruxelles, dans lequel le pays s’est engagé à adopter les standards de Bruxelles.
Des prorusses « modérés » au pouvoir
L’Union européenne est discréditée par ces élections, dans un contexte de tensions accrues avec la Russie. La position des deux candidats élus, Igor Dodon en Moldavie et Roumen Radev en Bulgarie, sur l’annexion de la Crimée est clairement prorusse, ils la considèrent comme « de facto russe ». De plus, le général Radev s’est prononcé pour la levée des sanctions de l’UE contre la Russie.
Bien que ces résultats électoraux soient un signal d’alarme pour l’Europe, ils sont à relativiser. De fait, les présidents disposent de pouvoirs très limités dans ces deux pays, et aucun des deux candidats n’a mené une campagne basée sur un rejet radical de l’Europe. Igor Dodon souhaite négocier certains points de l’accord de libre-échange signé entre la Moldavie et l’UE, et convoquer un référendum consultatif sur l’orientation géopolitique à adopter par le pays, mais ne mentionne pas de rupture et défend même de bonnes relations tant avec Bruxelles qu’avec Moscou. Roumen Radev plaide également pour une entente cordiale avec l’UE et la Russie. Il a défendu au cours de sa campagne que l’appartenance de la Bulgarie à l’UE et à l’OTAN ne serait pas remise en cause, mais que cela ne signifiait pas se déclarer ennemi de la Russie.
La Moldavie compte une forte minorité russophone qui représente environ 20% de la population. De nombreux médias russes sont présents dans le pays, et la population semble ne pas rejeter totalement l’influence de Moscou. La Bulgarie a, quant à elle, toujours été un État russophile. Du temps de l’Union soviétique, la République populaire bulgare était surnommée par certains la « 16e République » de l’URSS. Sofia et Chisinau n’ont pas pour Moscou la même importance stratégique que Kiev ou Tbilissi, mais la Russie tient à conserver une position d’influence dans ses anciens satellites, et à contrebalancer ainsi le poids de l’Europe dans ces États.
Un vrai désenchantement européen ?
En Moldavie, le gouvernement pro-européen au pouvoir depuis 2009, a déçu leurs partisans. Ses réformes ont eu un grand impact sur l’économie nationale, les institutions et le système judiciaire. Le vote pro-russe des Moldaves est donc perçu comme une manifestation contre une élite pro-européenne qui serait corrompue.
Le bulgare Radev a incarné un changement par rapport au premier ministre Boïko Borissov. Ce dernier avait dit au cours de la campagne présidentielle être prêt à démissionner, et sa décision a sans doute transformé les élections en référendum sur sa personne. M. Borissov a été aux commandes du pays de 2009 à 2013, puis depuis 2014, et symbolise une certaine usure du pouvoir des élites politico-économiques.
Les deux élus ont bénéficié de la panne d’attractivité dont souffre l’Europe, qui dure depuis longtemps et qui s’est récemment illustrée par le Brexit. La Russie s’affirme de plus en plus comme un pôle de puissance alternatif pour les pays de l’Est, et Vladimir Poutine apparaît comme un dirigeant charismatique, duquel Viktor Orban, premier ministre hongrois a tenu à faire l’éloge.
Le cas moldave remet en cause le principe même de l’« accord d’association ». Il n’est plus réellement défendu par les Européens, il n’y a pas de discours clair vis-à-vis une intégration du pays dans l’UE, et la Moldavie reste en marge, dans une position de simple périphérie européenne.
La jeunesse bulgare accuse l’UE de ne pas avoir été assez exigeante notamment en matière de lutte contre la corruption au moment de l’adhésion en 2007. L’influence des anciens partisans communistes est une réalité dans le pays et les plus jeunes souhaitent un renouvellement des acteurs politiques. De plus la Bulgarie perçoit très mal le refus de l’intégrer, ainsi que la Roumanie, au sein de l’espace Schengen, mais on ne peut pas pour l’instant parler d’une remise en cause de son appartenance à l’UE. La Bulgarie reste le pays le plus pauvre de l’Union et ce sont les fonds européens qui font vivre l’économie nationale.
La déception des Bulgares et des Moldaves devrait alerter les dirigeants à Bruxelles de la vague croissante d’euroscepticisme qui envahit les esprits des Européens mécontents et désireux d’un profond changement des politiques menées jusqu’à aujourd’hui.