Dimanche dernier, les Italiens ont été appelés à se prononcer pour ou contre la réforme constitutionnelle portée par le gouvernement Renzi. Ce référendum a divisé pendant de longs mois toute la classe politique italienne, et c’est finalement le « non » qui l’a emporté.
À la fermeture des urnes à 23h ce 4 décembre, les Italiens se sont prononcés à presque 60% pour l’abandon d’un des principaux projets du gouvernement Renzi, en place depuis février 2014. Cette décision ouvre donc la voie à une crise gouvernementale en Italie puisque Matteo Renzi avait lié son futur en tant que Président du Conseil au résultat du référendum italien.
Un vote contre Renzi
Le « Rottamatore » (le Démolisseur, surnom donné à Matteo Renzi) avait accédé au pouvoir en 2014 au détriment d’Enrico Letta qui avait été élu Président du Conseil à la suite des élections législatives de 2013, et qui avait eu du mal à trouver une majorité dans un Parlement divisé entre les grandes tendances politiques. L’ancien maire de Florence a habitué les Italiens à une pratique du pouvoir toute en réformes et changements, et à une présence accrue dans les médias italiens.
Son principal projet est une réforme de la Constitution écrite en 1948, avec l’objectif d’abolir le « bicaméralisme parfait » qui caractérise le système politique italien. En effet, le rôle du Sénat, qui jusqu’à présent a un poids équivalent à la Chambre des Députés et qui se prononce sur tous les textes législatifs ainsi que sur la confiance au gouvernement, devait être relativisé : le Sénat serait passé de 315 à 100 sénateurs qui ne se prononceraient plus que sur les lois essentielles, comme celles touchant à la constitution. Il ne serait plus élu par les Italiens mais composé d’élus des conseils régionaux et de maires. La Chambre Haute aurait dû devenir directement représentante des Régions et des collectivités locales.
Grazie a tutti, comunque. Tra qualche minuto sarò in diretta da Palazzo Chigi. Viva l’Italia!
Ps Arrivo, arrivo😀— Matteo Renzi (@matteorenzi) 4 décembre 2016
(Merci à tous. Dans quelques minutes, je serai en direct du Palais Chigi. Vive l’Italie! Ps : j’arrive, j’arrive)
Le gouvernement Renzi a fondé sa campagne pour le oui avec le slogan « Basta un Si » (il suffit d’un oui) sur l’argument d’une réduction des coûts et une réduction de la durée des procédures législatives. Un argument qui pourrait sembler attirant quand on sait que les Italiens critiquent régulièrement les salaires des hommes politiques ou le rythme lent d’adoption des lois. Cependant, l’erreur de Matteo Renzi a été de personnifier le référendum et de mettre en balance son poste de premier ministre : dès le début de la campagne, il a affirmé qu’il démissionnerait si le résultat du référendum était négatif. Les détracteurs de la réforme ont donc sauté sur l’occasion pour critiquer le gouvernement, plus spécialement le Premier ministre ainsi que sa personnalité. Les critiques se sont même diffusées au sein de son parti, le Parti Démocratique.
Un vote lourd de conséquences pour la politique italienne
Dès les premiers résultats, Matteo Renzi reconnaît sa défaite et annonce qu’il présentera sous peu sa démission au Président de la République, Sergio Mattarella. S’ouvre donc de nouveau une crise gouvernementale dans ce pays réputé pour son instabilité politique et ses gouvernements qui se succèdent.
Les candidats à sa succession sont nombreux, et la marche à suivre n’est pas claire. La scène politique est divisée entre deux options : nommer un gouvernement technique ou organiser des élections anticipées. La première aurait l’avantage de faire preuve d’une certaine continuité avec l’action gouvernementale de ces dernières années.Le nom qui circule pour remplacer Matteo Renzi est celui de l’actuel ministre de l’économie et des finances, Pier Carlo Padoan. Dans la deuxième situation, ce serait l’occasion pour la formation d’une nouvelle majorité au Parlement qui donnerait plus de légitimité au gouvernement qui serait nommé.
Les principaux représentants du « Comité pour le Non » appellent à de nouvelles élections, et à leur tête Beppe Grillo, le leader du Mouvement 5 Etoiles, et Matteo Salvini, chef de la Ligue du Nord. Ils peuvent espérer sortir des urnes victorieux et avoir une grande influence dans la constitution du gouvernement, à l’image de Rome ou de Turin qui sont depuis juin aux mains de maires appartenant aux 5 Etoiles. La peur des populistes règne donc dans les plus hautes sphères de l’Etat, et l’Italie se prépare à une année mouvementée.
#Salvini: si vada subito a VOTARE. Noi siamo pronti a governare per rilanciare l’Italia. #Rainews #referendum
— Matteo Salvini (@matteosalvinimi) 4 décembre 2016
#IoVoglioVotare: no a un governo lacrime e sangue https://t.co/MVw9A2BsXu
— Beppe Grillo (@beppe_grillo) 8 décembre 2016
(#Salvini : qu’on aille voter immédiatement. Nous sommes prêts à gouverner pour relancer l’Italie)
(#JeVeuxVoter : non à un gouvernement larmes et sang)
Mercredi soir c’est chose faite : après un conseil des ministres exceptionnel, Matteo Renzi a remis sa démission à Sergio Matterella, mais ce n’est pas pour autant que la suite est plus claire… Depuis, le Président de la République enchaîne les consultations pour décider comment procéder. L’opposition s’impatiente, menaçant même parfois de descendre dans la rue si l’option des élections anticipées n’est pas retenue. Seulement, la situation est encore complexifiée par la loi électorale en vigueur, l’Italicum, qui prévoyait l’adoption de la réforme constitutionnelle et donc le fait que les sénateurs ne seraient plus élus directement par les Italiens. Se pose donc aussi la question de savoir, si des élections devaient avoir lieu, selon quelles modalités elles se dérouleraient.
Dernièrement, l’idée de renommer Matteo Renzi comme chef du gouvernement semblait être envisagée par le Président. Ceci a déclenché la colère des opposants qui affirment la perte de légitimité de l’ancien maire de Florence depuis le résultat de dimanche dernier. La réponse définitive de Sergio Mattarella devrait être connue lundi prochain, et en attendant, le conflit dans la société continuera à faire rage.
Mathilde CIULLA