Eurosorbonne fait le point sur l’actualité européenne et internationale.
Elections en Roumanie : le PSD revient au pouvoir
Les sociaux-démocrates avaient dû quitter le pouvoir, ils l’ont repris triomphalement dimanche dernier. En basant leur campagne sur des promesses d’augmentations salariales massives, ils ont obtenu plus de 45% des voix aux législatives. Pourtant, le parti revient de loin : en octobre 2015, après l’incendie d’une discothèque de Bucarest qui avait fait 67 morts, il avait été mis en cause pour corruption, les normes de sécurité n’ayant pas été respectées dans le bâtiment en échange de pots-de-vin. Un gouvernement europhile et technocrate avait été mis en place, et luttait depuis contre la corruption qui gangrène le pays. En effet, plus de la moitié des candidats aux élections de la semaine dernière est concernée par des “indélicatesses”, petits arrangements, pression sur l’opposition, actes de corruption. De nombreux hommes politiques ont été condamnés ces dernières années. Adrian Nastase, ancien premier ministre, a été condamné en 2012 à 2 ans de prison ferme pour avoir détourné 1,5 million d’euros pour sa campagne. Victor Ponta, le Premier ministre qui avait démissionné en 2015, est candidat aux législatives malgré des poursuites à son encontre pour 17 infractions. Enfin, Liviu Dragnea, chef du Parti social-démocrate, a été condamné à 2 ans de prison avec sursis en avril dernier pour des affaires de fraudes électorales en 2012, ce qui ne l’empêche pas de viser le poste de Premier ministre. Le Président actuel, Klaus Iohannis, a annoncé qu’il refuserait de nommer une personne condamnée à la primature mais il a besoin du soutien de la majorité parlementaire. La fracture politique semble loin d’être résolue en Roumanie.
La longue agonie d’Alep touche à sa fin
Le fief de la rébellion syrienne est tombé, mardi 8 décembre, sous les bombardements russes et syriens. Depuis des semaines, maintenant, Poutine et Assad pilonnaient la zone d’Alep-est, où l’Armée syrienne libre avait encore ses quartiers. Les derniers hôpitaux en service ont été réduits en poussière, l’aide humanitaire n’arrive plus, des dizaines de personnes meurent chaque jour. Alors que plus de cent milles personnes survivent dans les décombres sans eau potable ni nourriture, la communauté internationale dénonce mollement. Finalement, la longue agonie d’Alep s’est terminée mardi, lorsque les troupes d’Assad ont pénétré le secteur et fait tomber l’insurrection. Des exactions ont été rapportées : enfants froidement abattus, personnel médical et malades assassinés dans un hôpital, ce sont en tout 82 civils qui ont été tués. Dans la nuit qui a précédé l’assaut final, nombre d’Aleppins ont fait leurs adieux au monde sur les réseaux sociaux. Tweets, vidéos, derniers appels à l’aide… Le monde a assisté en direct à l’estocade portée à la rébellion. La Russie, la Turquie et la Syrie ont trouvé un accord pour évacuer les civils ainsi que les combattants, garantissant leur sécurité. Mais, devant la violence qui a frappé les civils ces derniers mois, les craintes de représailles sont grandes. Outre Alep et ses habitants, c’est le droit international qui est en peine aujourd’hui. Malgré des actes inhumains, et des appels répétés de la société civile, ni l’ONU, ni l’Union européenne, ni aucun État n’a été en mesure d’empêcher l’impensable tuerie.
Antonio Tajani sera-t-il le prochain Président du Parlement européen ?
As @EPPGroup candidate for the Presidency of @Europarl_EN I put at your service over 20 years of political life dedicated entirely to #EU pic.twitter.com/Wzs8NcXWTO
— Antonio Tajani (@Antonio_Tajani) 14 décembre 2016
La droite européenne a choisi son candidat à la présidence du Parlement européen, mardi 13 décembre. C’est Antonio Tajani qui a remporté la primaire, avec 94 voix, contre 57 voix pour l’Irlandaise Mairead McGuinness et 38 voix pour le Français Alain Lamassoure, pourtant candidat depuis l’été dernier. Ce conservateur italien, membre fondateur du parti Forza Italia et ancien porte-parole de Silvio Berlusconi, a une expérience européenne très riche : eurodéputé depuis 1994, systématiquement reconduit à son poste, il a été commissaire européens sous Barroso, au Transport puis à l’Industrie et l’Entrepreneuriat. Il devra obtenir la majorité des voix du Parlement européen, le 17 janvier, au terme du mandat de Martin Schulz. Face à lui, un autre Italien, Gianni Pittella, défendra les couleurs des socialistes, rompant avec la traditionnelle alternance tacite entre gauche et droite. Enfin, le Belge Guy Verhofstadt défendra probablement les couleurs du centre libéral, l’ADLE. Le futur Président devra faire face à des enjeux majeurs : élections stratégiques en France et en Allemagne, activation probable de l’article 50 dans le cadre du Brexit, entrée en fonction de l’Administration Trump et perte de confiance des Européens envers leurs institutions, malgré les efforts de Martin Schulz pour donner de la visibilité à l’organe le plus démocratique de l’Union européenne.
Macédoine : le VMRO-DPMNE reste au pouvoir
Après les législatives de dimanche dernier, le parti conservateur, de centre droit et nationaliste l’emporterait d’une courte tête sur l’opposition sociale-démocrate. Pendant deux jours, les deux partis ont revendiqué la victoire et accusé l’autre de fraude électorale. Puis, le 13 décembre au soir, la Commission électorale a donné les nationalistes vainqueurs, avec 38,09 % des voix, contre 36,67 % pour les sociaux-démocrates. Le VMRO-DPMNE, au pouvoir depuis 10 ans, sauve les meubles, malgré un résultat assez décevant. Nikola Gruevsk, le leader du Parti et ancien président de la Macédoine de 2006 à 2016, a réussi à conserver une opinion positive en offrant des subventions aux investissements étrangers, des pratiques inefficaces sur le long terme mais qui ont permis de réduire le chômage de 36% à 24% en dix ans. Il a mené une campagne très agressive, jouant la carte de la primauté macédonienne sur les minorités du pays (30% de la population). Seulement, pour former un gouvernement, il va désormais devoir convaincre les partis albanais, qu’il a massivement rejetés, de rejoindre sa coalition. La Macédoine est un pays corrompu, et qui opère depuis plusieurs années un tournant nationaliste inquiétant pour les observateurs étrangers. L’Union européenne avait convaincu le parti au pouvoir de signer les accords Przino à l’été 2015, qui prévoyaient un partage des institutions entre plusieurs partis de différentes obédiences politiques. Mais avec la confirmation de la confiance du peuple au VMRO-DPMNE, il n’y a aucune certitude que le parti respecte ses engagements de pluralité.
Deuxième round pour le procès de l’Evasion Fiscale
Deux lanceurs d’alertes et un journaliste sont jugés, depuis lundi 12 décembre, en appel pour avoir dévoilé les accords fiscaux passés entre les multinationales et l’Etat du Luxembourg. Plus de deux ans après les révélations LuxLeaks, les trois protagonistes reviennent devant la cour d’appel. Ce qu’on leur reproche ? Vol, violation du secret professionnel, accès frauduleux d’un système informatique et blanchiment de documents soustraits. L’ancien employé du cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC), Antoine Deltour, et son ancien employé, Raphaël Halet, sont jugés en appel pour avoir copié et transmis ces informations confidentielles à un journaliste. C’est le consortium international pour le journalisme d’investigation (ICIJ) qui avait révélé mondialement, en 2014, ces documents. Edouard Perrin, le journaliste de « Cash investigation », poursuivi pour complicité de violation du secret des affaires et du secret professionnel, a quant à lui, été acquitté. Cette affaire mobilise, car elle questionne le statut même du lanceur d’alerte, un statut ouvertement évoqué par les deux accusés lors du premier procès. En France, la loi Sapin 2 propose une protection, mais des membres du Parlement européen demandent aux Etats membres d’instaurer une réelle protection pour les lanceurs d’alertes.
Ne pas oublier que se joue à nouveau au #Luxembourg l’avenir du droit à l’information des citoyens européens #luxleaks @edperrin @ICIJorg https://t.co/AXPCe6V8c9
— Benoît Bringer (@BenoitBringer) 12 décembre 2016
Toni Erdmann rafle tout aux European Film Awards
Reparti sans prix au Festival de Cannes, Toni Erdmann a dominé la 29ème cérémonie des European Film Awards. Rappelons-le, le film s’était contenté du Prix de la critique internationale, malgré son accueil enflammé à Cannes. Le festival, organisé cette année à Wroclaw, en Pologne, le 10 décembre dernier, est sans conteste devenu représentant des « oscars européens ». Meilleur film, meilleure réalisatrice et meilleur scénariste pour Maren Ade, meilleur acteur pour Peter Simonischek, meilleure actrice pour Sandra Hüller, avec cinq prix, Toni Erdmann a triomphé à la cérémonie. A ses côtés, on retrouve Ma vie de courgette, prix du meilleur film d’animation ou encore Fuocoammare, Lion d’or de Venise, qui a remporté le prix du meilleur documentaire. Pour le reste du palmarès, le festival a récompensé Mr Ove (meilleure comédie), Olli Mäki (prix Fipresci de la découvete), 9 days – From my window in Aleppo (meilleur court métrage), Land of Mine (meilleure image, meilleurs costumes), La communauté (meilleur montage), Le disciple (meilleur musique) et 11 minutes (meilleur son). Décédé en octobre dernier, le cinéaste Andrzej Wajda a reçu un prix à titre posthume.
Du “renzisme” sans Renzi
Le référendum du 4 décembre dernier a entraîné la démission de Matteo Renzi, premier ministre depuis 2014. Après presque une semaine d’incertitudes sur sa succession, le président de la République italienne, Sergio Mattarella, a finalement nommé Paolo Gentiloni à la présidence du Conseil ce lundi 12 décembre. Cet homme politique de 62 ans hérite donc de la majorité parlementaire qui s’est divisée sur la réforme constitutionnelle lors de la campagne référendaire. Le gouvernement Gentiloni a obtenu la confiance du Parlement au cours de la semaine, et sa composition a fait débat : la grande majorité des ministres sont restés à leur poste, avec quelques changements. Angelino Alfano, ancien ministre des affaires intérieures, remplace Paolo Gentiloni au ministère des affaires étrangères, et Maria-Elena Boschi, au premier plan de la campagne pour la réforme constitutionnelle, devient, elle, secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil.
Le non au référendum de près de 60% des Italiens avait été vécu comme le refus de la politique de Matteo Renzi, et la constitution de ce qui est appelé par certains le « gouvernement Renzi II » est largement dénoncée par l’opposition. Beppe Grillo, leader du Mouvement Cinq Etoiles, critique un déni de démocratie et appelle à une manifestation avant le 24 janvier. Il s’inscrit dans une demande généralisée parmi les rangs de l’opposition pour l’organisation d’élections anticipées. Alors que Matteo Renzi avait aussi assuré à un certain moment de la campagne qu’en plus de démissionner, il se retirerait de la politique, on dirait bien que ce ne sera pas le cas puisqu’il s’est replié dans son Parti Démocrate, duquel il est toujours secrétaire général. La bataille pour les prochaines élections sera rude !
Elena Blum, Mathilde Ciulla, Noémie Chardon et Marie Heckenbenner