La Commission européenne a proposé le 30 novembre dernier la mise en place d’un Fonds européen de défense. L’objectif est de relancer l’idée d’une défense commune en mutualisant les dépenses de matériel et de recherche.
Brexit, élection de Donald Trump et possible désengagement progressif des Etats-Unis au sein de l’OTAN, montée des populismes et repli des Etats membres dans un contexte de menaces extérieures,… Pour beaucoup, l’Europe a besoin d’un nouvel élan. Entre autres propositions économiques, l’idée d’une politique européenne de défense s’est à nouveau manifestée. Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission européenne, évoquait déjà cette perspective en 2014 au moment de tracer les grandes lignes de ses ambitions pour l’Europe.
L’Union européenne s’est souvent caractérisée par l’impossibilité d’afficher une coopération efficace dans ce domaine. Le projet d’armée européenne supranationale, vieux serpent de mer encore loin de faire l’unanimité et qui divise bon nombre d’Etats membres, en souvenir de l’échec cuisant de la Communauté européenne de défense en 1954, ne semble toujours pas d’actualité.
Une mutualisation des moyens pour une plus grande efficacité des dépenses
L’Europe est aujourd’hui la seule puissance de niveau mondial qui n’a pas vu ses dépenses militaires augmentées, elles ont même diminué de 12% depuis dix ans, alors que sur la même période elles ont augmenté de 150% en Chine. Dans le même temps, les Etats-Unis consacrent toujours un budget militaire deux fois supérieur à l’ensemble des pays de l’Union. Mais bien plus qu’une baisse des investissements, c’est l’inefficacité de ces derniers qui est pointée du doigt par les pays européens.
Pour cela, la proposition du Fonds européen de défense prévoit dans un premier temps de financer à hauteur de 25 millions d’euros la recherche collaborative dans le domaine des technologies innovantes. Des investissements communs, achats de drones ou hélicoptères en grandes quantités par exemple, dans le but de rationaliser les coûts sont aussi à l’étude. Dans le cadre du marché unique, il s’agirait également d’élargir la dimension transfrontalière des marchés publics au domaine de la défense. Par ailleurs, sera proposé un appui aux « investissements dans les PME, les start-up, les entreprises de taille intermédiaire et les autres fournisseurs de l’industrie de la défense » comme le précise la Commission européenne le 30 novembre 2016 dans son Plan d’action européen de la défense.
Cette volonté affichée de la Commission de doter l’Union de ce Fonds s’inscrit dans la perspective de mettre fin à ce manque de coopération qui coûte, selon de très larges estimations, entre 25 et 100 milliards d’euros aux Etats membres. Aussi, dans un contexte de surendettement quasi généralisé en Europe, certains comme Thierry Breton, ancien ministre de l’économie sous Jacques Chirac entre 2005 et 2007 et auteur d’un rapport datant de juin 2016 intitulé « Pour un fonds européen de sécurité et de défense », y voient la possibilité d’alléger les dettes nationales, dont une partie significative est consacrée à la défense.
Des premiers jalons posés dès 2010
Cependant, les Etats membres n’ont pas attendu cette proposition de la Commission pour prendre l’initiative de mutualiser leurs moyens militaires. L’exemple de l’EATC (European Air Transport Command) est certainement ce qui fait figure de modèle aujourd’hui. Cette structure, créée en 2010 et basée à Eindhoven aux Pays-Bas, gère le transport aérien militaire de sept pays européens (France, Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Luxembourg et Pays-Bas). Cela représente 60% de la flotte militaire européenne, ce qui permet de réaliser des économies considérables en mutualisant et rationnalisant les déplacements, tout en assurant aux membres de l’EATC une totale indépendance. Ils peuvent en effet mobiliser à tout moment leurs appareils en cas d’impératifs nationaux. Si pour certains observateurs ce modèle n’est pas transposable à l’ensemble des domaines de la défense militaire, il s’agit tout de même d’une première source d’inspiration.
Cette approche globale, qui consiste donc à mettre en place plus de coopération dans le financement des dépenses liées à la défense, tout en assurant aux Etats membres que leur souveraineté ne sera pas affectée sur le plan purement militaire, semble en effet plus à même de rassembler que l’idée d’une armée commune.