Alors que les questions écologiques deviennent une thématique de plus en plus importante dans nos vies d’homme et de citoyen, différentes institutions européennes tentent de dynamiser le souffle vert européen. Deux approches se distinguent : l’une plutôt top-down de la Commission et l’autre plutôt bottom-up du Comité des Régions.
En ce début d’année 2017, l’action européenne est centrée autour de grandes thématiques héritées des crises successives comme le chômage, la croissance, la sécurité ou encore le développement durable. Symptôme ou cause des difficultés qu’implique une politique écologique commune, le troisième programme de travail annuel de la Commission Juncker n’en fait pas un cheval de bataille déterminé mais insère quelques priorités qui lui sont liées. On retient tout de même le thème de l’économie circulaire (en première position) et celui de l’énergie à faible émission de gaz à effet serre (en troisième position). Mais la volonté d’approfondir encore plus les échanges commerciaux mondiaux ou le programme spatial européen semblent à contre-courant d’une réelle dynamique en faveur de la protection de l’environnement. Toujours est-il que l’Union européenne tente d’engager des actions dans le sens d’un verdissement de la société européenne, comme le prouve le récent Winter Package présenté par la Commission. Mais cette institution n’est pas la seule au niveau européen à vouloir orienter le futur écologique de l’Union européenne : la COP22 de Marrakech et les négociations qui lui ont précédées, ont vu la volonté du Comité des Régions de s’installer comme un acteur majeur.
La Commission et le « Winter Package » : une nouvelle dynamique écologique européenne ?
Le 30 novembre dernier, la Commission européenne a présenté son programme écologique pour une économie européenne décarbonée, Clean Energy for All Europeans. Les propositions présentées dans ce paquet visent à mettre en place « le paquet énergie climat 2030 », adopté en 2014. Il est sûr que l’ambition de ce « Winter package » est plus forte que les propositions d’Energie Climat 2020, prévoyant, au début, des réductions à hauteur de 20% des émissions. Dès aujourd’hui, l’objectif principal est de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre des 28 Etats-membres à l’horizon 2030. Le paquet prend également en compte la formidable potentialité de croissance et d’emploi que comporte le secteur écologique, dans une économie européenne depuis longtemps en crise.
Toutefois, malgré la volonté de s’inscrire dans la dynamique des accords de Paris (COP 21) et de Marrakech (COP 22), les propositions doivent obtenir le soutien du Parlement et du Conseil. L’entrée en jeu de plusieurs institutions signifie, qu’après les propositions, une longue phase de négociations va se mettre en place, affaiblissant la volonté européenne en aboutissant à des compromis. Et toute l’ambiguïté du processus législatif européen s’exprime ici : un objectif global et porteur se trouve confronté à un manque de fermeté de la part de l’Union (sous couvert de grands discours) et libère les Etats-Membres d’un réel engagement. Les détracteurs pointent notamment l’inexistence de mesures contraignantes ou d’objectifs nationaux clairement définis. Toutefois une attention particulière est portée à la décarbonisation de l’économie (efficacité énergétique, voitures électriques), aux énergies renouvelables et à l’économie circulaire. Cette question du carbone reste centrale parce qu’elle représente environ 17% des émissions de gaz à effet de serre, et que la politique européenne de quotas d’émission pèche par son insuffisance (5e la tonne de CO2 alors que les ONG préconisent un seuil rédhibitoire de 30e/tonne).
Suivant les procédures communautaires, suite aux propositions de la Commission le Parlement européen devrait se pencher sur une série de mesures autour de l’énergie propre. Règles de gouvernance pour l’union de l’énergie ou encore marché de l’électricité, sont des mesures qui devraient permettre la réduction de 40% des émissions pour 2030. Dans sa globalité le paquet hiver a été fortement critiqué par les ONG et les différents élus verts, même si les propositions du Parlement, plus ambitieuses, sont encore à étudier, et donc sources d’espoir. C’est ainsi un programme ambitieux que s’impose la Commission. Mais en ces temps de crise, et face aux nombreux autres chantiers qu’elle porte, la question de l’environnement reste bien trop dépendante de politiques à court terme et d’un manque de récit européen concret.
Le Comité des Régions : acteur des discussions européennes autour de l’environnement
En novembre dernier, la promotion du développement durable à l’échelle locale a rythmé les débats de la COP 22 à Marrakech. Le Comité des Régions (CdR), organe consultatif de l’Union européenne, est l’un des représentants majeurs des autorités locales européennes, depuis sa création en 1994. Lors de sa 119e session plénière d’octobre dernier, l’assemblée a publié un avis d’initiative : Concrétiser l’accord mondial sur le climat une approche territoriale de la COP 22 à Marrakech. Par cet avis, le CdR se pose en organe à part entière de la Conférence marocaine et insiste sur la nécessaire intégration des villes et régions au sein de la Conférence des Nations pour le Climat, des politiques de l’UE et des programmes de financement, afin de donner aux collectivités les capacités d’agir dans la lutte contre le réchauffement climatique. En résulte une coalition internationale des villes à la pointe de la lutte contre les changements climatiques, la plus importante qui existe avec plus de 7 100 villes réparties dans 119 pays, l’équivalent de 600 millions d’habitants, prévue pour début janvier 2017. Le partenariat de Marrakech pour l’Action climatique globale (fondé sur un partenariat entre acteurs étatiques et non-étatiques) prévoit un renforcement des investissements pour la période 2017-2020 et promeut la Plateforme 2050 (lancée durant la COP21) pour concentrer les projets et plans d’actions de décarbonisation, sur le long terme.
Mais à côté des grands discours seulement six régions européennes ont rejoint, pour l’instant, la Plateforme 2050, ce qui rappelle que la dynamique en faveur de l’environnement est toujours fragile dans l’UE. Toutefois l’action du CdR démontre la nécessité d’intégrer le niveau local dans les initiatives écologiques, comme acteur premier des décisions internationales. Face à la mondialisation et au repli des identités, le niveau local semble être le vecteur à la fois protecteur et dynamique d’une prise de conscience écologique et d’une démocratisation du développement durable. Toutefois il s’agit de garder à l’esprit que cette prise de position du CdR sur une thématique comme le développement durable témoigne bien de cette volonté (qu’on retrouve au cours de la 120e assemblée du 6 décembre 20162) des régions européennes d’accroître l’influence d’un organe qui n’est du reste que consultatif. Le discours environnemental permet donc de légitimer au niveau européen et international des régions en quête de crédibilité politique et institutionnelle.
Quentin Rochat et Corentin Bolac