Alors que les prévisions de croissance pour la zone euro en 2017 viennent d’être revues à la hausse par la Commission européenne, presque un quart des citoyens européens court actuellement un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Bien que la justice sociale et l’équitable accession aux opportunités de tous les Européens fassent partie des objectifs prioritaires de l’Union européenne, les inégalités font encore rage.
La justice sociale est une expression généralement peu connue, mais elle se rapproche en fait tout simplement du concept d’inégalités dans la société. Elle peut être mesurée à travers l’étude de plusieurs domaines : la prévention de la pauvreté, l’éducation équitable, l’accès au marché du travail, la cohésion sociale ou la non-discrimination, la santé, et enfin la justice intergénérationnelle. Ce sont les critères utilisés par la Bertelsmann Stiftung, une des principales fondations privées à but non-lucratif allemandes, pour la réalisation de son EU Social Justice Index, une étude comparative annuelle.
Soyons positifs : ça va globalement mieux en Europe
L’impression générale à la lecture de la presse est que les années les plus dures de la crise économique et financière qui touche l’Union européenne depuis 2007 et qui avait culminé en 2010 avec la crise de la dette grecque, sont désormais derrière nous. La croissance reprend dans la majorité des Etats membres, les économies européennes se portent mieux et les citoyens européens commencent à en ressentir les effets.
Seulement, ces déclarations ne sont pas vraies pour la totalité des catégories qui composent nos sociétés, et certaines de ces catégories sociales sont encore exposées plus que les autres aux inégalités. C’est le cas en particulier des jeunes et des personnes âgées, catégories les plus touchées par le chômage et la précarité. En France par exemple, 25% des jeunes sont actuellement sans emploi, alors que la moyenne nationale est de 10%.
Mais, selon l’étude, le Social Justice Index pour 2016, l’UE et ses Etats membres relèvent la tête et laissent derrière eux les pires années qu’ils ont connues depuis longtemps en terme de justice sociale. Et certains des pays européens s’en sont même mieux sortis que d’autres, et sont présentés par les auteurs de cette étude comme des success-stories : l’Irlande par exemple, ou encore l’Italie font preuve d’une bien meilleure inclusion sociale qu’auparavant, et c’est majoritairement dû à une amélioration du marché du travail. En Italie, c’est la réforme structurelle appelée « Jobs Act » et menée par l’ancien Premier ministre Matteo Renzi depuis mars 2015 qui commence à porter ses fruits.
Mais ne nous voilons pas la face : des inégalités persistent
Alors que certains Etats sont sur la bonne voie pour diminuer les inégalités au sein de leur société, d’autres sont encore en grande difficulté. C’est le cas par exemple de la Grèce dont l’économie est asphyxiée par une dette qu’elle ne réussit pas à rembourser. Le pays est au dernier rang du classement, et pour ne prendre que deux exemples de catégories sociales qui sont en grand danger, les fonctionnaires et les retraités peinent à s’en sortir, alors que l’Etat taille régulièrement dans les budgets qui leur sont consacrés. L’Espagne est elle-aussi dans une situation très compliquée et chute dans le classement ces dernières années, alors que l’économie semble désormais avoir redémarré : c’est bien là toute la question de la justice sociale qui montre que la croissance n’est pas présente pour toutes les couches de la société. A titre d’exemple, selon l’étude, 34,4% des enfants et des jeunes Espagnols risquent encore de tomber dans la pauvreté et d’être exclus socialement – et ce chiffre ne connaît pas de nette amélioration ces dernières années ; alors qu’en Grèce, plus de 25% des enfants souffrent d’une sévère privation matérielle – chiffre qui a plus que doublé depuis 2007.
Si les inégalités existent à l’intérieur des sociétés européennes, elles existent à plus forte raison entre ces sociétés : alors qu’elle met en place des fonds pour assurer une certaine cohésion territoriale, l’UE reste encore un territoire traversé par des inégalités à la fois structurelles et conjoncturelles. Il existe donc des pays qui connaissent une inclusion sociale meilleure par rapport à d’autres, et c’est le cas – comme dans beaucoup de domaines dernièrement – de ce qu’on appelle le modèle nordique : la Suède, la Finlande et le Danemark sont en tête du classement. Une catégorie sociale dont on parle de plus en plus récemment semble particulièrement paradigmatique de ces écarts à l’intérieur de l’UE : les NEET, « Not in Education, Employment, or Training ». Ils sont la preuve d’une fracture entre le Nord et le Sud de l’Europe, puisque les taux de jeunes étant complètement en dehors du système scolaire ou du marché du travail sont les plus hauts en Italie, en Grèce, en Croatie, à Chypre et en Espagne, alors que les pays où ces jeunes sont les plus inclus sont les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Allemagne.
Même s’il est difficile de rester positifs quand on voit tous les jours les images des Grecs qui croulent sous la dette, des Roumains et des Bulgares qui ont un pouvoir d’achat très faible ou des Espagnols qui peinent à se sortir des mesures d’austérité, il faut tout de même noter que cinq pays de l’Union européenne ont réussi à dépasser les niveaux d’inclusion sociale qui étaient les leurs en 2008 : l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg, la Pologne et la République Tchèque. Toujours regarder le bon côté et se dire que ça ne peut qu’être de bon augure pour les autres Etats membres qui ne tarderont pas à s’engager sur la même voie.