En France, les élections pour la magistrature suprême auront lieu les 23 avril et 7 mai prochains. Dans un contexte de réchauffement climatique irréversible, le programme environnemental de chaque candidat doit ainsi être scruté attentivement. Quelles différences entre les candidats ? Quel rôle pour l’Europe ? Nous revenons sur la conférence de la Maison de l’Europe du 28 février.
Pour participer à ce débat, ont répondu présents des représentants des principaux candidats à l’élection présidentielle : Barbara Romagnan, députée du Doubs pour Benoît Hamon et le Parti Socialiste ; Bertrand Pancher, député de la Meuse pour François Fillon et les Républicains ; Arnaud Leroy, député des Français de l’Étranger pour Emmanuel Macron et En Marche ! ; ainsi que Martine Billard, responsable de l’écologie pour Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise.
Le point de départ de la réflexion est une tribune publiée par Arnaud Gossement, l’animateur du débat, sur le site Actu Environnement. Elle part d’un constat simple : bien que l’écologie semble être présente dans la grande majorité des programmes présidentiels, elle ne semble jamais liée au contexte européen. L’environnement est en effet compétence européenne depuis l’Acte Unique de 1986, avec 85% des règles du code de l’environnement français qui proviennent directement ou indirectement des institutions européennes.
Quel programme environnemental pour les candidats ?
Martine Billard (France Insoumise) commence le débat en expliquant la vision de son mouvement. Elle souligne l’importance de l’écologie dans cette élection, la première où un débat de fond s’esquisse. Pour elle, l’écologie est centrale et peut être visible à travers plusieurs « livrets thématiques », qui sont des approfondissements du programme général « l’Avenir en commun » : planification écologique, mer, eau, biodiversité. Martine Billard explique que le temps de l’action est venue : « l’urgence écologique » est primordiale, mais doit s’inscrire en parallèle de la question sociale, intimement liée selon elle à la question écologique et climatique. Son candidat propose notamment une mesure phare : inscrire dans la Constitution la « règle verte », c’est-à-dire la nécessité de ne pas prendre à la planète plus que ce qu’elle peut fournir, et de ne pas produire plus de déchets que ce qu’elle peut absorber.
Arnaud Leroy (En Marche!) est ensuite intervenu, en expliquant que son candidat s’inscrit totalement dans « le paradigme de l’Accord de Paris ». Est proposé un plan d’investissement de 15 milliards d’euros pour la transition énergétique et écologique, 5 milliards pour la transformation du modèle agricole, et 4 milliards pour les transports. Monsieur Leroy insiste sur l’importance de s’adapter à la société et au modèle économique pour convaincre de ces changements. Il souhaite éviter les conflits sociaux, et assume de prendre le temps du projet de transition. L’ambition qu’il présente s’appuie dans la continuité des lois sur la transition écologique et sur la biodiversité, et souhaite « rester dans les clous » de la règle des 3% de déficit budgétaire européenne, afin de gagner en crédibilité auprès des autres partenaires européens. Le rôle du budget est ainsi mis en avant pour promouvoir le concret que doit représenter un projet de transition.
Bertrand Pancher (Les Républicains/UDI) reprend ensuite pour exprimer son mécontentement face à l’absence de débat lors des primaires de la Droite et du Centre sur la question écologique. Il souligne l’aspect primordial de cette question mais regrette qu’elle ne soit destinée qu’aux formations « de gauche ». Or, elle est selon lui trans-partisane et s’inscrit parfaitement dans le programme de chaque parti « sérieux ». Selon Monsieur Pancher, les objectifs sont partagés par tous les partis. Il encourage les citoyens à interpeller les candidats sur ces questions. Il souligne l’importance de la transition écologique comme vecteur de développement économique, et notamment la création d’un minimum de 500 000 emplois dans les 5 à 7 années prochaines, et ce notamment à travers la rénovation de nombreux logements, des transports durables, et énergies renouvelables. Il parle notamment de croissance verte et de fiscalité environnementale comme moyens d’y parvenir.
Barbara Romagnan (Parti Socialiste) met tout d’abord en avant le rôle central qu’a pris l’écologie dans le programme de son candidat. Elle souligne l’évolution des socialistes sur la question, qui ont un rapport à la croissance et au progrès qui pour certains est devenu critique. La répartition des fruits de la croissance ainsi que son impact sur l’environnement sont des problèmes majeurs pour le projet qu’elle représente. Madame Romagnan explique notamment que ce programme a pour but de rendre sociale la question écologique, insistant sur la finitude des ressources. Elle parle également de l’aspect inégalitaire des impacts du réchauffement climatique et de la pollution entre les hommes et les femmes, prenant pour exemple la précarité énergétique plus importante chez les femmes, notamment dans le cadre de familles monoparentales.
Quel rôle pour l’Europe et quelle stratégie pour la transition écologique ?
Pour Martine Billard, l’Europe a été un moteur en matière environnementale, notamment pour la France, mais ne l’est plus. Elle cite des obstacles au niveau européen tels que le glyphosate, le CETA, les OGM ou encore les perturbateurs endocriniens. Elle propose un secteur public de l’énergie pour organiser la sortie des énergies carbonées, pour garantir les emplois dans ce secteur, et également pour coordonner l’action du niveau national au niveau territorial à travers les SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale). Pour Jean-Luc Mélenchon, la sortie du nucléaire doit être une priorité et doit faire l’objet d’un grand projet national dans le but d’atteindre 100% d’énergies renouvelables.
>> Pour aller plus loin : le monde des Trump et consorts menace-t-il les politiques climatiques ?
Arnaud Leroy explique que selon lui l’Europe n’est plus véritablement un moteur, mais que l’espace de discussion est tout de même bien plus développé qu’en Asie ou aux États-Unis. Emmanuel Macron propose notamment une taxe aux frontières européennes pour corriger le dumping climatique. Il faut accompagner l’union énergétique européenne à travers un « plan Juncker puissance au moins 10 ». Il souhaite également une réforme du CNTE (Conseil National pour la Transition Ecologique) afin d’en augmenter son efficacité. La sortie du nucléaire doit être un objectif à terme mais ne peut se faire brutalement, en accord avec les choix budgétaires pris.
Bertrand Pancher explique qu’on oublie le rôle de l’Europe en matière environnementale, notamment sur la question des transports. Aujourd’hui, il la trouve endormie, et rappelle qu’il est important de réguler les marchés sur le plan de l’environnement. L’Union européenne doit en être le moteur de par sa force économique, et doit pour cela s’appuyer avant tout sur le couple franco-allemand. Les acteurs de la transition doivent être responsabilisés, notamment les entreprises qui doivent intégrer les coûts de cette transition dans leurs coûts de production. Sur le nucléaire, la question d’en sortir n’est pas encore d’actualité et n’est pas crédible pour le moment selon le représentant de François Fillon.
Critique sur la construction européenne notamment depuis le CETA, Barbara Romagnan insiste cependant sur l’Europe comme un « horizon souhaitable » en matière d’environnement. Benoît Hamon pense que l’Europe peut se servir de la question écologique pour relancer le projet communautaire, rappelant ainsi la CECA comme départ de la construction à travers l’énergie. Barbara Romagnan remet également en cause l’efficacité des politiques, notamment sur l’écotaxe, malgré un vote à l’Assemblée nationale. Elle insiste donc sur la mise en place concrète des politiques votées. Elle met également en avant la question du nucléaire, qui doit se diriger progressivement vers le démantèlement des centrales françaises au profit des énergies renouvelables.
Les candidats ont semblé être d’accord sur de nombreux sujets et notamment sur les objectifs à atteindre. La stratégie pour y parvenir diffère, et certaines questions comme le nucléaire divisent encore les différents camps. La question de la temporalité semble également importante, avec des candidats privilégiant un calendrier plus ou moins rapide pour arriver à ces objectifs.
Pour réécouter cette conférence : https://www.mixcloud.com/MaisonEurope/pr%C3%A9sidentielle-2017-quel-programme-pour-la-politique-environnementale/
>> Pour approfondir les programmes environnementaux de chaque candidat