Le décret numéro 3 visant les « parasites sociaux » a déclenché en Biélorussie, et plus particulièrement dans sa capitale Minsk, des protestations violemment réprimées.
Le décret présidentiel, dit contre le « parasitisme social », a provoqué une forte contestation en Biélorussie, pays limitrophe et ami de la Russie, dont l’indépendance après la dissolution de l’URSS en 1991 n’a pas occasionné de réforme libérale, le pays étant resté majoritairement agricole. Les Biélorusses sont pourtant peu habitués à descendre dans la rue. Les participants aux manifestations et même les journalistes ayant simplement couvert les protestations ont écopés d’une peine allant jusqu’à 15 jours de prison.
Le décret contre « l’assistanat social » foyer de la colère populaire
Prévu depuis avril 2015, le décret contre « l’assistanat social » prévoit l’acquittement d’une taxe annuelle d’une valeur de 235 euros environ pour les Biélorusses travaillant moins de 183 jours par an. L’objectif serait d’amortir les dépenses sociales de l’Etat. 447 000 Biélorusses sont concernés par cette taxe; mais seulement 54 000 s’en étaient acquittés à la veille de la date butoir, le 20 février.
Cette taxe jugée injuste et qualifiée d’impôt social a suscité de vives protestations. En effet, la Biélorussie, fortement touchée par la crise, connaît une récession importante, le chômage étant officiellement de 1% atteint en réalité les 6%, l’économie est paupérisée et repose sur la Russie, où de nombreux Biélorusses travaillent. De plus, la taxe touche les plus vulnérables comme les chômeurs ainsi que d’autres professions qui ne sont pas reconnues comme certains artistes ou écrivains. S’ajoute à cela le montant de la taxe qui représente un mois de salaire.
Des protestations se heurtant à la répression menée par Loukachenko
Les protestations ont débuté peu avant la date butoir de paiement de la taxe : le 17 février, les Biélorusses sont sortis spontanément dans la rue, rassemblant plus de 2 000 personnes lors de la première manifestation. Les manifestations se sont étendues dans de plus petites villes comme Bobrouïsk, Brest, Orcha ou en encore Homiel. Les mobilisations se sont poursuivies pendant plusieurs semaines atteignant leur point culminant le 25 mars, jour symbolique de la fête de la liberté, date de l’indépendance de la Biélorussie en 1918.
Toutefois, même si le 9 mars, l’indéboulonnable président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, a suspendu la taxe face à la montée de la colère populaire, réaction inhabituelle de la part d’un régime que l’on qualifie de « dernière dictature d’Europe », les manifestations ont continué de s’intensifier et ont donné lieu à une répression implacable. En effet, les rassemblements de ces dernières semaines ont été les plus importants de ces dernières années. Les manifestations ayant eu lieu lors des élections présidentielles de 2006 et 2010 et avaient aussi été l’occasion d’une violente répression.
N’ayant pu endiguer la vague protestataire, le président Loukachenko a donc décidé d’adopter une politique répressive à l’égard des manifestations dont les revendications visent désormais le régime en lui-même. Les manifestants arboraient des pancartes « Loukachenko va-t’en ! ». Selon Andrei Kazakevich, journaliste biélorusse, « ce sont surtout les problèmes économiques, le chômage, et l’absence d’espoir qui poussent à manifester ». Human Rights Watch dénonce l’arrestation de 700 manifestants et la condamnation à des amendes ou peines de prison de 127 participants, dont des journalistes.
Les rapports entre la Biélorussie et la communauté internationale se sont donc tendus après la répression des mouvements contestataires. Pour rappel, la Biélorussie avait été sanctionnée par l’UE et les Etats-Unis en 2011 après la répression des manifestations en 2010 qui avaient fait suite à l’élection présidentielle. Ces sanctions ont été levées en 2016 par l’UE, la répression des manifestations marque-t-elle la fin de ce dégel entre l’UE et le pays considéré comme la dernière dictature d’Europe ?