Mardi 27 juin 2017, la Commission européenne par la voix de sa commissaire à la concurrence Margrethe Vestager a condamné Google à payer la somme de 2,42 milliards d’euros pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des comparateurs de prix. Retour sur le portrait d’une femme devenue en quelques années l’icône européenne en matière de lutte contre la fraude au droit européen de la concurrence.
Margrethe Vestager a suivi des études en économie à l’Université de Copenhague. À l’issue de son parcours académique elle a intégré le ministère des finances danois après quoi elle s’est lancée dans la politique au sein du Parti social libéral danois. Ce parti centriste est affilié au groupe ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) au Parlement européen. Au fil des années, Margrethe Vestager est parvenue à devenir une figure de l’échiquier politique danois, et s’est hissé à la présidence de son parti de 2007 à 2014.
Durant sa carrière politique danoise elle prit la tête de ministères clés. Ainsi, elle exerça la double fonction de ministre de l’économie et de ministre de l’intérieur de 2011 à 2014. Sa carrière prend une dimension européenne quand elle intègre la Commission Juncker en novembre 2014. Nommée au poste de commissaire à la concurrence, elle obtient un rôle clé dans cette nouvelle Commission.
Un poste clé au sein de la Commission européenne
En effet, le poste de commissaire européen à la concurrence joue un rôle important dans l’implémentation des règles européennes qui encadrent le marché commun. Dès la création de la Communauté économique européenne en 1957, un ensemble de règles permettant d’encadrer le marché nouvellement créé sont édictées. Celles-ci visent notamment à garantir que la libre concurrence soit parfaitement respectée.
Pour aller plus loin >>> 60 ans du traité de Rome : qu’en reste-t-il ?
Une situation de parfaite concurrence doit permettre une allocation optimale des ressources sur le marché et contribuer au bien-être de tous. Entre autres, les règles de concurrence interdisent les monopoles, les ententes, les abus de position dominantes, les aides d’États qui ont pour effets de fausser la concurrence et empêchent aux consommateurs européens de bénéficier pleinement des bienfaits du marché unique européen.
Pour vérifier que les règles portant sur la concurrence soient respectées, les traités européens confèrent à la Commission européenne des prérogatives d’enquête et de condamnation quand elle détecte un délit. Il est important de noter que c’est le seul domaine dans lequel la Commission européenne a le pouvoir de condamner des entreprises qui ne respecteraient pas les règles européennes. Se faisant, le commissaire en charge de la concurrence possède des pouvoir exceptionnels vis-à-vis de ses collègues et lui confère une position clé au sein de la Commission européenne.
Les coups d’éclats de Margrethe Vestager
Depuis son accession au poste de Commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager mène la charge contre les fraudeurs des règles de concurrence. Elle s’est attachée à combattre le dumping fiscal entre États membres de l’Union, notamment le 31 août 2016, lorsqu’elle a ordonné à l’Irlande de réclamer à Apple la somme colossale de 13 milliards d’euros. Cette somme correspond aux avantages fiscaux accordés par l’Irlande à la firme californienne.
Pour aller plus loin >>> Fiscalité européenne : David contre Goliath
En effet, la Commission européenne accuse l’Irlande d’avoir accordé à Apple des taux d’imposition extrêmement bas, contribuant ainsi à fausser la concurrence et à pousser les États membres à se lancer dans une course au dumping fiscal pour attirer les firmes internationales sur leur territoire. Dans cette affaire, c’est bien l’Irlande, et non Apple, qui est accusée. La Commission l’accuse d’avoir accordé des aides d’Etat à Apple, ce qui est répréhensible en vertu de l’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.
De son côté, l’Irlande a fait appel de cette décision, arguant que ces avantages fiscaux ne constituent en rien des entraves à la libre concurrence sur le marché unique et qu’elle était libre d’établir sa propre politique fiscale. La décision qui sera rendue en appel aura de lourdes conséquences sur l’harmonisation fiscale au niveau européen et pourrait initier une dynamique vers la fin du paradis fiscal irlandais pour les multinationales implantées en Irlande.
Un acte très politique
Hier, en annonçant la condamnation de Google à payer 2,42 milliards d’euros, Margrethe Vestager a clôt une enquête de sept années qui a permis à la Commission européenne de démontrer que le géant américain usait de son hégémonie sur le marché des moteurs de recherche pour mettre en avant son outil de comparateur en ligne. Cette pratique étant condamnable au regard de l’article 102 du TFUE pour non-respect des règles de concurrence en matière de position dominante, la Commission européenne a décidé de condamner Google.
Évidemment, cette condamnation n’est pas dépourvue de message politique. La Commission européenne souhaite par ce biais rappeler que le marché européen est régi par des règles européennes auxquelles tous les acteurs qui y sont implantés doivent se soustraire, quelle que soit leur origine géographique.
Ces coups d’éclats et les condamnations à des amendes de plusieurs milliards d’euros ont fait de Margrethe Vestager une figure incontournable de la Commission Juncker. Les médias ne tarissent pas de surnoms pour souligner le pouvoir de « la femme la plus puissante d’Europe ».