La Chine prend de plus en plus de parts dans le capital des entreprises européennes et françaises, jusqu’à inquiéter certaines personnalités politiques. Tout cela pour accroitre son importance économique et son leadership à travers le monde.
Le bétonier Putzmeister, la compagnie des eaux britannique Thames Water, le constructeur italien de yachts de luxe Ferretti sont des exemples parmi d’autres d’entreprises européennes rachetées ou ayant ouvert leur capital aux entreprises chinoises. En France, peu de temps après la visite d’Emmanuel Macron en Chine, visite qu’il a promis de renouveler tous les ans, une entreprise tricolore – Naf-Naf – a de nouveau été achetée par des investisseurs chinois. Dernièrement, ces financements étrangers se multiplient à tel point que des OPA (offres publiques d’achat) sont même enclenchées lorsque les investissements dépassent 30 % du capital de l’entreprise. Suite à cela, la personne qui détient le plus de parts dans l’entreprise est ensuite amenée à en prendre la tête. La Chine s’infiltre en Europe et en France, mais particulièrement dans des sociétés touristiques, puisque 2,2 millions de visiteurs chinois se sont rendus dans l’hexagone en 2015.
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Ainsi en France, le groupe FoSun a acquis des parts de plus en plus colossales dans des sociétés de tourisme. Elle a donc racheté le Club Med pour 939 millions d’euros. Le groupe de Jun Jiang était opposé à l’homme d’affaire italien, Andrea Bonomi qui possède notamment Aston Martin ou Ducati. Le groupe Accor est quant à lui détenu à 15,6 % par ce même groupe chinois qui en est même devenu le premier actionnaire à tel point qu’il souhaite monter son capital à 29 %, se rapprochant donc d’une OPA. Accor et FoSun étaient même concurrents pour acheter Louvre Hotels (qui détient par exemple Campanile et Kyriad), que le groupe chinois a remporté pour 1,2 milliards d’euros.
Des politiques inquiets
Toutefois, ces rachats inquiètent certains politiques. Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes ainsi que le président du département de Savoie Hervé Gaymard, le président du département de l’Isère Jean-Pierre Barbier et celui de la Haute-Savoie Christian Monteil, tous Les Républicains, étaient opposés à une éventuelle part chinoise dans le capital de la Compagnie des Alpes. Cette société exploite 11 stations de ski et comprend des parcs de loisirs tels que le Parc Astérix, le Futuroscope, le Musée Grévin et Walibi. Ces investissements chinois sont notamment réalisés dans la perspective des prochains Jeux Olympiques d’hiver, qui auront lieu en 2022 à Pékin. Ainsi en Chine, 20 à 30 stations sont en construction et le pays souhaiterait faire passer son ratio de journées skiées de 17 à 25 millions après les JO.
L’immersion d’entreprises chinoises en Europe semble être une aubaine pour la science asiatique. Celle-ci s’inspire par exemple des technologies françaises –comme Alstom pour les rames de TGV chinoises sorties en 2008- mais parvient de plus en plus à développer ses propres innovations. Le dernier exemple en date est le TGV « Renaissance », allant jusqu’à 400 km/h. Ces transferts de technologie permettent à la Chine de comptabiliser en 2016 10 universités parmi les 50 premières universités du monde, dans les domaines de l’ingénierie, de la technologie et de l’informatique. Depuis 5 ans, les brevets sur l’intelligence artificielle ont augmenté de 186 %, ce qui fait de la Chine le deuxième pays dans ce secteur, après les Etats-Unis. Les pays européens sont derrière mais enregistrent une augmentation de 54 % sur trois ans concernant les objets connectés.
La France en Chine : une immersion de longue date qui tend à s’inverser
Depuis une vingtaine d’années, la France s’est confortablement ancrée en Chine avec ses 1800 entreprises en 2014, à l’image du groupe Accor (que FoSun détient en partie) et ses 10 % d’investissements dans le capital de Huazhu pour implanter des hôtels Ibis styles, Novotel ou Mercure. Ces participations au capital d’entreprises chinoises pourraient même s’accentuer à la vue de la récente visite du président Macron qui souhaite améliorer les relations économiques entre les deux pays. Toutefois, la Chine, dont 700 de ses filiales sont implantées dans l’hexagone, semble vouloir inverser la tendance et accroit ses investissements ces dernières années.
Néanmoins, il n’est pas uniquement question d’économie puisque la Chine se sert aussi de ses relations politiques pour mener à bien ses projets. Ainsi, la Chine et 11 pays de l’Europe centrale et orientale (PECO) se sont rencontrés fin novembre pour la sixième année consécutive. Ce projet de réunion à 11+1 a été lancé à l’initiative des Chinois en 2012. La Roumanie, la Lettonie, la Pologne et la République Tchèque attirent la plupart des investissements de l’est européen, lieu où 800 000 chinois viennent passer leurs vacances chaque année. Entre 2009 et 2014, les exportations à destination de la Chine ont même augmenté de 173 %.
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Le pays n’investit pas uniquement dans des entreprises : elle permet de réduire les inégalités dans cette partie de l’Europe. La construction du chemin de fer Belgrade-Budapest améliore ainsi les échanges entre l’Europe de l’Est, de l’Ouest et la Chine. Tout cela, dans un but bien précis pour l’Empire du Milieu : il souhaite rouvrir les anciennes routes de la soie, dans un projet renommé « La ceinture et la route ». Ce projet détaillé en mai dernier par le président Xi Jinping a pour objectif de désenclaver certaines régions de l’ouest chinois en les connectant davantage avec l’Europe afin de vendre une partie de sa surproduction. La Chine renforcerait ainsi encore davantage son statut de concurrent politique, économique et stratégique pour les autres grandes puissances mondiales.