Lors des Jeux olympiques et paralympiques de Pyeongchang, la question du dopage institutionnalisé a de nouveau été abordée. Quelles sont les politiques menées à l’échelle européenne et internationale ?
Le sport, qui selon le Comité International Olympique (CIO) doit être apolitique, semble tout de même utilisé à ces fins-ci puisque les victoires remportées lors de grandes compétitions peuvent permettre de promouvoir un régime politique. Ainsi, le rapport McLaren commandé en 2016 a révélé l’existence d’un système de dopage institutionnalisé par le gouvernement russe. Il est estimé que 1000 athlètes auraient ainsi été concernés, sur un total de 30 disciplines. Une institutionnalisation qui peut rappeler le dopage organisé en RDA dans les années 1970-1980 ou encore en République populaire de Chine en 1980-1990.
Ainsi dans le monde, 3000 athlètes par an sont suspendus par leur fédération. Ce nombre, derrière lequel se cache aussi des athlètes non détectés, montre toute l’ampleur du dopage dans le sport international. On parle même d’un marché noir qui représenterait 30 milliards d’euros par an. A des échelles plus individuelles, l’accent est particulièrement mis sur des sportifs ayant remportés un nombre important de compétitions. Chris Froome, quatre fois vainqueur du Tour de France et vainqueur de la Vuelta est soupçonné de ne pas avoir respecté la dose de sabultamol autorisée, un anti-asthmatique. Si le coureur ne peut défendre sa cause, il pourrait se voir retirer son titre du Tour d’Espagne 2017.
Des sanctions sans contrôle positif ?
Le contrôle est encore plus questionné lorsque l’athlète n’a pas été contrôlé positif mais qu’il peut être sous le coup d’une procédure disciplinaire. C’est ce que subit actuellement Alizé Cornet, la joueuse de tennis française, après un troisième no-show dans le cadre de la procédure ADAMS. Ce système mis en place en 2005 par l’AMA – l’Agence mondiale antidopage – doit permettre le contrôle d’un athlète à tout moment de la journée entre 6h et 17h. Pour cela, il se doit d’indiquer où il se trouvera à chaque demi-journée. Un athlète peut être sanctionné s’il n’était pas présent lors de trois contrôles sur une période de douze mois. Ce système, critiqué par certains athlètes pour la privation de liberté dont il fait preuve, vient tout juste d’être validé par la Cour européenne des droits de l’homme. Lors de ces contrôles, deux échantillons sont prélevés : l’échantillon A est destiné à l’expertise ; le B est gardé pour une quelconque réclamation.
La lutte antidopage relève des grandes institutions mondiales. L’Union européenne ne peut agir de manière uniforme car chaque pays possède une prévention qui lui est propre. Toutefois, la Commission européenne a mis en place en 2007 un Livre Blanc qui assimile désormais le trafic de substances dopantes à n’importe quel trafic de drogue. 22 États membres l’ont signé. Ensuite, chacun d’entre eux l’adopte de manière spécifique, soit par le code pénal, soit par une loi sur les narcotiques ou bien par une loi sur le sport en général. Le Conseil de l’Europe a quant à lui mis en place en juillet 2003 la Cahama (le Comité ad hoc européen pour l’Agence mondiale antidopage) qui a pour but de coordonner la position des États pour la convention culturelle européenne. Ces États ratifient les décisions prises avant les réunions de l’AMA.
La mise en place d’institutions pour endiguer le dopage
Pour davantage coordonner ces politiques, des mesures sont prises à l’échelle internationale. Ainsi, l’UNESCO a dès 2005 organisé une convention internationale contre le dopage dans le sport, qui a été ratifiée par 191 pays. Cette convention s’est ensuite transformée en groupe de travail informel en 2008, puis en groupe d’experts en 2010.
C’est donc véritablement à l’Agence mondiale antidopage que revient le contrôle international des sportifs. Créée en 1999, elle définit juridiquement ce qu’est le dopage. Il s’agit d’un ensemble de méthodes ou de substance qui augmente la performance, abîme la santé ou est contraire aux valeurs du sport. Pour lutter contre cela, le code mondial antidopage est entré en vigueur en 2004, sous la jurisprudence du Tribunal arbitral du sport (TAS). Il a quatre objectifs : la lutte antidopage, l’éducation et la recherche, les rôles et responsabilités, les acceptations, la modification et l’interprétation. 660 organisations internationales ont accepté ce code, qui a été révisé en 2007.
Le TAS et sa chambre antidopage sont chargés de prendre d’éventuelles sanctions, en 24 heures en période de JO. Elles sont dictées à la majorité, ou par le ou la présidente de la formation si aucune majorité n’est trouvée. Ce sont finalement les fédérations nationales qui en bas de l’échelle effectuent des contrôles. Tous les pays ne les appliquent pas de la même manière, ce qui soulève les suspicions sur certains athlètes. Ainsi en Jamaïque, aucun contrôle sanguin n’a été effectué dans les six mois précédant les JO de Londres en 2012. Les contrôles sanguins sont plus redoutés que les contrôles urinaires car ils permettent de créer un passeport biologique : les échantillons pourront être analysés pendant 15 ans. Lors de ces contrôles, les laboratoires recherchent en particulier certaines composantes dopantes. Or, il s’avère que les sportifs ont une longueur d’avance sur les laboratoires puisqu’ils utilisent des substances que ceux-ci ne cherchent pas encore.
Tous touchés, tous concernés ?
Toutefois, ces accentuations sur les contrôles ont eu lieues après des dénonciation exprimées par certains athlètes. En Russie, Ioulia Stepanova, athlète du 800 mètres a révélé en 2014 l’institutionnalisation du dopage en Russie, elle qui avait aussi pris de l’EPO, de la testostérone ou encore des stéroïdes. Cette lanceuse d’alerte explique que tous les athlètes étaient favorables au dopage. Elle vit aujourd’hui en Allemagne de peur de la répression. Sa révélation a immédiatement conduit à la suspension de 4000 athlètes russes. Pour espérer courir de nouveau dans une compétition internationale, un pays doit l’inviter à concourir sous sa bannière. Dans le monde du cyclisme, Christophe Bassons, membre de l’équipe Festina, avait alerté lors du Tour de France 1998 sur ces pratiques dopantes de plus en plus généralisées. Peu à peu rejeté du circuit, il avait fini par quitter le Tour au bout de la douzième étape. L’athlétisme quant à lui est un des sports les plus touchés puisque l’IAAF, l’association internationale des fédérations athlétiques, aurait laissé concourir certains athlètes en échange d’argent.
Mais s’il y a bien un sport qui semble être éloigné de ces questions, c’est le football. En effet, Maradona était le dernier footballeur contrôlé positivement. En 1994. Toutefois, plusieurs interrogations subsistent quant aux pratiques de la FIFA. En 1998, elle a fait détruire tous les échantillons prélevés. En 2006, aucun contrôle sanguin n’a été effectué. En 2014, le centre de contrôle se trouvait en Suisse tandis que la Coupe du monde se déroulait au Brésil. Des méthodes douteuses sont ainsi parfois utilisées par les sportifs, notamment après une blessure, pour revenir plus vite à la compétition. Il s’agit par exemple de la thérapie cellulaire qui consiste en une greffe de tissus pour réparer ou restaurer les fonctions d’un tissu ou d’un organe. Utilisée alors qu’elle était proscrite, cette pratique a finalement été acceptée par l’AMA après un travail en ce sens des agences du football. L’usage de dopants serait-il lié aux moyens économiques ? Samir Nasri, qui n’est plus sous contrat avec Antalyaspor, vient toutefois d’être écarté six mois des terrains selon son avocat pour avoir subi un “traitement intraveineux” à Los Angeles en 2016 afin de garder la forme. L’AMA en fera-t-elle un modèle ?
Quoi qu’il en soit, tous les athlètes sont concernés puisque des sportifs paralympiques russes ont été interdits de concourir pour ces JO d’hiver. Une nouvelle méthode est toutefois utilisée qui consiste en une mutilation du corps pour faire augmenter le rythme cardiaque et donc préparer le corps à la compétition grâce à cette charge d’adrénaline. Les performances peuvent être augmentées de 5 à 15 % mais contient des risques pour la santé du fait de la pression artérielle subie.
C’est donc aux fédérations nationales de contrôler leurs sportifs, puis à l’AMA de révéler les cas de dopage. Et à chaque sport ses polémiques. Mais il semblerait que le dopage soit un sujet transversal qui revient sur le devant de la scène lors de chaque grande compétition. Toutefois, la suspicion sur certains athlètes ne devrait pas faire oublier la part bien plus importante de sportifs intègres. Sportifs qu’on retrouvera pour les Jeux paralympiques qui se tiendront du 9 au 18 mars.