Le géant spatial européen s’est fait coiffer au poteau par le milliardaire Elon Musk et sa société SpaceX. Pour la première fois de son histoire, Arianespace se retrouve sur la seconde marche du podium. Le lancement prochain de sa nouvelle fusée divise quant à sa capacité à combler son retard.
Lorsque le milliardaire sud-africain, Elon Musk, promettait de révolutionner la conquête spatiale, nombreux sont ceux qui affichaient des sourires narquois. Habitués aux idées fantasques de Musk, il était entendu qu’il ne pouvait pas être pris au sérieux. Avec SpaceX pourtant, il se hisse au sommet du marché spatial et fait trembler Arianespace qui s’assurait jusque-là une confortable première place.
Alors que l’agence européenne assurait 11 lancements l’année dernière, son concurrent en affichait 17. Avec son Falcon 9, Elon Musk a su concurrencer la figure de proue d’Arianespace, l’Ariane 5. Les deux engins se trouvent au coude à coude en termes de performances. Néanmoins, SpaceX a su tirer son épingle du jeu dans plusieurs domaines.
SpaceX et son marché captif
Sur le marché spatial, il existe deux types de missions. Les projets institutionnels d’une part, instigués par les États dans un but militaire ou gouvernemental et les envois commerciaux d’autre part, qui servent à installer des satellites de communication à usage du grand public (internet, GPS, etc…). Si SpaceX peut profiter d’un marché captif en ce qui concerne les missions institutionnelles, il n’en va pas de même pour Arianespace.
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En effet, les deux principaux clients de la société de Musk sont la NASA et l’US Air Force. Les États-Unis, utilisent un système dit de « préférence nationale » de fait, leurs commandes sont envoyées directement à SpaceX. L’Agence européenne quant à elle est directement concurrencée sur son propre territoire. SpaceX dispose d’un monopole absolu chez elle. La tendance s’est d’ailleurs fortement accentuée après l’élection de Donald Trump et de sa politique « America First ».
Deux modèles économiques
Le désavantage évident auquel doit se confronter Arianespace, s’accentue également au niveau des commandes commerciales. SpaceX facture ses lancements au prix fort à la NASA et à l’US Air Force. Cet arrangement lui permet de casser ses prix au niveau commercial. Alors que le prix de lancement d’un Falcon 9 est estimé à 100 millions de dollars, Musk peut se permettre de proposer ses services moitié moins chers aux entreprises commerciales grâce à la marge économique que lui rapporte ses ventes gouvernementales. Arianespace, malgré une technologie très efficace est donc en peine pour concurrencer ces prix avec son Ariane 5 qui coûte 150 millions d’euros.
Une coopération handicapante
La technologie et la qualité des fusées Ariane est reconnue mondialement. Fruit d’une coopération interétatique entre l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la France, les engins sont une belle illustration de l’efficacité européenne. Cependant, en termes de construction encore, SpaceX creuse l’écart. Jusqu’à présent, Arianespace pratiquait ce que l’on pourrait comparer à la spécialisation ricardienne, chaque pays construit la partie de fusée qu’il maîtrise le mieux. Les différentes parties sont ensuite envoyées et assemblées sur le site de lancement.
SpaceX réalise ses modèles du début à la fin ce qui occasionne un gain de temps et d’argent considérable. Afin de combler cet écart, Arianespace à d’ailleurs récemment décider de resserrer son champ de production en se concentrant sur deux centres production français dans les Yvelines et en Aquitaine ainsi qu’un allemand à Brême.
Toss-back et innovations
L’entreprise américaine est empreinte de la personnalité de son PDG. Elon Musk, le milliardaire risque-tout n’est pas avare en innovation. Après avoir réussi à faire décoller la Falcon Heavy en février dernier, fusée la plus puissante au monde et à mettre en orbite une voiture Tesla (société qui lui appartient également), il ne cesse de repousser les limites de la science. En 2016, le premier étage d’un Falcon revenait sur Terre en bonne condition pour être réemployé. On parlait déjà d’un progrès énorme.
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L’année d’après, 14 étages de lanceurs revenaient après une mise à feu et 7 étaient en état de faire un deuxième vol. La technologie dite du « toss back » est donc en plein essor du côté de SpaceX. Chez Arianespace, on parle de Prometheus, un prototype de moteur réutilisable qui, s’il peut faire de l’ombre à SpaceX n’en est encore qu’au stade d’idée.
La relève
Depuis 2014 cependant, Arianespace façonne la nouvelle arme qui devrait lui permettre de se maintenir au niveau. Le projet Ariane 6 a coûté 6,4 milliards d’euros et son financement à été difficilement bouclé. SpaceX au contraire, dispose d’un budget quasi illimité. Beaucoup critiquent d’ailleurs le manque d’investissement européen pour l’innovation technologique.
En décembre 2017, dans un rapport intitulé « L’Europe contre-attaque », Arthur Sauzay avocat mandaté par l’institut Montaigne estimait que les 1,5 milliards investis par l’Europe devait être doublés dans le budget 2021-2027 pour que Arianespace puisse se maintenir au niveau.
Prévue pour 2020, Ariane 6 devrait cependant coûter près de 40% moins cher au lancement que son prédécesseur. Elle pourrait assurer aux européens de revenir dans la course aux étoiles. Reste tout de même une ombre importante au tableau, la fusée pourrait être mis hors compétition avant même sa sortie vu le rythme auquel Musk et sa compagnie se développent.