Nora Hamadi est journaliste chez Public Sénat, spécialiste des questions européennes, et présente les émissions « Un monde en docs » et « Europe Hebdo ». Elle assure aussi la rédaction en chef du magazine Fumigène, un trimestriel sur les quartiers populaires, leurs cultures et leurs politiques. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de la conférence sur les médias et l’Europe organisée par Eurosorbonne.
Eurosorbonne : Un terme a beaucoup fait débat ce soir, celui de « journaliste européen ». Vous êtes vice-présidente de l’Association des journalistes européens. A quoi sert-elle ?
Nora Hamadi : L’intérêt de ce regroupement, c’est d’être en capacité de représenter les intérêts de ceux qu’on appelle les journalistes européens, même si c’est une catégorisation qui pour beaucoup ne veut pas dire grand-chose. Il y a des intérêts sectoriels sur le rapport aux institutions, sur la manière dont on peut fonctionner avec le Parlement, avec la Commission, avec le Conseil… Il y a beaucoup de pigistes, donc beaucoup de précaires, ça implique aussi de pouvoir les représenter.
C’est aussi une forme de lobbying auprès des institutions, car certaines peuvent avoir parfois tendance à abuser de leur pouvoir vis-à-vis de certains confrères ou à faire des appels à projet complètement lunaires… On avait aussi agi sur la directive « Secret des affaires ». Il y a ce rapport institutionnel entre un groupement de journalistes et une institution sur laquelle ils travaillent, et il y a par ailleurs tout l’aspect « animation » d’un réseau et rencontres avec des acteurs du champ européen.
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Par rapport à votre double casquette : Est-ce que ça se marie bien, Fumigène et Public Sénat ?
Grave ! Fumigène c’est le quartier, Public Sénat c’est les ors de la République, et l’un nourrit l’autre. C’est parce que je fais Fumigène, que je suis sur le terrain et que je fais des ateliers d’éducation aux médias à des jeunes filles et garçons de 14 ans dans des quartiers populaires, que je pense avoir quelque chose de plus à apporter dans le cadre de mes activités parfois très institutionnelles à Public Sénat.
A Public Sénat je présente des émissions, je suis moins sur le terrain. Le rapport au réel n’est pas le même. Chez Fumigène, ce lien au terrain est extrêmement fort. Au même titre, quand je fais des ateliers d’éducation aux médias et qu’on traite des politiques migratoires, j’apporte cette dimension européenne et politique qui vient nourrir des clés de compréhension du réel pour ces jeunes, dont certains sont réfugiés.
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Comment peut-on alors concilier engagement et travail journalistique ?
Le journaliste est un citoyen. Je ne fais pas du militantisme dans un parti. En tant que citoyenne, j’estime que quand on a cette place de vigie et d’observateur on se doit d’être dans l’accompagnement des plus jeunes. Je ne fais pas de propagande, je donne des clés de compréhension.
J’ai été prof dans une vie antérieure, et pour moi c’en est juste la continuité. J’ai changé de casquette, mais la démarche est la même. Il y a des moments où je vais le faire sur un plateau avec des caméras, et d’autres où je vais le faire avec des jeunes sur le terrain à Nevers, à Calais ou dans un camp de Roms en Bulgarie. La pédagogie ne change pas, il s’agit d’expliquer.
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Crédit photo : CAPA/Public Sénat