Salaires minimums des pays de l’Union européenne : vers une harmonisation communautaire ?

Si tout « travail mérite salaire », encore faut-il déterminer le montant de ce dernier. Le salaire minimum a ainsi d’abord permis d’assurer une valeur minimale au travail. Dans un second temps, il a été érigé en outil de lutte contre la pauvreté. Aujourd’hui, dans de nombreux pays d’Europe le salaire minimum a également vocation à garantir l’intégration dans la société de tous les salariés.

Les salaires minimum des pays membres : le grand-écart européen

Nous observons pourtant au sein de l’Union Européenne de profondes disparités selon les pays.
L’établissement du salaire minimum relève d’une compétence nationale. Chaque pays est libre de fixer un tel revenu et de décider de son montant. Toutefois, l’Union européenne a adopté en décembre 2016 une résolution érigeant « un socle européen des droits sociaux » dans laquelle l’établissement d’un « salaire minimum national par la voie législative ou par la négociation collective » était recommandé. Les Etats sont ainsi fortement encouragés à adopter un salaire minimum.
Aujourd’hui 22 Etats membres sur les 28 disposent d’un salaire minimum. Nous pouvons observer (document ci-dessous) de grandes disparités dans l’établissement de ce dernier. L’écart le plus significatif est constitué du salaire minimum de la Bulgarie établi à 261€ contre 1999€ au Luxembourg.

Bien-sûr il est nécessaire de prendre en compte le pouvoir d’achat. Ce dernier est calculé en fonction du revenu et des prix moyens des biens et services à disposition des citoyens et varie grandement d’un pays à l’autre. En parité pouvoir d’achat (PPA), l’écart reste cependant important, ainsi en gardant le même exemple, il s’élève à 1051€ entre la Bulgarie et Luxembourg (avec des salaires minimum en PPA respectifs de 546€ et 1597€.)

Grâce aux statistiques relevées, Eurostat distingue trois groupes :
• Les pays dont les salaires minimums sont inférieurs à 500 euros (Bulgarie, Roumanie, Lituanie, Lettonie, République tchèque, Hongrie, Slovaquie, Croatie) ;
• Les salaires minimums compris entre 500 et 1 000 euros (Estonie, Pologne, Portugal, Grèce, Malte, Espagne, Slovénie) ;
• Les plus hauts salaires minimums, supérieurs à 1 000 euros par mois (Royaume-Uni, France, Irlande, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Allemagne).

Issu des revendications sociales, syndicales ou politiques, le salaire minimum est érigé pour payer le travail à sa juste valeur. Ainsi les standards sociaux varient d’un état à l’autre, ce qui explique de tels contrastes. Ces standards découlent en effet d’une histoire et d’une culture propre au pays auquel l’Etat reste fidèle.
Dans 6 pays, le salaire minimum n’est pas fixé par l’Etat : Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Italie, Suède. Il est alors déterminé par branches (secteur d’activité) et/ou par négociations des partenaires sociaux.

Une harmonisation salariale complexe : la question du dumping social et des travailleurs détachés

La question de l’harmonisation des salaires minimums européens constitue un débat important pour l’UE. Elle soulève en effet des problématiques intrinsèques au marché unique. La libre circulation des personnes interroge de fait, la compétitivité des pays. Certains sont parfois accusés de pratiquer le « dumping social ». Ce terme « fait référence à des pratiques mises en œuvre par un pays pour inciter de nouvelles entreprises à s’installer sur son territoire, ou par une entreprise pour augmenter sa compétitivité ». Ainsi, cette pratique contreviendrait aux règles de la concurrence ou de la protection sociale des entreprises et de leurs salariés.
Un salaire minimum calculé par l’UE pourrait réguler le flux de travailleurs. Il s’appuierait sur les différences de pouvoir d’achat de chaque pays. Aujourd’hui, on dénombre environ 500 000 travailleurs détachés dans l’UE. Ce salaire minimum aurait également pour but de réduire les écarts de standards sociaux entre pays membres.
La directive européenne concernant le détachement de travailleurs date de 1996. Elle a pour but de faciliter la circulation de la main d’œuvre au sein des Etats membres. Les travailleurs détachés y sont définis comme « « tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un Etat membre autre que l’Etat sur le territoire duquel il travaille habituellement ». Ainsi des droits sociaux leur sont assurés, parmi eux on retrouve le droit à toucher le salaire minimal du pays dans lequel il est détaché.
En avril 2018, le Parlement européen a révisé la directive. L’un des principes clefs érigé fut « A travail égal, salaire égal ». Ainsi désormais, le salaire du travailleur détaché doit non seulement respecter le minimum légal du pays d’accueil mais également équivaloir au salaire des travailleurs locaux. Il doit de plus intégrer les primes et indemnités associées à leur emploi.
La principale limite de cette directive concerne les cotisations sociales, qui demeurent, elles, celles du pays d’origine. Le travailleur détaché français en Roumanie continue de payer les cotisations sociales françaises en touchant son salaire roumain. Pourtant, ces cotisations s’élèvent respectivement à 45% et seulement 13%. Ce principe vise à limiter les fraudes de la part des entreprises qui détacheraient leurs travailleurs en masse dans un pays à bas coûts. Ce système est donc plus favorable aux pays dont les cotisations sont faibles. Le revenu net du travailleur détaché ne pourra ainsi être complètement égal au travailleur originaire du pays. Cette limite fragilise les effets de la réforme et illustre les difficultés d’une harmonisation communautaire.

On observe ainsi que malgré l’absence d’un consensus européen sur le salaire minimum, l’UE tente d’harmoniser l’accès à ce droit du travailleur. Les Etats membres demeurent cependant attachés à leurs particularités culturelles et sociales : le salaire minimum ne signifie pas la même chose selon les pays. Les critères pour le déterminer sont larges et dépendent en grande partie de ces mêmes particularités.
La diversité des situations économiques des pays constitue à la fois un frein pour l’harmonisation complète des salaires minimum, mais également un moteur de croissance et d’échanges économiques propres à l’UE.

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