À l’approche des élections européennes de mai 2019 qui décideront de la nouvelle couleur politique du Parlement européen, les deux partis dominants recherchent le candidat qui les représentera en tant que futur président de la Commission européenne d’après le système de spitzenkandidaten. Tandis que le Parti populaire européen (PPE, la droite européenne) avait déjà annoncé depuis novembre 2018 l’investiture de Manfred Weber, membre de la CSU et chef du groupe au Parlement européen, le Parti socialiste européen (PSE) vient tout juste de se mettre d’accord sur Frans Timmermans pour tenter de prendre la suite de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission. Qui est donc le nouvel élu du PSE ?
Néerlandais de 57 ans et vice-président de la Commission européenne depuis 2014, Frans Timmermans n’est que peu médiatisé. A l’image des membres de la Commission européenne, il est peu connu du grand public. Il apparaît pourtant comme le candidat idéal, non seulement de par son expérience acquise au sein des instances européennes mais également grâce à sa large ouverture à l’international. En effet, ancien diplomate puis ministre des Affaires étrangères au sein du gouvernement néerlandais, Frans Timmermans est un polyglotte confirmé maîtrisant parfaitement 6 langues et a été salué comme « sans doute le meilleur communicant de l’UE du XXIè siècle » par Politico. Il a également fait une étape par la France au cours de laquelle il a passé un DEA en sciences politiques dans l’université de Nancy.
« Spitzendandidaten », le système de désignation du président de la Commission européenne
Le principe des Spitzendandidaten, traduit de l’allemand « candidat tête de liste », correspond au mode de désignation du président de la Commission européenne mis en place depuis les élections de 2014 d’après la volonté du Parlement européen de rendre la Commission plus conforme à la couleur politique du Parlement. Ainsi, chaque parti du Parlement désigne durant des primaires internes le candidat qui sera désigné à la tête de l’exécutif européen si son parti obtient le plus de sièges dans l’hémicycle à l’issue des élections. Ce mode de désignation du président de la Commission, considéré comme une avancée démocratique, vise à favoriser la mobilisation des électeurs à un scrutin enregistrant une participation de plus en plus faible depuis les premières élections de 1979.
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Quels sont ses combats au sein de la Commission ?
Chargé de l’amélioration de la législation, des Relations institutionnelles, de l’État de droit et de la Charte des droits fondamentaux au sein de la Commission, Frans Timmermans apparaît comme un rempart efficace pour faire face à l’affaiblissement des principes démocratiques dans certains pays de l’Union tels que la Pologne, la Hongrie ou encore la Roumanie. Il est d’ailleurs l’interlocuteur privilégié des pays du groupe de Visegrad, critiqué pour ses écarts avec les principes démocratiques européens, avec lesquels il se montre inflexible lorsqu’il s’agit de faire respecter l’État de droit.
Quelle politique compte-t-il mener durant son hypothétique présidence à la Commission ?
Socialiste convaincu, Frans Timmermans donne l’image d’un « optimiste réaliste », notamment pour sa position sur la politique migratoire qu’il compte faire adopter par l’Union européenne. En effet, aux antipodes des leaders populistes du groupe de Visegrad, le candidat pour la présidence de la Commission se dit favorable au maintien de l’espace Schengen et à la libre circulation des personnes au sein de l’espace européen. Côté économie, il montre des réserves au sujet des politiques qui reposeraient trop sur l’auto-régulation des marchés. Il affirme vouloir faire de la lutte contre le nationalisme et la protection des valeurs de l’UE les chevaux de batailles de son mandat en cas de nomination à la tête de la Commission, sans oublier de mentionner le développement durable comme priorité au sein de son programme électoral. Lors de son investiture, le président du PSE, Sergei Stanishev, déclara à son sujet qu’il représentait « un changement de direction pour l’Europe » en mettant « la justice sociale, l’égalité et le développement durable au cœur de son programme électoral ».
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Quels pourraient être les remparts sur sa route vers l’accès à la présidence de la Commission ?
Les socialistes européennes émettent toutefois des réserves sur le spitzendandidaten chargé de les représenter au sein de la Commission. En effet, un large débat a animé la gauche européenne autour de la question de la pertinence du choix de Frans Timmermans pour incarner le socialisme européen à cause de son statut de membre sortant de la Commission de Jean-Claude Juncker, soit un homme de droite. Il apparaît difficile aux yeux des socialistes européens d’assumer le bilan de Juncker, même s’il est parvenu à régler des dossiers chers à la gauche, et ce notamment grâce à son bras droit Frans Timmermans.
Fervent défenseur de l’espace Schengen, le vice-président de la Commission s’est toujours opposé durant son mandat à un retour des frontières face à la problématique migratoire. Cependant, cette contrainte peut également être perçue comme un atout puisqu’elle montrerait sa capacité à agir en coalition avec la droite. Contrairement à la logique parlementaire française, le Parlement européen fonctionne beaucoup sur des équilibres politiques fragiles et sur l’art du compromis.
La seconde barrière à laquelle devra se confronter le représentant du PSE durant sa candidature est intimement liée aux ennemis qu’il a pu se faire lors de son combat au nom du respect de l’État de droit dans l’UE. En effet, sa candidature risque fortement d’être entravée pour les luttes qu’il a menées contre la Hongrie, la Pologne et la Roumanie, qui perçoivent Timmermans comme la « bête noire » de la Commission. Enfin, le dernière obstacle est sous doute incarné par le douloureux pressentiment de défaite animant les socialistes pour les élections. D’après des sondages, les socialistes seraient ainsi dépossédés de 56 sièges au lendemain des élections européennes. Certains affirment même que Frans Timmermans serait en réalité un candidat de second choix après un désistement des autres candidats face aux résultats qui les attendent.
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