Le Grand Format européen fait son grand retour. Ce mois ci il met à l’honneur les différents enjeux qui ont été évoqués lors de la 56ème Conférence de Munich. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur les défis sécuritaires de demain, Eurosorbonne vous propose de discuter de la souveraineté numérique au regard du déploiement de la 5G.
Lors de la Conférence de Munich le Président Macron a déclaré vouloir durcir le ton face aux multiples ingérences russes dans les démocraties occidentales. La Russie est accusée d’avoir influencé les élections française et américaine par le biais des réseaux sociaux. L’Internet et les télécoms s’imposent comme un défi non seulement économique mais aussi éminemment politique. La souveraineté numérique est le nouveau champ de bataille européen.
Un article rédigé par Clara Paris.
L’Europe face aux géants de l’Internet
La souveraineté numérique est un défi majeur pour l’Europe. Apparue dans les années 2000 et définie par le Sénat français comme la « capacité de l’Etat à agir dans le cyberespace », la souveraineté numérique est le pendant politique de la cybersécurité. Les révélations faites par Snowden en 2013 ont montré la puissance des programmes de surveillance américains et plus largement la vulnérabilité des États et des citoyens face à la prépotence de l’Internet. En effet, les réseaux Internet – majoritairement chinois (BATX) et américains (GAFAM) – ont modifié nos pratiques et se sont infiltrés dans nos vies privées mais également dans les administrations publiques. Une pratique qui fait trembler les démocraties occidentales. Il est donc nécessaire de se doter d’une capacité d’action en maîtrisant les outils technologiques du réseau pour éviter que l’Europe soit le « garde-manger » numérique des États-Unis. Certains pays ont fait cavalier seul face à l’absence de cadre européen. C’est le cas de la France, qui en choisissant de taxer les GAFAM au nom de l’équité fiscale, risque de se heurter à des représailles américaines. Face aux géants du Net qui siphonnent nos données, l’Europe doit s’unir pour affirmer sa souveraineté et ne pas devenir une « colonie numérique ».
La 5G : un combat pour la souveraineté numérique et technologique
Le développement de la 5G par Huawei est au coeur des débats sur la souveraineté technologique et numérique. Cette politique de déploiement est parfois considérée comme le « Cheval de Troie » de la Chine en Europe. Une position extrêmement controversée et qui a suscité de nombreux accrochages lors de la Conférence de Munich. Des craintes subsistent sur les conséquences que pourraient avoir la mise à l’écart de Huawei sur le développement de la 5G. En effet, le ministre de l’intérieur allemand, Horst Seehofer, a déclaré qu’écarter Huawei retarderait le déploiement de la 5G de 5 à 10 ans. Les américains ont quant à eux, rappelé qu’ils étaient extrêmement hostiles à ce que l’Union européenne utilise Huawei pour le développement de la 5G car cela constituerait une menace pour l’OTAN. Le premier équipementier télécoms du monde a été banni des États-Unis, obligeant les consommateurs à se diriger vers d’autres fournisseurs.
Le Commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a appelé l’Union européenne à se doter d’alternatives technologiques efficientes afin de ne plus dépendre intégralement des chinois et des américains. Un discours qui a vocation à rassurer les entreprises européennes de télécoms comme Nokia ou Ericsson fortement concurrencées par le géant chinois. Mais Thierry Breton a dit rester ouvert à ce que Huawei développe la 5G en Europe si les règles de l’Union sont respectées. La Chine a évoqué la possibilité de recourir à des représailles économiques si l’équipementier chinois se voyait banni du continent.
C’est un enjeu majeur pour le Vieux Continent qui n’a pas su construire sa souveraineté numérique. Il est nécessaire pour l’Union d’assurer son indépendance technologique pour espérer peser face aux géants des réseaux Internet. Accepter le déploiement de la 5G par Huawei sans condition affaiblirait d’autant plus sa capacité d’action et désavantagerait considérablement les infrastructures télécoms européennes.