Au programme cette semaine : les longues discussions pour décider du futur de la PAC, la BCE à l’écoute des citoyens européens, et une triste nouvelle pour le droit des femmes en Pologne. Un article rédigé par Kristen Anger.
Semaine de négociations sur le futur de la Politique Agricole Commune européenne (PAC)
Après la réunion des 27 ministres de l’Agriculture de l’Union Européenne (UE) à Luxembourg, lundi 17 et mardi 18 octobre, ce sont les parlementaires européens qui se sont retrouvés à Bruxelles pour examiner plus de 2000 amendements relatifs au nouveau fonctionnement de la PAC. Forte d’un budget de 386 milliards d’euros pour la période 2021-2027, la PAC est le plus gros portefeuille de dépenses de l’UE, et les négociations sont pour le moins complexes. Néanmoins, le Conseil des Ministres est parvenu à un accord sur une réforme, qui doit encore être discutée au Parlement. Deux objectifs principaux y sont mis en exergue : le renforcement du «principe de subsidiarité» et le cheminement vers une PAC plus «verte».
La décentralisation des décisions
C’est ce qui se cache derrière le «principe de subsidiarité» : faire en sorte que les budgets attribués à chaque territoire soient utilisés avec plus d’efficience en accordant plus de pouvoir aux Etats. La Commission se verra soumettre des «plans nationaux stratégiques», élaborés par les Etats eux-mêmes et adaptés à leurs besoins spécifiques. Ces plans seront encadrés par des normes et contrôlés strictement pour éviter tout détournement au profit d’intérêts autres que nationaux.
Les ambitions écologiques
C’est le volet le plus attendu – et le plus redouté, pour les Etats de l’Est notamment – de la réforme de la PAC : la transition vers une agriculture durable. A l’instar de la tribune signée dans le journal Le Monde cette semaine par sept maires écologistes français appelant à un changement urgent sur le plan écologique, les attentes étaient grandes et la réforme de la PAC se devait d’établir des mesures conséquentes. Ainsi, outre une conditionnalité du versement des aides européennes au respect de critères écologiques, le principe «d’éco-régimes» à caractère obligatoire s’est fait une place dans les débats. Il consiste en l’établissement d’un panel de critères exigeants, qui permettront aux agriculteurs qui les respectent de bénéficier de financements supplémentaires. Les 27 se sont mis d’accord pour que 20% des aides directes, qui constituent le premier pilier de la PAC, soient destinés à alimenter les «éco-régimes».
D’ici l’entrée en vigueur de la réforme, annoncée pour le 1er janvier 2023, les débats vont se poursuivre et promettent d’être tendus au vue de l’hétérogénéité des priorités des Etats membres, mais également à cause des désaccords entre le Parlement, la Commission et le Conseil.
La BCE innove avec #ECBListens
Pour la première fois de son histoire, la Banque Centrale Européenne (BCE) a organisé le mercredi 21 octobre une «conférence d’écoute» de la société civile. La présidente de la BCE Christine Lagarde et son économiste en chef, Philip Lane ont écouté les interventions de représentants de consommateurs, de syndicats, mais aussi d’ONG. L’événement de deux heures, diffusé sur les réseaux sociaux avec le hashtag #ECBListens, a été l’occasion pour les participants d’insister sur un sujet particulier : la volonté de verdir l’action de la Banque centrale. Une réclamation qui trouve écho dans le rapport publié par Greenpeace ce mardi, en collaboration avec le think tank New Economics Found et trois universités anglaises, qui dénonçait le support financier apporté par la BCE à des entreprises polluantes et fortement émettrices de gaz à effet de serre.
En effet, depuis qu’elle n’est plus cantonnée à la fixation de taux d’intérêts – à savoir depuis 2015 – la BCE participe au rachat de dettes d’Etats, mais aussi d’entreprises. Elle respecte le «principe de neutralité» et ne privilégie donc aucun secteur pour ses rachats, mais par conséquent n’en exclut aucun non plus. Il résulte donc selon l’étude de Greenpeace que 63% des obligations privées rachetées par la BCE proviennent de secteurs utilisant des énergies fossiles ou consommant beaucoup d’énergie. De fait, le rapport dénonce «la reproduction [par la BCE] des défaillances du marché, étant donné que les agences de notations [sur lesquelles se base la BCE pour déterminer ses achats de dette] n’intègrent pas les risques climatiques dans leurs évaluations du risque de crédit».
La Pologne restreint le droit à l’avortement
Le jeudi 22 octobre, la Pologne a durci sa loi sur l’avortement, alors déjà considérée comme l’une des plus restrictives de l’UE. Désormais, il sera illégal pour une femme d’avorter en cas de malformation grave du foetus, ce qui dans le cas de la Pologne revient quasiment à interdire l’avortement étant donné que la grande majorité des IVG sont pratiquées pour cette raison (98% des 1100 IVG recensés en 2019). Cette décision, rendue par le Tribunal constitutionnel, a provoqué un tollé parmi les organisations féministes et les partis d’opposition.
Dans ce pays catholique dirigé par le PiS, parti conservateur et nationaliste, les critiques à l’égard de l’atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux s’accumulent. C’est ce que soulignait la Commission européenne dans le rapport qu’elle a rendu fin septembre sur l’Etat de droit dans l’Union : la Pologne y était pointée du doigt pour la non-indépendance et la faible légitimité de son appareil judiciaire, et notamment celles du Tribunal Constitutionnel.