Articles par Luana Humblot et Marjorie Cioco
Royaume-Uni : trois Premiers ministres en seulement 1 an !
Ce jeudi 20 octobre, la Première ministre, Liz Truss annonce sa démission après seulement 44 jours à Downing Street, lieu de résidence du Premier ministre britannique et du chancelier de l’Échiquier. Sa démission fait suite à la déclaration de son “mini-budget” le 23 septembre dernier pour tenter de relancer la croissance et de réguler l’inflation qui frôle les 10% dans le pays. Parmi les mesures ambitieuses de la Première ministre, on retrouve par exemple un gel des prix du gaz ou une baisse d’impôts massives sur les hauts revenus. Un seul problème : le financement de ces mesures n’est pas clair et s’estime à environ 150 milliards de livres. En conséquence, le service de gestion de la dette britannique augmente son plan d’emprunt. De quoi rendre les marchés financiers frileux en provoquant une dévaluation historique de la livre sterling, ce qui entraîne des perturbations notamment dans le secteur de l’immobilier. Cette situation financière a suscité l’intervention en urgence de la Banque d’Angleterre notamment pour sauver des fonds de pension et le rachat de bons du Trésor sur le long terme (titre d’emprunt émis par l’Etat). Le 3 octobre, Liz Truss revoit une partie de son plan avec son ministre des Finances, mais en vain. Elle démissionne le 20 octobre, soit 28 jours seulement après l’annonce de son plan de croissance.
S’en est ensuivit une course entre Boris Johnson et Rishi Sunak pour reprendre le mandat de l’ex-première ministre, que M. Sunak a remporté ce mardi 25 octobre. Il a pour objectif de réparer les “erreurs” de Liz Truss, jugé selon lui de bonne foi, et de redresser économiquement le pays en plaçant “la stabilité et la confiance économique au cœur du programme de ce gouvernement.” Il se hisse ainsi au statut de Premier ministre le plus jeune, mais aussi à celui de premier chef de gouvernement au Royaume-Uni à être issu d’une ancienne colonie britannique, l’Inde. Ancien banquier et ministre des Finances (Chancelier de l’échiquier sous Johnson), il est reconnu pour avoir sauvé l’économie et les emplois britanniques pendant la Covid à travers un programme de soutien massif aux entreprises. Ce 25 octobre marque à Londres un jour de pleine passation des pouvoirs et de formation du gouvernement entre ministres fraîchement promus et ministres remerciés. Sunak s’est entouré de ministres profondément ancrés à droite, se disant confiants dans leur mission de redresser l’économie du pays après les mandats de Boris Johnson et Liz Truss. En ce sens, un plan d’austérité, alliant baisse des dépenses publiques et hausse des impôts, pourrait être confirmé dès le 31 octobre.
Face à l’arrivée de ce nouveau Premier ministre, la Commission européenne appelle ce dernier à respecter les accords du Brexit, notamment ceux avec l’Irlande du Nord afin d’éviter toutes tensions supplémentaires avec l’UE.
La Hongrie échappera-t-elle au couperet de la Commission européenne ?
Depuis son adhésion en 2004, la Hongrie entretient des relations complexes avec l’UE, notamment sur le respect de l’Etat de droit. Tout État membre de l’Union européenne se doit de respecter les valeurs européennes en vertu de l’article 49 du traité sur l’UE. Par État de droit, l’UE entend un État “dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée”, pour reprendre la définition de Hans Kelsen. Depuis septembre 2018, le Parlement européen a déclenché diverses mesures contre la Hongrie, et notamment la procédure dite de « l’article 7 » (du traité sur l’Union européenne) permettant d’activer un mécanisme de sanctions lors de violation des valeurs européennes. Cela n’a toutefois pas empêché la situation de s’aggraver, puisque ce mercredi 12 septembre, la Commission européenne a rendu son rapport annuel sur le respect de l’Etat de droit, pointant encore une fois du doigt la Hongrie en matière de corruption. L’UE envisage de priver la Hongrie de 7,5 milliards d’euros de fonds européens (soit 65% de la totalité des fonds alloués à la Hongrie) si elle ne réagit pas rapidement. Ces fonds européens correspondent à un budget pluriannuel révisé tous les 7 ans, attribué par la Commission aux États membres de l’UE. Cette dernière accuse ainsi la Hongrie de ne pas lutter contre la corruption au sein du pays en soulignant par exemple un manque de contrôle des conflits d’intérêts et des poursuites judiciaires en cas de soupçons de fraude, mais également un trop faible pluralisme des médias.
En parallèle, la Hongrie souhaite débloquer un plan de relance post-Covid de 5,8 milliards d’euros sous forme de subventions financées par Bruxelles (Commission européenne), que le Parlement européen conseille de ne pas accorder, estimant la Hongrie comme étant une « autocratie électorale » et non plus une démocratie. Face à ce dilemme, Viktor Orban, le Premier ministre de Hongrie, a annoncé lundi 17 octobre la mise en place de mesures anti-corruption et assure qu’il ne sera pas nécessaire d’aller au bout de la procédure.
La Commission réévaluera la situation le 19 novembre, dont l’issue sera décidée par le Conseil, institution représentant les États-membres.
Crise franco-allemande : la fin du duo mythique ?
Le 19 octobre dernier, la France et l’Allemagne annoncent l’annulation et le report à janvier 2023 du Conseil annuel des ministres franco-allemands, initialement prévu en fin de semaine dernière. Cette annonce survient à la veille du Conseil européen, qui s’est tenu à Bruxelles du 20 et 21 octobre 2022. Le report est mal vu alors que la guerre continue en Europe et que les questions de l’énergie et de la défense sont à traiter impérativement au sein de l’Union européenne. Emmanuel Macron et Olaf Scholz montrent publiquement l’existence d’une crise entre les deux pays autour de la question de la montée des prix, de l’énergie et sur la défense européenne. La France accuse l’Allemagne de faire cavalier seul et d’agir pour ses intérêts nationaux. Berlin a annoncé un plan d’aide de 200 milliards d’euros pour les particuliers et les entreprises afin de faire face à la montée des prix sans en avertir la France. De plus, l’accord signé avec l’Allemagne et 14 pays de l’OTAN sur la défense aérienne exclut la France. Ces deux décisions ne semblent pas plaire au gouvernement français, dont l’approche se veut davantage européenne que nationale.
Le sommet européen devait permettre de trouver un consensus sur la question du plafonnement du prix du gaz, mais la France et l’Allemagne n’ont pas su trouver un terrain d’entente. E. Macron souhaite une extension de cette technique tandis que O. Scholz s’inquiète du risque que les producteurs vendent leur gaz à l’extérieur des frontières de l’UE. Ces tensions entre les deux pays mettent en suspens les discussions au sein de l’Union européenne ; le couple franco-allemand étant le couple moteur de l’Union européenne.
La crise franco-allemande semble prendre sa source depuis l’accession au pouvoir l’Olaf Scholz. L’entente est différente de celle avec Angela Merkel : l’équilibre entre intérêts nationaux et européens est plus fragile. Le mercredi 26 octobre, les deux chefs d’Etats se sont entretenus à l’Elysée, afin de trouver un accord sur les prix de l’énergie. Les discussions ont débouché sur une impasse : un accord n’est pas prêt d’être trouvé entre les deux pays. Ces tensions posent la question de la direction de l’Europe dans le futur proche, si le couple franco-allemand n’est plus aussi solide qu’il a pu l’être dans le passé.
Malte : la remise en cause du respect des droits de l’Homme par l’arrivée de migrants
Entre le 22 et le 26 octobre 2022, plus de 230 migrants en direction du continent européen ont été sauvés par le navire humanitaire Ocean Viking. Les zones de sauvetage sont la plupart du temps du ressort de la Libye et de Malte. Seulement, la coordination entre ces deux pays reste difficile à être mise en place. En effet, selon l’ONG SOS Méditerranée, ces derniers ne répondent quasiment pas aux appels de sauvetage. Dans ce cas, les migrants ont dû attendre plusieurs jours à bord du navire de sauvetage avant d’avoir une réponse des pays voisins concernés pour débarquer sur terre.
Plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme se sont associées dernièrement pour critiquer les autorités maltaises qui selon elles, sont loin de faire le nécessaire pour secourir les migrants en mer. Le 22 septembre 2022, 23 personnes venant d’Afrique du Nord ont été envoyées en Egypte plutôt qu’en Europe après avoir passé plusieurs jours dans la zone de sauvetage de Malte. Le pays a mis 4 jours à répondre aux appels de détresse et selon Médecins sans frontières, cela est déjà arrivé plusieurs fois dans le passé. D’après la Convention SAR (Search and Rescue), les Etats membres de l’Union européenne doivent pouvoir disposer d’un lieu approprié pour le débarquement des personnes en détresse en mer le plus rapidement possible. Le cas de Malte montre clairement que certains pays ne respectent pas cette convention.
Les Etats de l’Union européenne n’ont toujours pas trouvé d’accord sur la question des sauvetages de migrants en mer, laissant les ONG s’occuper de tous les appels de détresse. Les faits récents à propos des conditions d’attente des migrants et des difficultés de débarquement posent la question de la mise en pratique des valeurs de l’Union européenne par ses membres. L’organisation intergouvernementale a pour but de défendre la liberté, les droits de l’Homme, y compris ceux des minorités, sur son territoire. Or ici, un pays membre de l’UE, Malte, est accusé de non-respect des droits de l’Homme par rapport à son traitement des migrants en mer. La route en Méditerranée centrale pour atteindre l’Europe est la plus meurtrière au monde. En 2021, plus de 3000 personnes ont trouvé la mort en empruntant ce trajet, deux fois plus qu’en 2020. Les pays doivent donc coopérer avec les organisations de recherche voisines et les ONG pour prêter assistance aux bateaux migrants en mer, et leur permettre d’accoster.