Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (du 1er au 7 avril 2024)

Articles par Laetitia Rambour Mertens et Eva Mic

En Belgique, le vote aux élections européennes devient obligatoire (mais non sanctionné) dès l’âge de 16 ans 

 

Alors que 2024 est une année de “super scrutin” en Belgique (élections régionales, fédérales, européennes en juin, puis communales et provinciales en octobre), le gouvernement d’Alexander de Croo présente cette initiative comme une expérience “à évaluer

En effet, les jeunes de 16 et 17 ans voteront aux prochaines élections européennes, et uniquement à ces élections. Cette décision, déjà prise par certains États de l’Union européenne (l’Allemagne, l’Autriche et Malte) est le fruit d’un long processus. Ainsi, le gouvernement a d’abord proposé de donner à ces jeunes la possibilité de voter en 2022. Si cela a été accepté par le Parlement l’année suivante, la Cour constitutionnelle l’a refusé le 21 mars dernier. Son motif : elle allait à l’encontre du vote obligatoire pour tous en Belgique (article 62 de la loi fondamentale). En effet, le code électoral prévoit une amende de 40 à 80 euros si un citoyen ne se rend pas aux urnes sans justification, amende qui peut être relevée jusqu’à 200 euros en cas de récidive

Cependant, le ministre de la Justice a contourné le refus par une acrobatie politique originale, en annonçant que le vote serait bien obligatoire… mais qu’aucune sanction ne saurait être appliquée. 

L’objectif de cette mesure est avant tout de sensibiliser les jeunes à l’engagement politique institutionnel dont ils ont tendance à se détourner, en particulier lors des élections européennes. Voter devrait en effet attiser leur intérêt et leur compréhension du monde politique dans sa globalité, mais aussi plus spécifiquement leur sentiment d’appartenance à l’Union européenne. 

Cependant, des critiques demeurent : les enfants qui se déplaceront seront probablement ceux qui sont déjà les plus sensibilisés par leurs familles et par leurs pairs, et ils voteront probablement de manière similaire à leurs parents. Les catégories sociales supérieures pourraient ainsi être survalorisées. 

Cependant, ce risque est à nuancer. En effet, les 280.000 jeunes concernés représentent en fait moins de 3% de l’électorat total, selon le CEVIPOL, Centre d’étude de la vie politique de l’Université libre de Bruxelles. Et il n’est pas certain que tous se déplacent, d’autant plus que les élections ont lieu pendant une période d’examen. 

Ainsi, selon Robin Lebrun, collaborateur scientifique au CEVIPOL, “Il y a peu de chances que ces nouveaux votants fassent basculer les résultats entre listes“. Ils pourraient toutefois permettre l’élection d’un candidat plutôt qu’un autre, sur une même liste.

Les impacts seront surtout sociétaux : la France prendra-t-elle une mesure similaire ?

Légalisation du cannabis en Allemagne : décodage 

Le premier avril, l’Allemagne a officialisé la dépénalisation de la possession, du commerce et de la culture du cannabis. Cette mesure figurait déjà dans le programme de la coalition en feu tricolore (le parti social-démocrate, le parti libéral-démocrate et les verts), au pouvoir depuis 2021. 

Cependant, la dépénalisation est soumise à plusieurs conditions

D’abord concernant la possession de cannabis, qui ne peut excéder 25 grammes dans l’espace public, et 50 grammes et/ou trois “plantes à fleurs femelles” chez soi.

Ensuite, la fumette n’est pas autorisée partout, ni tout le temps. Ainsi, il est interdit de fumer sur les zones piétonnes entre 7h et 20h. La législation prévoit aussi la protection des enfants face à la consommation de cannabis. En effet, il est interdit également d’en fumer à moins de 200 mètres des écoles, crèches, terrains de jeux, des installations sportives. 

Enfin, les ventes seront assurées uniquement par des Cannabis-clubs à but non lucratif, qui cultivent le cannabis et promeuvent une consommation responsable. Elles devront être plafonnées à maximum 25 grammes par jour et 50 grammes par mois, ou 30 grammes pour les moins de 21 ans.

Par la légalisation, le gouvernement vise plusieurs objectifs

  • la lutte contre la criminalité organisée. Ainsi, le ministre de la Santé fédéral Karl Lauterbach espère stopper les deux tiers du marché noir de cannabis. 
  • l’information, la prévention, etles offres de traitement autour des dangers liés à la consommation de cannabis et à l’addiction. En effet, la vente légale de cannabis devrait entraîner 4,7 milliards de recettes fiscales supplémentaires, qui seront investies à ces fins.  
  • une consommation plus qualitative. En fixant des normes de vente légales, les mélanges avec des produits toxiques seront évités.

Ces derniers enjeux sont particulièrement importants, alors que  42,5% des 18-25 ans disaient avoir déjà consommé du cannabis au moins une fois en 2018, dont 23% dans les 12 mois précédant l’étude

Cependant, la légalisation du cannabis suscite également de nombreuses critiques, notamment de la part du parti chrétien-démocrate (CDU). 

En premier lieu ressort l’appréhension d’une banalisation du cannabis, qui peut entraîner des effets néfastes sur la santé et l’addition. Cependant, des expériences similaires, comme la légalisation de multiples drogues au Portugal en 2001, ne démontrent pas une augmentation drastique des risques. Au contraire, le Portugal jouit d’une moyenne de consommation au-dessous de la moyenne européenne, selon les statistiques disponibles. 

Les syndicats policiers se prononcent également contre la délégalisation. Ainsi Sebastian Fiedler, porte-parole du groupe SPD (les sociaux-démocrates) au Bundestag pour les questions de politique criminelle, affirme qu’il  “ne [peut] pas approuver une loi qui conduit à une dépénalisation des dealers et à un surcroît de travail inutile pour la police“. 

Toutefois, la législation est passée, et le ministre de la Santé Karl Lauterbach réaffirme son vœu de promouvoir plus largement une politique “pro-cannabis progressive” en Europe.

La Bulgarie et la Roumanie font leur entrée dans l’espace Schengen 


Le 31 mars dernier, les deux pays membres de l’Union européenne depuis 2007, entrent partiellement dans l’espace Schengen. 

Kesako ?

  • L’espace Schengen est un espace de libre circulation européenne, créé en 1985.  Il est mis en place en 1995 entre 5 pays membres de la Communauté économique européenne (Allemagne, Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas).
  • L’objectif : abolir les frontières nationales pour les voyageurs entre pays membres L’accord prévoit aussi une plus grande surveillance des frontières extérieures et une coopération policière et judiciaire
  • Ils sont maintenant 25 des 27 pays membres de l’Union européenne parmi les 29 signataires de cet accord (avec le Liechtenstein, la Suisse, la Norvège et l’Islande).

Cependant, c’est un accord limité et partiel. En raison d’un veto de l’Autriche, l’accord s’applique seulement aux frontières maritimes et aux aéroports. Par peur d’un afflux de demandeurs d’asile, Vienne a refusé de l’étendre aux frontières terrestres.

Il provoque plusieurs réactions :

  • Cette entrée est considérée comme un grand succès par la Commission. Ursula von der Leyen s’en revendique, félicitant « le plus grand espace de libre circulation au monde ». 
  • Les ministres roumains et bulgares fêtent un progrès dans l’intégration qui facilitera les échanges et les voyageurs. La ministre roumaine de la Justice, Alina Gorghiu, est elle persuadée que cela va attirer des investisseurs et favoriser la hausse du tourisme. 

Plus que cela, la mise en place de cet accord est révélateur d’enjeux plus larges :

  • C’est un enjeu national, une affaire de dignité selon Stefan Popescu, expert en relations internationales à Bucarest, « Tout Roumain, quand il empruntait une ligne séparée des autres ressortissants européens, se sentait traité différemment » déclare-t-il à l’AFP. 
  • Surtout, c’est un accord irréversible pour Sofia et Bucarest qui comptent bien y ajouter la libre circulation par les frontières terrestres. Pour cela, les pays « montrent patte blanche » à Vienne en montrant un contrôle sur la situation. 
  • Surtout que cette intégration exclut les transporteurs routiers qui ne décolorèrent pas « Seulement 3 % des marchandises bulgares sont acheminées par air et mer, les 97 % restants circulant par voie terrestre », affirme Vassil Velev, président de l’organisation BICA (Bulgarian Industrial Capital Association), interrogé par l’AFP.

La cartographie des gangs d’Europe selon Europol 

Catherine De Bolle directrice exécutive d’Europol le 5 avril 2024 à Bruxelles. (AP Photo/Virginia Mayo)

Europol,  la « police de l’Europe », a publié le 5 avril dernier un rapport qui identifie les opérations menées sur les criminels les plus dangereux d’Europe. Plus de 25 000 individus, criminels « à haut risque » dans 821 gangs dans l’espace européen 

Les chiffres à retenir :

  • 1 gang sur 2 impliqué dans le narcotrafic qui « apparaît comme une activité clé »
  • 36% se concentrent exclusivement sur le trafic de drogue 
  • 15% ont recours à l’escroquerie 
  • 6% dans le trafic illicite de migrants
  • 4% dans le trafic d’êtres humains

Parmi les domaines d’activité on note aussi ,entre autres, le trafic d’armes à feux, la cybercriminalité ou les crimes environnementaux. 

Le rapport note « une agilité remarquable » pour adapter les activités au travail des forces de l’ordre. Surtout, 86% utilisent des structures légales pour blanchir les activités et l’argent, notamment par le biais des secteurs les plus vulnérables comme la construction, l’immobilier, les commerces ou encore l’hôtellerie. Ils feraient même appel à des experts « qui ignorent parfois l’origine criminelle des avoirs » selon Europol. 

Géographiquement, les chefs sont souvent situés dans le pays où les gangs opèrent. Mais les opérations criminelles ne se font pas seulement sur le sol européen et ne sont pas exclusivement dirigées en Europe. Dans 6% des cas, ils se trouvent hors UE notamment aux Émirats arabes unis, en Turquie, au Maroc ou en Amérique du Sud. Dubaï par exemple « est devenu un centre de coordination à distance ». Des lieux comme le port d’Anvers sont principalement contrôlés à distance. 

Ce rapport a plusieurs objectifs :

  • Le premier est de montrer l’efficacité de la coopération européenne sur le sujet. « Nous ne nous contentons pas de partager ces conclusions, nous ouvrons une nouvelle ère dans notre lutte contre le crime organisé, marquée par l’innovation, la collaboration et un engagement ferme pour assurer la sécurité de l’UE et de ses citoyens », a déclaré la ministre belge de l’Intérieur, Annelies Verlinden.
  • Le second est d’adresser un message aux criminels « Vous ne pouvez plus vous cacher » – déclare la cheffe d’Europol, Catherine de Bolle.

Finalement, ce rapport a pour objectif d’unir les 27 dans une coopération étroite pour lutter contre la criminalité en Europe. Notamment face à la transformation des crimes – on peut penser à la cybercriminalité – ou à celle des drogues. En effet, la « drogue zombie » effraie surtout dans la mesure où les répressions engagées ne parviennent plus à intimider les gangs. De même, c’est l’occasion de rappeler le besoin de coopération dans le domaine de la justice pour contrer la corruption dans ces affaires. « Nous sommes confrontés à une dure réalité : la menace omniprésente que représentent ces réseaux criminels organisés, capables de cibler les juges et les procureurs », a reconnu le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, appelant les États membres à mieux contrer ces intimidations et actes de corruption. 

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