Articles par Garance Turpin et Helena Sarkis
Scandale du Qatargate : l’Union européenne dans la tourmente
Depuis le 9 décembre, l’Europe est bouleversée. Le Parlement européen a été secoué par un retentissant scandale de corruption impliquant quatre personnes, dont l’une des 14 vice-présidentes du Parlement, la grecque Eva Kaili, membre de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D). Parmi les autres suspects se trouve son compagnon, l’italien Francesco Giorgi, ex-assistant parlementaire du groupe S&D, l’ancien eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri ainsi que le dirigeant syndical italien Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI).
Ce dimanche 11 décembre, les accusés ont donc été incarcérés pour “appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d’argent et corruption”. Les enquêteurs belges les soupçonnent plus précisément d’avoir accepté des “versements de sommes d’argent conséquentes” ou de “cadeaux importants”, de la part du Qatar afin de défendre les intérêts de l’émirat et ainsi “influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen”. Cette affaire fait notamment son apparition en plein milieu du Mondial de football qui se tient à Doha, capitale qatarie.
Certains éléments confirment cette opération de communication, comme la prise de parole de l’élue grecque à la tribune du Parlement européen faisant l’éloge du Qatar, dans une vidéo publiée le 22 novembre dernier par l’Avgi, un quotidien grec proche de la gauche. « Aujourd’hui, la Coupe du monde au Qatar est une preuve concrète de la façon dont la diplomatie sportive peut réussir la transformation d’un pays (…). Le Qatar est un précurseur en matière de droits du travail. » avait-elle déclaré devant les eurodéputés, avant d’accuser certains de ses collègues de « discriminer » le pays. Cependant, ses clameurs n’ont pas convaincu beaucoup d’eurodéputés, notamment au regard du constat du nombre de travailleurs morts sur les chantiers de la Coupe du Monde de football 2022.
Ainsi, pour ne pas ternir davantage son image, le Parlement européen a voté ce mardi 13 décembre, en session plénière, la destitution d’Eva Kaili de son statut de vice-présidente, à 625 voix pour sur 628.
Après plusieurs perquisitions dans des bureaux de Bruxelles, siège du Parlement européen, la police belge a retrouvé “environ 600.000 euros en liquide”, ainsi que “du matériel informatique et des téléphones portables”. Des “sacs de billets” ont notamment été trouvés dans l’appartement d’Eva Kaili. Mais l’élue grecque assure qu’elle “ne connaissait pas l’existence de l’argent” retrouvé à son domicile, a assuré son avocat Michalis Dimitrakopoulos, mardi 13 décembre.
Le Qatar quant à lui a fermement démenti les accusations. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, le ministère des Affaires étrangères qatari a assuré que les liens présumés de l’émirat avec cette affaire “sont sans fondement et totalement faux”.
Si le Qatargate n’en est qu’à ses débuts, il commence déjà à avoir un retentissement international. L’Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d’argent a annoncé avoir geler tous les avoirs d’Eva Kaili. Une mesure qui concerne “les comptes bancaires, les coffres, les sociétés et tout autre actif financier”. La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a également promis la mise en place de nouvelles règles éthiques au sein de l’Union européenne ainsi que des réformes “d’ampleur” pour 2023.
Climat : L’Union européenne instaure une « taxe carbone » à ses frontières
Bruxelles a pris sa décision mardi 13 décembre : désormais, importer en Europe des matériaux d’industries polluantes coûtera plus cher. Le Parlement européen, la Commission européenne et les Etats membres de l’UE, réunis en trilogue, se sont accordés cette semaine sur les grandes lignes du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), un dispositif unique au monde qui devrait rapporter 14 milliards d’euros par an à la communauté européenne. « L’UE est la première zone commerciale au monde à mettre un prix carbone sur ses importations. On en parle depuis plus de vingt ans. C’est un accord historique pour le climat », s’est réjoui Pascal Canfin, eurodéputé Renew et président de la commission environnement du Parlement européen.
Cette nouvelle mesure vise à taxer, dans les secteurs les plus polluants comme ceux du fer, de l’acier, du ciment ou encore des engrais, les importations de marchandises depuis des pays tiers aux normes moins strictes dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. En pratique, une entreprise qui importe de l’acier en dehors de l’Union européenne paiera désormais le prix de cette matière ainsi que les émissions de gaz à effet de serre et l’électricité nécessaires pour la produire.
L’objectif est ainsi de tourner les entreprises européennes vers des importations internes à l’Union et plus respectueuses de l’environnement. Car avec l’envolée du prix de la tonne de CO2, l’UE souhaite éviter un « dumping écologique » qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d’Europe ; le but étant par la même occasion d’encourager le reste du monde à adopter les standards européens.
Une période test commencera dès octobre 2023, durant laquelle les entreprises importatrices devront simplement rapporter leurs obligations. Mais cet outil phare dans la lutte contre le réchauffement climatique ne devrait pas voir officiellement le jour avant 2026 ou 2027. Par ailleurs, des désaccords subsistent, notamment sur les quotas gratuits. Ces droits à polluer devraient donc encore durer plusieurs années. Et en attendant, les associations de préservation de l’environnement demandent des garanties.
Inclusion progressive des Balkans dans l’Union-Européenne
La péninsule des Balkans, région la plus orientale de l’Europe méridionale, fait l’objet de débats au sein de la commission européenne. L’acquisition de l’Ukraine au statut de candidat à l’Union-Européenne en conséquence directe du conflit avec la Russie soulève les problématiques d’inclusion de la région au sein de l’Union. Le 06 décembre s’est tenu le sommet de l’Union-Européenne avec les pays Balkans à Tirana, capitale de l’Albanie, durant laquelle les Etats membres ont souligné “l’importance du partenariat stratégique entre l’UE et les Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie)”.
L’une des thématiques abordées durant le sommet ont été celles du soutien énergétique. En effet, les vingt-sept se sont engagés à aider les Balkans dans le domaine énergétique, notamment via le soutien spécifique aux familles vulnérables et aux petites et moyennes entreprises (PME). Ces aides soulignent la réaffirmation de la décision d’ouvrir les achats communs de gaz, gaz naturel liquéfié et d’hydrogène entre les régions. En contrepartie, il est demandé aux pays de la péninsule un “alignement complet” sur la politique de sécurité commune et la politique étrangère de l’Union.
Plus que de simplement se contenter de mettre en place des politiques stratégiques d’acquisition et de répartition énergétique, les décisions prises durant le sommet de Tirana prennent place dans la volonté de faire participer les Balkans à la vie politique régionale. Les vingt-sept ont accordé le jeudi 15 décembre le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine.
La guerre en Ukraine, génératrice d’instabilité dans la région, précipite les politiques d’inclusions de la part de l’Union-Européenne vers des pays qui jusqu’alors ne pouvaient pas être acceptés comme candidats. La guerre est désormais vue comme une nouvelle composante de la politique d’élargissement, perçue comme “un investissement à long terme dans la paix, la prospérité et la stabilité pour notre continent” selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
Afin de poursuivre l’inclusion de la Bosnie-Herzégovine dans le dialogue européen, cette dernière devra faire des efforts de consolidation de son pouvoir politique. Le système politique hérité de l’accord de Dayne, mettant terme à la guerre intercommunautaire de 1992 – 1995, semble connaître ses limites face aux menaces séparatistes. La division du pays en deux entités, entre pro-russes du parti de Republika Srpska et la fédérations croato-musulmane, paralyse l’Etat de Bosnie-Herzégovine. La nécessité de renforcer l’Etat de droit devra être accompagnée d’une lutte contre la corruption, la criminalité organisée ainsi qu’une redéfinition des enjeux migratoires et de leur gestion par le gouvernement.
La volonté d’inclure les Balkans dans l’Union-Européenne ne se limite pas à la Bosnie-Herzégovine mais entre plutôt dans une réelle politique d’ouverture envers le région. Le Kosovo a récemment déposé une candidature officielle. Avant de pouvoir être validée, l’Union-Européenne devra débattre de sa reconnaissance en tant qu’Etat; le Kosovo n’étant pas reconnu comme tel par l’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre.
L’Europe se lance dans la taxation des multinationales
“C’est l’aboutissement de longs travaux en vue d’une régulation fiscale mondiale” déclarait Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d’administration fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dès juin 2021. Ces propos faisaient suite aux discussions quant à la lutte contre l’évasion fiscale ainsi que les paradis fiscaux en octobre de l’année passée. Lors de ces débats, l’idée d’une taxation des multinationales à minima à hauteur de 15% avait été émise. En 2021, ces entreprises étaient considérées comme “sous-taxées”, voire, dans le cas des paradis fiscaux, entièrement exonérées d’impôts.
Les discussions au sein de l’assemblée européenne n’ont cessé depuis ce jour-là. Cependant, aucun commun accord n’avait été trouvé jusqu’à cette semaine. La Pologne et la Hongrie exerçaient un blocage quant à la mise en place de politique de taxation. Le blocage avait été instauré par les représentants des pays afin d’obtenir au plus vite un plan de relance économique, compté en milliards d’euros de subventions.
Les plans de relance enfin validés par la commission européenne ont alors dégelé la situation, permettant “une avancée majeure pour la justice fiscale”, selon Emmanuel Macron. La loi de taxation des multinationales entrera en vigueur dès le 31 décembre 2023. Elle fait suite aux accords pour plus de justice fiscale approuvée par 137 pays sous l’égide de l’OCDE au cours de l’année 2021.
La mise en œuvre d’une telle loi a aussi pour but de débloquer une aide macrofinancière de près de 18 milliards d’euros en Ukraine, zone de conflit en difficulté économique, pour l’année 2023. Le commissaire de l’Union Européenne, Paolo Gentiloni, s’est réjoui de la levée des blocages Polonais et Hongrois dans un communiqué: “Ce fut un long voyage, avec des obstacles à chaque étape. Aujourd’hui, l’unité a prévalu et tous les États membres et tous les citoyens de l’UE en bénéficieront”.
L’Europe se réjouit alors d’une telle prise de décision pour le plan de lutte contre les paradis fiscaux au sein de l’Union. Les entreprises impactées seront celles possédant un chiffre d’affaires annuel de plus de 750 millions d’euros. Une telle politique devrait permettre la récupération de près de 150 milliards d’euros de recettes fiscales perdues chaque année.