Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (du 30 janvier au 5 février)

Articles par Luana Humblot et Marjorie Cioco

 

L’arctique : carrefour de convoitises

Dans un monde toujours plus globalisé, le réchauffement climatique est à son paroxysme. Les conférences sur la préservation de la biodiversité et du climat se multiplient à mesure que les rapports du GIEC ressortent toujours plus alarmants. Cependant, malgré le consensus scientifique sur la responsabilité de l’Homme dans le réchauffement planétaire certains se réjouissent de ce dernier. C’est notamment le cas de l’Arctique. Le dégel de l’Arctique directement causé par le réchauffement climatique, vient révéler des sous sols regorgeants de ressources naturelles tout aussi plus prisées les unes que les autres. Ce fort potentiel économique attire bien évidemment la convoitise de nombreux pays riverains qui n’attendent qu’à exploiter ces sols. 

Cette plaque tournante est donc devenue un lieu de tensions que l’Union européenne tente d’encadrer à travers sa politique de l’arctique (2021). Bien que l’État de l’Arctique reste souverain dans les règlements des conflits, l’UE vient soutenir sa politique lorsque ces différends dépassent les frontières en prônant une stabilité et une forte coopération entre les pays de l’Arctique et de ses régions. L’organisation Arctic Frontiers joue un rôle similaire en fournissant une zone de discussions et de prise de décisions. Elle organise des conférences pour développer la coopération entre les pays de l’Arctique à travers des échanges entre la science, des membres de gouvernements et les industries autour des questions de développement et d’adaptation dans l’Arctique. 

Du 30 janvier au 2 février a eu lieu la neuvième conférence de l’organisation à Tromso, en Norvège. Les huit Etats (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède, Russie et Etats-Unis) ayant des territoires au delà du cercle polaire s’y sont donc rendu afin d’apporter des solutions aux crises humanitaires, économiques et sociales à travers sept thèmes scientifiques comme la pollution plastique dans l’arctique ou la gestion des ses écosystèmes. Bien que la Chine n’ait pas été conviée à la Conférence et ne dispose pas de territoires dans l’Arctique, elle a déjà exprimé son intérêt d’exporter son influence militaire dans ce territoire, profitant de l’affaiblissement de la Russie par la guerre en Ukraine. Ces motivations sont justifiées par un fort potentiel économique de la région mais également une position stratégique militaire pour la Chine. Cette volonté d’étendre son influence inquiète les pays de l’Arctique qui y voit une menace pour la stabilité de la région et de sa sécurité. Ne voulant pas laisser l’arctique à l’occident et à la Russie, la chine pourrait très prochainement profiter de la faiblesse de la Russie pour pénétrer plus facilement dans sa région dans l’Arctique nous rapporte Politiken, un journal Danois. Certains parlent même d’un éventuel renforcement militaire dans la coopération entre les deux pays.

  

Quelle relation entre l’UE et la Suisse ?

Le  28 janvier dernier, la “Süddeutsche Zeitung”, un journal allemand de tendance libérale et défenseur des valeurs démocratiques, a publié un article autour des relations complexes entre l’Union Européenne et la Suisse. Ce duo très fusionnel depuis une trentaine d’années bat de l’aile ces derniers temps. 

L’Union Européenne fêtera ses 30 ans le 1er novembre 2023, date à laquelle 30 ans plus tôt le fameux traité de Maastricht (TUE) est entré en vigueur mettant en place l’union telle que nous la connaissons aujourd’hui. Bien qu’elle fasse désormais partie du paysage politique international, l’UE a d’abord été le travail d’un long processus de discussions et de négociations entre les pays européens. Par cette volonté d’intégration européenne, de nombreux accords ont été signés comme celui du marché unique ou de la zone de libre échange mettant en place l’espace économique européen. Cet espace a par la suite fait ses preuves en devenant toujours plus attrayant économiquement jusqu’à regrouper à ce jour 27 pays européens, soit 21 de plus qu’à sa création.

Cependant, la Suisse fait exception. En effet, bien qu’elle soit géographiquement au cœur de l’UE, elle a refusé en 1992, malgré une très faible majorité au référendum (50,3%), d’intégrer cet espace économique européen, nous indique Courrier international. Elle est néanmoins parvenue à mettre en place plus de 120 accords bilatéraux avec ses pays voisins nouant ainsi de fort liens économiques et politiques avec l’UE. Elles partagent des valeurs et des objectifs communs ce qui permet à cette coopération de bien fonctionner. Par exemple, “la suisse prend part à différentes missions européennes en matière de gestion civile des crises” et est également associée à différentes politiques européennes comme l’espace schengen ou le règlement de dublin relatif aux demandes d’asile. Cette coopération est d’autant plus développée dans de nombreux secteurs comme les banques, l’agriculture, les transports, l’énergie… Un accord cadre-institutionnel fut même négocié entre 2014 et 2021 afin de consolider l’intégration de la confédération helvétique au marché unique de l’UE avant d’être unilatéralement rompu par la Suisse en 2021. 

Cette rupture a mis à mal les relations suisso-européennes puisqu’aucun accord entre les deux entités n’a été renouvelé depuis. En effet, l’UE ne veut plus d’une “Europe à la carte” avec les pays tiers comme il a pu le faire avec le Royaume-Uni avant le brexit. Elle refuse de conclure de nouveaux accords avec la confédération helvétique tant que les questions institutionnelles ne seront pas réglées. A l’inverse, la Suisse veut poursuivre sa coopération tout en gardant une certaine flexibilité pour conserver sa souveraineté. Pour Laryssa Rhin, une correspondante parlementaire de SRF, ce refus d’intégrer l’UE tout en conservant des accords privilégiés avec celle-ci s’explique par la volonté de la Suisse à maintenir des salaires plus élevés que dans l’UE en gardant ses mesures de protection actuelles. Cependant, l’UE ne peut laisser un tel avantage à un pays tiers au risque de voir ses pays membres désirer la même chose, à savoir, cloisonner son marché du travail et rendre son système social hermétique à l’immigration, ce qui serait contraire aux valeurs de l’UE. 

Malgré des relations glaciales actuelles, la coopération entre l’UE et la Suisse n’est pas prête de s’arrêter. Plusieurs pistes sont envisagées. On parle d’un nouveau “Swiss Deal” ou d’un second vote relatif à l’adhésion de la suisse à l’UE. 

 

La politique migratoire du Danemark

Le Danemark est considéré comme l’un des pays avec la politique migratoire la plus stricte en Europe. Le gouvernement ne souhaite pas être menacé par une culture hors occidentale pour préserver sa culture danoise. L’immigration est un sujet important depuis les années 1980 dans le pays. Elle est choisie par le gouvernement en place car les entreprises danoises ont un fort besoin de main d’œuvre dans cette période. Cependant en 2015 arrive une grande crise migratoire en Europe, poussant à renforcer la politique migratoire. Le Parti du Peuple danois, parti des libéraux, est alors au pouvoir dans le pays, et fait le choix d’une politique stricte, qualifiant même le pays de « forteresse ». A cette période, le ministre souhaite reculer le nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile, en n’hésitant pas à afficher une mauvaise image médiatique du Danemark pour dissuader les réfugiés de venir.

Aujourd’hui, les sociaux-démocrates sont au pouvoir depuis 2022 dans le pays, adoptant aussi une politique anti-immigration. La Première ministre Mette Frederiksen s’est exprimée le 17 janvier 2023 devant le Parlement : « Contrôler le nombre de personnes qui arrivent au Danemark est crucial à la fois pour la cohésion de la société danoise et pour la réussite de l’intégration des immigrés ». Par ce contrôle, elle entend réduire le nombre de demandeurs d’asile et garder une politique stricte. 

Cependant, il y a du nouveau depuis fin janvier 2023. Le 30 janvier, le Danemark a décidé d’accorder l’asile aux femmes afghanes, ce qui est déjà un pas vers une politique migratoire moins stricte. La raison est le fait qu’elles ont de moins en moins de droits dans leur pays, et leur mode de vie est restreint. Elles vivent une véritable persécution. En effet, depuis l’arrivée au pouvoir des talibans, les femmes vivent un recul de leur droit intense. Elles ne peuvent pas aller à l’université, ni travailler, n’ont pas le droit de voyager sans une personne de leur famille de sexe masculin. La commission d’appel des réfugiés danoise doit donc réexaminer tous les cas d’Afghans, en comptant aussi les hommes.

Même si la politique migratoire du Danemark reste stricte au niveau du nombre de réfugiés accueillis, la décision concernant les femmes afghanes est vue comme une ouverture de la gestion migratoire du pays.

 

Les négociations du Royaume-Uni et de l’Union européenne autour du contrôle douanier

Le Royaume-Uni et l’Union européenne discutent depuis plusieurs semaines à propos du protocole nord-irlandais, source de débat depuis le Brexit. Ce protocole porte sur les contrôles douaniers entre l’Irlande du Nord et le Royaume-Uni. Il maintient le fait que l’Irlande du Nord fait encore partie du marché européen malgré le Brexit. Cependant, il n’a jamais réellement été appliqué, ce qui crée du débat et des tensions avec l’UE. Le protocole explique que l’accord de paix de 1998 entre l’Irlande du Nord (membre du Royaume-Uni) et la République d’Irlande (membre de l’UE) doit être préservé tout en gardant l’Irlande du Nord dans le marché unique. L’accord de paix, aussi appelé accord du Vendredi Saint ou accord de Belfast, marque la fin d’une longue période de tensions entre les deux Irlande et à une coopération politique. Les unionistes nord-irlandais ne souhaitent pas garder leur place dans le marché européen par crainte de perdre leur place dans le Royaume-Uni. Le protocole n’a donc pas réellement été mis en œuvre car le contrôle était moins strict sur certains produits comme les médicaments. 

James Cleverly, haut diplomate britannique, a déclaré que les discussions avec l’Union européenne permettaient “d’assurer qu’une partie de mon pays soit à même de jouer un rôle significatif pour mon pays. L’Irlande du Nord fait partie du Royaume-Uni”. Il exprime clairement que les négociations doivent aussi aller dans le sens de l’Irlande du Nord.

Depuis le Brexit, la question du retour de la frontière et donc du contrôle des douanes entre le Royaume-Uni et la république d’Irlande est sans cesse posée. Ce lieu est source de tensions après la guerre qui a opposé les deux Irlande pendant des décennies. En sortant de l’Union européenne, le Royaume-Uni a en quelque sorte permis la réouverture de cette frontière, amenant donc à de longues négociations autour des douanes. Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, s’est exprimée à ce sujet le 1er février 2023 en admettant que les discussions étaient « très constructives ». Cela signifie peut-être que l’UE et le Royaume-Uni sont en route pour trouver un accord sur les contrôles douaniers, en préservant l’intégrité du marché européen et la place de l’Irlande du Nord dans le Royaume-Uni.

 

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