Article de Laura De Almeida.
Le numérique au service du monde rural
L’Union européenne à travers sa direction générale CONNECT (réseaux de communication, du contenu et des technologies), en lien avec la direction AGRI (agriculture), mène différents projets pour la revitalisation rurale, à travers le déploiement du haut débit et des solutions intelligentes.
Pourquoi se lancer maintenant ?
Dans un contexte de changement climatique, d’évolution de la démocratie, de récession économique, de migrations ou encore de crise énergétique, pour ne citer que les défis les plus imminents et critiques, l’Europe doit également envisager ces points dans un contexte rural. Celui-ci doit améliorer l’engagement communautaire, la modernisation de la connectivité physique et numérique. Ce sont des conditions essentielles pour construire par la suite des initiatives visant à améliorer l’éducation, les services sociaux et publics, le développement professionnel, la mobilité, les soins de santé et tant d’autres domaines dans lesquels les populations rurales sont délaissées.
Ces initiatives, en plus d’avoir pour rôle de transformer les communautés rurales, leur redonner leur vitalité et une résilience sur le long terme, auront par la même occasion un impact au-delà de leur village, dans leur pays mais également pour l’Europe.
Le concept de Smart Villages
Cette approche de l’Union européenne souhaite se tourner vers un développement qui conjugue différents types d’interventions : sociales, économiques et environnementales, et d’en tirer les solutions les plus novatrices.
Lors de la conférence de la Smart Rural 21, qui a eu lieu les 17 et 18 octobre à Sopot-Gdansk, en Pologne, Janusz Wojciechowski, commissaire européen en charge de l’Agriculture, s’est exprimé sur cette situation : « Nos collectivités rurales font face à de nombreux problèmes urgents au XXIe siècle, qu’il s’agisse des transports, de l’exclusion et de la réduction des services, du changement climatique, du dépeuplement ou de l’émigration des jeunes. Ces problèmes nécessitent des solutions intelligentes dans des domaines tels que l’éducation, l’inclusion sociale, les énergies renouvelables et le haut débit, le développement des transports et des infrastructures, ainsi que l’agriculture durable et l’action climatique ».
De nombreux travaux et compte-rendus écrits sont disponibles sur le site créé pour l’occasion, avec par exemple deux thématiques au cœur de l’actualité : “Comment garder les jeunes occupés, engagés et intéressés ?” et “Comment surmonter la crise énergétique de manière intelligente au niveau local ? – Énergies renouvelables et communautés énergétiques locales”.
Les différents projets de Smart Villages
Le Smart Rural 21, soutient le développement et la mise en œuvre d’approches et de stratégies Smart Village dans 17 communautés rurales européennes dont la phase initiale s’est terminée l’année dernière. De nombreuses initiatives ont vu le jour et ont marqué un réel tournant, comme l’agriculture régénérative, l’amélioration des services de base grâce à la numérisation, le tourisme intelligent, ou encore l’engagement des jeunes. Les communautés du projet ont mis au point des solutions qui ont des conséquences bénéfiques sur ces populations, avec entre autres, l’amélioration du niveau de vie des habitants et l’attraction de visiteurs et entreprises dans leur région.
Cette première phase permet de poser les bases pour la seconde partie du projet : Smart Rural 27 et Smart Eco-social Villages. Ces projets initiaux visent tous le même objectif qui est de “préparer les États membres et les communautés rurales à la mise en oeuvre de la politique agricole commune (PAC) après 2020, ainsi que d’autres politiques et initiatives de l’UE, qui pourraient soutenir l’émergence de nouveaux villages intelligents dans toutes l’Union”. Pour celle-ci, le développement rural et les Smart Village sont deux piliers de la mise en place de la LTVRA (Vision à long terme pour les zones rurales) et du Pacte rural. Certains États membres intègrent les Smart Villages dans leurs plans stratégiques de la PAC.
La question fondamentale de la couverture numérique
Pour que les zones rurales puissent arriver à une qualité de vie similaire à celle des villes, la LTVRA met en évidence le besoin d’améliorer leur connectivité numérique. Tout comme l’eau ou l’électricité, le haut débit doit faire partie des services de base de la société, c’est ce qu’a indiqué le directeur du développement rural de la DG AGRI, Mario Milouchev.
Dans le graphique ci-dessous, il est possible de remarquer le grand retard des ménages ruraux, qui sont à plus de 60% dépourvus de réseaux à très haute capacité (VHCN), presque deux fois plus que pour les zones urbaines.
Couverture VHCN fixe en moyenne dans l’UE (% des ménages), 2014-2021 (Source : rapport DESI 2022)
Deux grands objectifs ont été fixés par l’Union pour combler le fossé numérique qui se fait au détriment des populations rurales : d’ici à 2025, 100 Mbps à 1 Gbps pour les ménages, les écoles, les fournisseurs de services publics et les entreprises à forte intensité numérique. Puis, pour 2030 une couverture 5G dans toutes les zones peuplées.
Le réseau européen des bureaux de compétences à large bande (BCO Network)
Ce réseau fait partie des différentes initiatives de l’UE pour le numérique, elle doit rassembler les autorités publiques nationales et régionales de chaque État membre, qui sont en charge du déploiement du haut débit. Celles-ci se réunissent pour partager leurs connaissances et pratiques, mais également de rencontrer des experts et représentants de la Commission pour améliorer et développer les capacités nationales.
Le BCO Network est chargé de différentes tâches telles que :
- le partage d’information sur le financement des services à large bande
- donner des instructions sur les bonnes pratiques à mettre en place avec des promoteurs potentiels
- mettre l’accent sur les collectivités rurales et éloignées avec une reproduction locale réussie
Étude de cas : la municipalité de Kythera en Grèce
La municipalité de Kythera est composée de deux îles : Cythère et Antikythera, avec une population totale de 4 041 personnes, dont seulement 25 à Antikythera. Les deux îles font face à de nombreux problèmes : le vieillissement de la population, l’immigration des jeunes, liaisons rares au continent pendant l’hiver, etc.
Kythera participe au projet de Smart Rural 21, avec notamment un plan d’action pour l’énergie durable. L’objectif est de réduire la consommation d’énergie et d’accroître l’efficacité énergétique ainsi que de mieux gérer les ressources en eau de l’île sur le long terme.
Pour cela, l’amélioration numérique et technologique doit être au cœur du projet puisque l’île a utilisé des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour contrôler à distance la qualité et quantité de l’eau. Principalement, pour localiser les défaillances des infrastructures et réduire les pertes d’eau. Ainsi, à la fin du projet, Kythera a remarqué un approvisionnement suffisant et régulier en eau de haute qualité et 40% de pertes d’eau en moins.