Articles par Shana DE SOUSA et Jeremy BALOUKA
L’Union européenne et la Suisse s’apprêtent à entamer de nouvelles négociations
L’Union européenne et la Suisse, qui avaient subitement mis fin à leurs pourparlers au printemps 2021 pour un accord de coopération en vue de simplifier leurs relations, sont désormais sur le point d’entamer de nouvelles négociations.
Les négociations pour un accord-cadre entre Berne et Bruxelles avaient été bloquées lorsque l’UE avait refusé de satisfaire les demandes suisses d’exclusion des questions liées aux aides d’Etat, à la protection des salaires et à la liberté de circulation. Le niveau de protection des salaires suisses constituait en effet la principale difficulté entre les deux partenaires.
Le 28 mars dernier, le gouvernement fédéral suisse a demandé aux départements concernés des affaires étrangères, de la justice et de l’économie de travailler en collaboration, en vue d’élaborer un nouveau mandat de négociations avec l’UE d’ici la fin du mois de juin. La Suisse prévoit en outre de présenter tout un paquet de nouveaux accords portant sur des sujets relatifs à l’électricité, la sécurité alimentaire et la santé.
Le Conseil fédéral suisse a en effet affirmé avoir observé une dynamique positive dans les discussions techniques, diplomatiques et politiques entre la Suisse et l’UE. Il a pour dessein d’améliorer les chances de réussite des négociations futures, tout en maintenant le niveau de protection actuel sur le marché du travail suisse. Le gouvernement suisse a, en ce sens, chargé la secrétaire d’Etat de finaliser la base commune des futures négociations avec Bruxelles. Les prochaines discussions exploratoires sont prévues pour le 20 avril, tandis que les discussions techniques avec l’UE se poursuivent chaque semaine, comme l’a précisé le gouvernement suisse dans un communiqué.
Les relations entre l’UE et la Suisse sont actuellement régies par un ensemble d’accords, que les deux parties souhaitent désormais simplifier. Pendant près d’une décennie, des discussions ont eu lieu entre Bruxelles et Bernes en vue d’harmoniser le cadre juridique régissant la relation entre l’UE et la Suisse, principal partenaire commercial de l’UE.
Von der Leyen : l’attitude de Pékin à l’égard de Moscou, un facteur clé dans ses relations avec Bruxelles
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a averti ce jeudi 30 mars que l’avenir des relations entre l’UE et la Chine dépendra en grande partie de la position de Pékin quant à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle a en outre souligné que l’UE avait intérêt à maintenir le dialogue avec le géant asiatique.
La présidente de la Commission se rendra à Pékin la semaine prochaine, accompagnée du président français Emmanuel Macron, deux semaines après le déplacement du président chinois Xi Jinping à Moscou, où il a souligné la « relation spéciale » que son pays entretient avec la Russie. Les Etats membres de l’UE n’ont en outre eu de cesse de multiplier les contacts fréquents avec Pékin, notamment au travers de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz en Chine en novembre dernier, et celle du chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez à Pékin cette semaine.
Ursula von der Leyen a par ailleurs déploré que la Chine n’ait jamais condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie ; nonobstant le « plan de paix » proposé en février dernier par Pékin pour mettre fin à la guerre en cours depuis près d’un an. L’UE doute de la capacité de la Chine à jouer un rôle de médiateur et a mis en garde Pékin contre toute tentation de fournir des armes à Moscou.
En outre, la présidente de la Commission a exprimé son regret quant au maintien de l’amitié chinoise « sans limites » envers la Russie de Poutine, malgré l’invasion qu’elle a qualifié d’« atroce et illégale ». Elle a appelé Pékin à jouer un rôle constructif dans la promotion de la paix en respectant la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ursula von der Leyen a également affirmé que la relation entre l’UE et la Chine demeurait l’une des plus complexes du monde. Elle souhaite, cela dit, établir des conditions pour un engagement sain tout en préservant les liens avec Pékin, malgré une attitude qu’elle juge de plus en plus agressive envers l’extérieur.
La présidente de la Commission a finalement énuméré les secteurs économiques stratégiques pour l’UE et a mis en garde contre les risques d’une trop grande dépendance de cette dernière, en particulier pour les matières premières indispensables aux nouvelles technologies propres. Elle a jugé nécessaire d’adapter la stratégie de Bruxelles en réponse aux comportements et aux évolutions de la Chine.
Faire tourner l’Europe oui, mais avec quel carburant ?
L’arrêt de la commercialisation de voitures fonctionnant à l’aide de moteur thermique est l’un des piliers du Plan vert pour l’Europe afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La Commission propose l’interdiction totale des voitures thermiques dans un règlement controversé en 2021. La première étape est franchie le 8 juin 2022, grâce à la ratification du texte par le Parlement européen. Mais, depuis mi-février, l’Allemagne bloque le règlement, sous prétexte que la Commission ne respecte pas son engagement à propos des carburants de synthèse. L’Allemagne est une puissance industrielle mondiale grâce aux grands groupes automobiles qui dynamisent par la même occasion les échanges intra-européens.
La suppression de la vente de moteurs thermiques à échéance courte, 2035, est trop brutale pour les géants Volkswagen (223 milliards de chiffre d’affaires en 2021), Daimler et Mercedes-Benz (154 milliards), BMW (100 milliards) ou Audi (50 milliards) qui réclament plus de temps ou alors de pouvoir utiliser des carburants de synthèse. Ces carburants de synthèse, aussi appelés « e-fuels » ne sont pas des dérivés du pétrole, mais des synthèses d’éléments que les énergies fossiles relâchent lors de leur utilisation, comme le carbone ou l’hydrogène. Ces carburants existent depuis près d’un siècle et correspondent au cahier des charges des constructeurs automobiles européens. Ils peuvent être utilisés directement dans les moteurs thermiques classiques. L’Afrique du Sud est le premier pays à envisager sérieusement ce nouveau type de carburant dans les années 1960. L’Allemagne emboîte le pas à distance en investissant lentement dans le domaine. Néanmoins, son coût est élevé aujourd’hui, puisqu’il est uniquement produit dans de petites usines pilotes. Le coût du carburant neutre en CO2 est de l’ordre de 5 euros le litre. Mais des projections de Saudi Aramco, le géant du pétrole saoudien prévoit un coût de 1 euro le litre à l’horizon 2027-2030. Dans un contexte de hausse du prix de l’énergie, les carburants de synthèse pourraient bien être viables à terme. De leur côté, les Organisations non gouvernementales environnementales contestent cette technologie, qu’elles jugent coûteuse, énergivore et polluante.
Le lundi 27 mars 2023, l’Allemagne lève son blocage et les gouvernements européens réussissent finalement à s’accorder sur le texte. Ce texte ordonne la fin des véhicules roulant à l’essence, au diesel et à l’hybride en faveur du tout électrique, à l’exception des futurs carburants synthétiques. Face à l’absurdité écologique du tout électrique, le carburant de synthèse pourrait s’imposer dans l’alternative énergétique. Néanmoins, cette technologie à la base industrielle naissante risque aussi de ne pas réussir à être viable face à une décrue future des prix de l’essence.
Les premiers pas de la finance verte par la Banque Centrale Européenne.
Depuis juillet 2021, la Banque Centrale Européenne (BCE) s’engage à modifier progressivement son portefeuille pour le faire adhérer aux impératifs climatiques de notre siècle. La BCE admet qu’il ne s’agissait alors que d’un petit pas vers une finance verte. Mais depuis octobre 2022 et a fortiori, février 2023, la BCE accélère son rythme de transition de portefeuille pour réduire ses investissements dans les entreprises les plus polluantes en faveur des plus vertueuses. Ce n’est cependant qu’une « indication initiale encourageante », d’après la BCE, destiné à initier un mouvement vers la politisation écologique de la finance. Ce mouvement doit s’axer sur quatre critères : les critères d’achats d’obligations d’entreprises (le programme CSPP), le dispositif de garanties dans le cadre du refinancement des banques, les exigences de déclaration (reporting) en matière climatique applicables aux garanties, l’évaluation et la gestion des risques.
Le jeudi 23 mars 2023, la Banque Centrale Européenne publie pour la première fois des déclarations financières liées au climat, sous la forme de deux rapports : fournissent des informations concernant l’empreinte carbone de ses portefeuilles, leur exposition aux risques climatiques ainsi que la gouvernance, la stratégie et la gestion des risques en matière de climat. Ces déclarations portent sur les avoirs en titres du secteur des entreprises détenus par l’Eurosystème dans le cadre du programme d’achats de titres du secteur des entreprises et du programme d’achats d’urgence face à la pandémie ainsi que sur les portefeuilles de la BCE, libellés en euros, autres que ceux détenus à des fins de politique monétaire. A partir de l’accord du Conseil des gouverneurs du 29 mars, la BCE publiera chaque année des informations liées au climat concernant ces portefeuilles.
Les rapports montrent également que la BCE a réduit de plus de 50% les émissions de ses placements en obligations d’entreprise et en actions depuis 2019. Ces actifs sont déjà alignés sur les objectifs de l’Accord de Paris, avec pour résultat la réallocation des fonds vers des titres moins émetteurs de carbone, ce qui place le portefeuille de la BCE sur la trajectoire d’une finance plus verte. Pour son portefeuille de fonds propres, la BCE a progressivement accru la part d’obligations vertes, la portant de 1 % en 2019 à 13 % en 2022. Ce portefeuille se composant en grande partie d’emprunts publics de la zone euro, sa décarbonation dépend largement des efforts des pays des Etats membres de la zone pour réduire leurs émissions. La problématique du « financer vert » de la BCE est donc en partie dépendante de la bonne volonté des Etats.