Article de Laura De Almeida
La Communauté politique européenne : quelle est sa place sur le continent face à l’Union européenne ?
Le projet de Communauté politique européenne a vu le jour le 9 mai 2022, dans un discours prononcé par le président français Emmanuel Macron. Pour en comprendre la nécessité d’arriver à une nouvelle organisation plus ample et hors de l’Union européenne, il faut évidemment évoquer la guerre en Ukraine qui avait commencé 2 mois et demi plus tôt. L’arrivée de la guerre aux frontières de l’Union européenne a fait prendre conscience aux pays du continent du besoin de dialoguer et apaiser les tensions, plus particulièrement en dehors de l’Union. De plus, les pays des Balkans ainsi que l’Ukraine ont demandé à adhérer à l’Union européenne et ont obtenu le statut de candidat. Toutefois, le processus d’adhésion à l’Union est extrêmement long, jusqu’à une dizaine d’années, et les pays aux frontières de la guerre et sous menace russe nécessitent un lien avec le reste de l’Europe en attendant. C’est pourquoi la proposition de Communauté politique européenne est arrivée, notamment pour entamer le tournant politique voire géopolitique du continent.
L’Union européenne en position de faiblesse ?
La nouvelle communauté est apparue pour de nombreux chercheurs comme révélatrice des échecs de l’Union européenne. En effet, le besoin d’une extension des relations à travers la communauté reflète l’insuffisance et l’inefficacité de la Politique européenne de voisinage d’une part, mais principalement de la fatigue du processus d’élargissement de l’Union. La Communauté politique européenne : “pourrait servir de point d’ancrage supplémentaire pour la stabilité et faciliter l’élargissement”. En effet, à travers la communauté les pays ayant attendant leur adhésion pourront d’ores et déjà participer à une intégration politique, avant qu’ils remplissent les différents critères, notamment économiques, pour finaliser leur adhésion.
Cependant, l’Union européenne apporte également des avantages à la communauté. Nous pouvons prendre l’exemple de l’escalade des tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Lors du premier sommet de la Communauté le 6 octobre 2022, les dirigeants des deux pays, ainsi qu’Emmanuel Macron et Charles Michel, président du Conseil européen, se sont retrouvés pour une réunion informelle. L’Union européenne s’est alors engagée à mettre en place une mission civile à la frontière entre les deux pays : “La mission débutera en octobre pour une durée maximale de deux mois. L’objectif de cette mission est d’instaurer un climat de confiance, et de contribuer aux commissions frontalières grâce à ses rapports”.
La complémentarité de la Communauté politique européenne
La création de la Communauté est liée directement à la guerre en Ukraine, de premier abord pour renouer le dialogue entre pays de l’Union et les autres pays du continent afin d’installer une stabilité et la sécurité en Europe. Cependant, une autre raison plus technique se cache derrière, puisque l’Ukraine a demandé l’adhésion à l’Union, et a pour l’instant le statut de pays candidat, mais depuis le cas de Chypre, l’Union interdit toute adhésion d’un pays en conflit. Même si le processus d’adhésion reste lent, les pays européens ont besoin d’une vision sur le long terme, ainsi, la Communauté représente une réelle solution afin de ne pas laisser l’Ukraine de côté.
De plus, à un niveau plus élevé : “la guerre en Ukraine met en évidence la faiblesse et l’incomplétude de l’architecture de sécurité et de défense de l’Europe. Pour soutenir l’émergence d’une nouvelle architecture de sécurité européenne à moyen terme, la CPE pourrait apporter plusieurs contributions à court terme”.
La Communauté : élément déclencheur d’une réforme de l’Union ?
La mise en place et le développement de la CPE est apparu peu de temps après l’idée d’un programme de réforme institutionnelle de l’UE, les deux événements sont donc en principe indépendants. La réforme de l’Union a pour objectif principal de faciliter et renforcer le processus d’adhésion. Toutefois, pour en arriver à des réformes internes et profondes de l’Union et surtout que celles-ci soient approuvées et mises en œuvre, il va falloir beaucoup de temps. Ainsi, “la CPE pourrait servir d’arène pour expérimenter d’autres modes d’élaboration des politiques et de gouvernance, par exemple la prise de décision sans droit de veto et par “consensus approximatif”.
En plus de la question de l’élargissement, l’arrivée de cette nouvelle organisation et la guerre en Ukraine amène à une réflexion sur le processus d’approfondissement de l’Union : “L’enjeu aujourd’hui, avec la Communauté politique européenne, est de sortir par le haut du dilemme auquel l’Union ne semble pas trouver de solution, à savoir concevoir un élargissement menant de fait à l’approfondissement de son ordre politique”.
Une solution pour les hostiles à l’Union
La première réunion de la Communauté a réuni 44 pays du continent européen, seules la Biélorussie et la Russie n’ont pas été conviées. Cette organisation sous forme informelle a permis de réunir autour de la table des pays qui n’auraient pas nécessairement entamé un dialogue avec les États membres de l’Union. L’exemple le plus évident est celui du Royaume-Uni, depuis le brexit les relations avec l’Union se limite à des négociations d’accords purement économiques, il n’y a plus aucun dialogue politique. Le second exemple est celui de la Turquie, éternelle candidate à l’adhésion, dont les relations avec l’Union fluctuent en permanence, ne permettant pas d’établir un lien stable. À travers la Communauté, ces deux pays prennent part aux débats du continent, en dehors du cadre prédominant de l’Union.
Et pour la suite ?
Le prochain sommet de la CPE aura lieu le 1er juin prochain en Moldavie, pays officiellement candidat à l’Union européenne. L’enjeu est important puisque la Moldavie partage une frontière avec l’Ukraine et subit depuis plusieurs mois des menaces et attaques russes. Josep Borrell, le Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères, s’est prononcé sur cette situation : “La Moldavie étant l’un des pays les plus touchés par les retombées de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, nous assistons à une recrudescence des tentatives russes de déstabilisation de la Moldavie par le biais d’actions hybrides”, notamment par des manifestations anti-gouvernement.