Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (du 27 novembre au 3 décembre)

Articles par Eva Gandaloeva et Lila Salmi

Boycott politique à l’OSCE : Quelles sont les limites de la coopération européenne ?

Ce mercredi 29 novembre, la scène diplomatique lors de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’est transformée en un terrain politique tendu. De toute évidence, cet événement relève des dissensions profondes avec les jeunes pays post-soviétiques et la Russie. La réunion ministérielle annuelle de l’OSCE, actuellement en cours à Skopje, en Macédoine du Nord, est marquée par un boycott significatif de l’Ukraine, de la Pologne, de la Lettonie et de l’Estonie, une protestation claire contre la présence du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

Les ministres et représentants officiels rassemblés lors de la 30ème réunion de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Au centre, posent le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken et le premier ministre macédonien Bujar Osmani.

Créée en 1973 durant la période de la guerre froide, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) rassemble 57 membres, incluant des nations européennes, nord-américaines, du Caucase et d’Asie centrale. Cette entité, qui a été le théâtre de la conclusion d’accords historiques tels que la Charte de Paris pour une nouvelle Europe (1990) ou le Traité de Lisbonne (1996), prend à présent un tournant inattendu. Elle témoigne que le conflit en Ukraine a atteint son stade le plus critique, prenant ainsi une ampleur inédite. A l’origine, l’objectif est de parvenir à des consensus sur des questions de sécurité, en lien avec la Guerre en Ukraine. Objectif qui, pour le moment, se voit être paralysé, car on estime que la coordination de l’OSCE est biaisée. N’oublions pas que la Russie possède un droit de véto sur les décisions prises par consensus.

Les nations qui se retirent de l’événement condamnent l’utilisation abusive de l’OSCE par la Russie, notamment pour entraver des décisions cruciales telles que la désignation de la présidence tournante en 2024 et le vote du budget. Aussi, l’initiative diplomatique forte des pays post-soviétiques a pour objectif de dénoncer ce qu’ils considèrent comme une opportunité pour la Russie de propager sa propagande et de légitimer son agression en Ukraine. La force ne réside pas uniquement dans les actes car dans les mots aussi : on souligne donc une inquiétude quant à l’exploitation de l’OSCE par la Russie pour promouvoir ses intérêts sans craindre la critique.

En effet, la participation de Sergueï Lavrov — ministre des affaires étrangères russes — à la réunion suscite un inconfort parmi les membres, certains pays allant jusqu’à décliner la poignée de main du chef de la diplomatie russe. La France, représentée par la secrétaire d’État chargée de l’Europe, Laurence Boone, souligne que cette rencontre ne prévoit pas de discussion formelle avec Lavrov, mais son simple statut de participant suscite déjà des tensions.

Cette situation politique critique met en lumière les limites de la coopération au sein de l’organisation dans une certaine mesure, remettant en compte son efficacité dans le maintien de la sécurité en Europe. La question se pose, l’UE ainsi que d’autres organisations internationales ne seraient-elles pas impuissantes face à cette guerre, qui prend pourtant place à leurs portes ? Lorsque l’on observe la situation, peut-on espérer un cessez-le-feu dans un futur proche ? Ces questions restent pour le moment sans réponse et suscitent des inquiétudes quant à la capacité des instances européennes à faire face à des défis diplomatiques majeurs.

L’initiative de l’Ukraine, de la Pologne et des pays baltes révèle un profond malaise dans les relations entre la Russie et les pays post-soviétiques.

Alors que l’OSCE tente de maintenir son rôle de médiateur en dépit des tensions, ce geste politique met en lumière les défis considérables auxquels l’organisation est confrontée dans sa mission de promouvoir la sécurité en Europe. Par ailleurs, l’héritage impérialiste de la Russie nous apparaît comme une réalité persistante encore aujourd’hui, démontrant que les dynamiques politiques contemporaines prennent leurs sources dans des influences historiques encore gravées dans les mémoires des peuples.

 

L’UE valide l’interdiction du port de signes religieux dans l’administration publique.   

 

Mardi 28 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé légitime le droit pour les administrations publiques de bannir « le port de signes ostensibles d’appartenance idéologique ou religieuse » à leurs employés. Elle précise qu’elle se doit d’être appliquée sans discrimination à tous les employés et s’insérer dans les législations des États membres.

Cette décision fait suite au jugement d’une affaire Belge concernant le port du foulard islamique s’étant déroulée dans le municipalité de l’Ans à l’est du pays. L’employée en question, craignant de voir son droit à exercer librement sa religion limité, avait déposé une plainte qualifiant l’obligation de neutralité disqualifiante. Le tribunal de Liège a alors saisi la CJUE afin de statuer sur le caractère discriminant ou non de l’affaire. Ce dernier a jugé la politique de neutralité légitime tout en précisant que l’autorisation du port de symboles religieux au sein d’une administration publique l’était tout autant.

 

Il est donc permis aujourd’hui de bannir le port de symboles reflétant une croyance philosophique ou religieuse tels que les foulards islamiques, les kippa, turban ou croix chrétiennes. La CJUE explique cela par une volonté de s’orienter vers une administration plus « neutre » et considère que cela ne constitue pas une discrimination dans la mesure où la règle s’applique de la même manière à l’ensemble des employés. Elle s’était déjà positionnée de cette manière en mars 2017 lors de jugements rendus dans le cadre du secteur privé, leur concédant le droit d’ordonner à leurs employés une certaine discrétion concernant leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques notamment face à la clientèle. À l’époque, deux femmes avaient été licenciées en Belgique et France car elles avaient refusé de retirer leur voile sur leur lieu de travail. En 2021, c’est en Allemagne que la justice a été saisie pour les mêmes raisons.

Cette décision éveille malgré tout certaines craintes liées à la montée de l’islamophobie en Europe, qui pourrait amplifier la marginalisation des femmes musulmanes. Elle rejoint une série de polémiques concernant les restrictions de port du foulard islamique en Europe. La décision de 2021 avait déjà été vivement critiqué par Hillary Margolis, membre de Human Rights Watch, qui avait déclaré que « Les femmes musulmanes ne devraient pas avoir à choisir entre leur foi et leur travail ». Elle affirme que ce sont les femmes musulmanes qui sont le plus touchées par la décision rendue par la justice et ajoute que cela ne répond pas au problème de fond pour les femmes se voyant imposer le port du voile.

 

Montée de l’extrême droite en Roumanie : un phénomène européen à surveiller.

 

Ce mardi 28 novembre s’est déroulée la préparation aux élections législatives prévues pour 2024, moment crucial pour la Roumanie. Le pays fait actuellement face à une montée de l’extrême droite qui pourrait à cette occasion accéder au pouvoir. Le parti d’extrême droite roumain, AUR (Alliance pour l’Unité des Roumains), gagne progressivement en popularité et pourrait intégrer une coalition gouvernementale après les élections législatives de l’année prochaine, selon une enquête récente de l’institut INSCOP. Cette montée en puissance de l’extrême droite n’est pas exclusive à la Roumanie, puisque des phénomènes similaires ont été observés dans des pays comme la Suède, la Slovaquie, et plus récemment, les Pays-Bas. Cette tendance suscite de plus en plus de craintes quant à la future orientation politique du continent.

Fernando Casal Bertoa, professeur associé en politique comparée à l’Université de Nottingham, souligne que les élections de 2024 seront cruciales non seulement pour la Roumanie mais aussi pour l’ensemble de l’Union européenne. L’Institut INSCOP indique que le gouvernement de coalition actuel, composé des sociaux-démocrates de gauche (PSD) et des libéraux de centre-droit (PNL), pourrait ne pas obtenir une majorité absolue, ouvrant ainsi la voie à une possible collaboration avec l’extrême droite. Les difficultés financières rencontrées par ce dernier au cours de l’année passée ont contribué à l’ascension de l’extrême droite en Roumanie. Le parti, créé en 2019, a connu une croissance rapide, obtenant près de 9 % des voix aux élections législatives de décembre 2020.

Euronews nous fait également part de la perspective d’Alina Mungiu-Pippidi, professeur de politique publique comparée à l’université LUISS Guido Carli de Rome, qui souligne que la pandémie (dûe au Covid-19) a été un catalyseur de la montée de l’AUR. Selon elle, en adoptant des positions anti-vaccin, le parti a capitalisé sur le mécontentement lié aux restrictions sanitaires et à la faible adhésion à la vaccination. Cette dynamique n’est pas unique à la Roumanie, comme en témoigne l’élargissement de la base de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) en Allemagne. L’AUR, se positionnant comme défenseur de “la famille, la nation, la foi et la liberté”, attire également l’attention avec son discours anti-corruption et son opposition au mariage homosexuel. Ces thématiques reflètent des tendances observées chez d’autres partis populistes en Europe, comme le Mouvement Cinq Étoiles en Italie.

La popularité croissante de l’extrême droite est également perceptible aux Pays-Bas, où la population manifeste son mécontentement envers la gouvernance actuelle. La normalisation de l’extrême droite et de l’extrême gauche est une tendance en Europe, comme l’ont montré les élections aux Pays-Bas.
La normalisation de l’extrême droite en Europe soulève des questions quant à son impact sur la stabilité politique et les relations internationales. Bien que l’Union européenne surveille attentivement ces évolutions, son pouvoir d’intervention directe est limité.

Finalement, même si la montée de l’extrême droite en Roumanie s’inscrit dans une tendance européenne plus large, les élections de 2024 pourraient aussi redéfinir le paysage politique roumain. Et ce, tout en nous offrant des pistes de réflexion sur les évolutions de la scène politique européenne. La normalisation de l’extrême droite et les défis auxquels l’Union européenne est confrontée dans la préservation de la démocratie soulignent la nécessité d’une vigilance continue de la part des institutions politiques.

 

Ouverture de la COP 28 : Quelle place pour l’Union européenne ?

“La plus importante depuis Paris”, c’est ainsi que Simon Stiell, chef de l’ONU climat, a décrit ce mercredi la COP28. Elle s’est ouverte ce jeudi 30 novembre à Dubaï. L’Union européenne y est présente aux côtés de 197 États signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC). Plus de 97 000 personnes sont accréditées pour l’évènement présidé par le sultan Al Jaber, directeur général de la compagnie pétrolière nationale Adnoc.

Les enjeux y sont nombreux. Les dernières projections issues de l’Émission Gap Report des Nations Unies prévoient une hausse de près de 3°C d’ici la fin du siècle, là où l’accord de Paris préconisait de limiter cette dernière à 1,5°C voire 2°C. Entre autres, le sujet des énergies fossiles, du Bilan mondial et du financement de la lutte contre le réchauffement climatique seront au cœur des débats. Ce premier bilan mondial (Global Stocktake) sera l’occasion de mesurer les progrès réalisés en matière d’action climatique. Néanmoins c’est avant tout sur les mesures à prendre en termes de financement de projets et d’aide aux pays pauvres victimes des conséquences du réchauffement climatique que l’UE, ainsi que les autres pays développés, sont attendus. Concernant ce dernier point, les États ont déjà accordé ce jeudi un « cadre permettant de rendre opérationnel un fonds pour venir en aide aux pays les plus vulnérables » rapporte Le Monde. Lors de la COP27, avait été prise la décision de créer un fonds permettant de compenser financièrement les pertes des pays touchés les plus sévèrement par les conséquences du réchauffement climatique. Ce fonds sera hébergé par la Banque Mondiale pendant quatre ans et la contribution y sera volontaire, ce qui pose problème aux pays les plus vulnérables. L’Union européenne a déjà annoncé une contribution à hauteur de 225 millions d’euros.

Cette mesure s’inscrit belle et bien dans la volonté européenne de se poser en leader dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, ainsi que le commissaire européen chargé de l’Action pour le climat, Wopke Hoekstra, se sont rendus sur place dès ce jeudi. Libération rappelle qu’à cette occasion “Les 27 Etats membres de l’Union européenne, qui ne disposent pas d’un droit de vote séparé, forment à eux tout seuls une coalition. L’UE parle donc d’une seule voix lors des négociations climatiques, en tant qu’organisation régionale d’intégration économique “. Désireuse de  “voir à la hausse les objectifs climatiques” comme le rappelle Euronews, elle avait déjà lancé au printemps dernier un appel aux pays du G7 puis du G20 afin d’adopter l’objectif de tripler les énergies renouvelables et de doubler l’efficacité énergétique d’ici 2030. “Nous enverrons un message fort aux investisseurs et aux consommateurs”, a déclaré la présidente de la Commission européenne après que plus de 110 pays aient décidé d’adopter ce même objectif vendredi dernier.

Le Commissaire européen au Climat, Wopke Hoekstra

Mais si l’UE constitue un acteur important qui compte bien faire entendre sa voix, ce sont sans surprise les États-Unis et la Chine, dont l’absence des chefs d’États respectifs a déjà été constatée, qui détermineront le sort de cette COP. De plus, l’UE semble vouloir faire oublier à travers cette position les récents ajustements du Pacte vert comprenant l’abandon d’un texte-clé concernant l’usage du glyphosate, renouvelant son autorisation jusqu’en 2033.

Le reste du sommet se déroulera en suivant un programme chargé. Les 1 et 2 décembre se sont tenus plusieurs sommets de chef d’État et de gouvernement. Les négociations se poursuivront au cours de 8 journées thématiques (dans l’ordre: santé, finance, énergie, urbanisation et transport, jeunesse et éducation, nature, agriculture) du 3 au 10 décembre. Les négociations finales des 11 et 12 décembre clôtureront cette 28ème édition.

 

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