Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (5 au 11 février 2024)

Articles par Eva Mic et Laetitia Rambour Mertens

Enfin un accord sur les règles budgétaires de l’UE ! 

Dans la nuit du 9 février dernier, le Parlement européen et les Etats membres se sont accordés sur le sujet épineux des règles budgétaires après 2 ans de discussions. 

  • L’objectif : 

Permettre aux Etats d’instaurer de nouvelles règles pour le budget de 2025 mais surtout de redresser les financements publics tout en préservant les investissements. C’est une modernisation du Pacte de stabilité, mis en place à la fin des années 1990s pour limiter le déficit de l’administration publique à 3% du PIB et la dette à 60%. Jugée drastique et obsolète, la réforme permettrait de flexibiliser ce pacte et de donner plus de pouvoir aux Etats. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a salué sur X « l’accord politique sur notre ambitieuse réforme de la gouvernance économique de l’UE, pour une économie européenne compétitive et équitable ». 

  • Et maintenant ? 

Grâce à la réforme, les Etats soutiendront leur propre trajectoire pour assurer la soutenabilité de leur dette et auront la possibilité d’avoir plus de temps dans le cas où des réformes ou des investissements sont mis en place. Les Etats auront donc plus d’indépendance en théorie et le pilotage se fera sur l’évolution des dépenses, en comptant un minimum chiffré de réduction. En effet, ce dernier est considéré comme un indicateur plus pertinent que les déficits qui peuvent fluctuer selon le niveau de croissance. 

  • Le débat : 

La discussion divise entre les pays davantage endettés, du Sud de l’Europe en comptant la France et l’Italie qui demandent une flexibilité supplémentaire. Ils sont rejoints par les partis de gauche et des verts qui dénoncent le retour de l’austérité.  “On a besoin d’investissements dans l’industrie, dans la défense, dans la transition écologique… C’est ça l’urgence aujourd’hui, ce n’est pas de remettre au goût du jour des règles absurdes économiquement“, a déclaré à l’AFP l’économiste et eurodéputée du groupe socio-démocrate Aurore Lalucq. Elle dénonce une “erreur politique qui servira aux populistes pour taper sur l’Europe“.

Cependant, le parti de la rigueur a eu gain de cause : la droite et les pays les plus « frugaux » d’Europe du Nord et l’Allemagne. « Un nouveau cadre de gouvernance économique était plus que nécessaire. Nous avons veillé à ce que les nouvelles règles budgétaires soient saines et crédibles », a déclaré l’eurodéputée Esther de Lange (Parti populaire européen, droite)

Face à la colère des agriculteurs.ses le règlement sur les pesticides retiré ?

 

Ursula von der Leyen déclarait vouloir retirer la proposition de règlement sur les pesticides qui « est devenue un symbole de polarisation ».

  • Le texte : 

Mis sur la table en juin 2022, il est un élément clé du Pacte Vert. C’est la réduction de 50% des pesticides d’ici à 2030 qui est notamment remise en cause puisque cela cause une peur chez les agriculteurs qui ont peur d’une baisse des rendements s’ils ne trouvent pas de substitut. Ursula von der Leyen, mentionne une prise de conscience du malaise agricole  « Il faut aller au-delà d’un débat polarisé, instaurer la confiance (…) Nous devons éviter de nous rejeter mutuellement la faute, et chercher ensemble des solutions » . Ce qui paraît ironique à quelques heures de l’annonce d’un objectif climatique pour 2040 qui épargnera l’agriculture qui représente 11% des émissions des gaz à effet de serre européennes. 

  • Un abandon définitif ? 

Plutôt le refus d’exclure ou d’abandonner ce qui reste « un sujet d’actualité » sans pour autant annoncer de date. On parle d’un « dialogue stratégique » pour écouter tous les points de vue. « Pour avancer, davantage de dialogue et une approche différente sont nécessaires. Sur cette base, la Commission pourrait faire une nouvelle proposition beaucoup plus mûre, avec la participation des parties prenantes. » commentait Ursula von der Leyen. 

  • Un retrait salué..

Un retrait salué par plusieurs chefs de gouvernement d’Etats membres comme une solution stratégique, notamment à l’approche des élections européennes de juin prochain. Le Premier ministre belge, à la présidence tournante, considère qu’il est « crucial de garder les agriculteurs de notre côté pour un avenir plus durable de l’agriculture, le dialogue continue ». En Italie, le vice-président Matteo Salvini, clamait « Longue vie aux agriculteurs, dont les tracteurs forcent l’Europe à revenir sur la folie qui leur est imposée. » devenant ainsi un argument anti-écologique.

  • …et critiqué 

Le texte semblait pourtant déjà vidé depuis les discussions de novembre dernier. Son retrait aujourd’hui implique que « les agriculteurs continueront à être empoisonnés et la nature dégradée, tandis que l’industrie des pesticides récoltera d’énormes profits » selon l’ONG Friends of the Earth, sur X. En fait, cet élément clé du Pacte Vert disparaît pour un temps indéfini au profit de pesticides nocifs pour la santé et pour l’environnement. 

Son retrait semble être un argument clé pour les élections, en témoigne Manfred Weber du PPE allemand, parti de Ursula von der Leyen : « Nous resterons le parti des agriculteurs, nous sommes à vos côtés ». Christine Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles jugeait quant à elle une proposition « mal conçue, mal évaluée, mal financée, et offrait peu d’alternatives aux agriculteurs » et se félicite de son retrait. 

Réglementation du travail de plateforme  : un accord provisoire porteur d’espoir 

 

Le parlement européen et le Conseil ont trouvé un accord provisoire sur des règles concernant le travail via les plateformes numériques. Cet accord est une avancée majeure dans la réalisation de la proposition de directive de la Commission européenne, présentée le 2 décembre 2021. 

 

Le travail de plateforme, késako ?

Le travail de plateforme est une forme d’emploi dans laquelle on utilise une plateforme en ligne pour communiquer avec des organisations ou personnes afin de résoudre des problèmes spécifiques, ou de fournir des services spécifiques, contre rémunération. On y trouve Uber ou Deliveroo par exemple, mais ce sont plus de 500 plateformes sur le sol de l’Union, selon la Commission européenne. Plus marquant encore, environ 28 millions de personnes travaillent pour elles. Ce nombre est en constante augmentation, puisqu’il doit atteindre 43 millions d’ici 2025. 

Et l’accord alors ? 

Ces règles vont permettre d’améliorer les conditions de ces travailleurs particulièrement précaires. En effet, ils bénéficient dans 90% des cas du statut de “travailleur indépendant” – alors qu’ils sont souvent dépendants en pratique d’un algorithme, selon plusieurs critères. Il peut les obliger à suivre un rythme soutenu, ne pas leur laisser avoir la mainmise sur leur temps de travail, les empêcher de refuser certaines missions, ou encore les contraindre au port de l’uniforme par exemple. Ainsi, la Commission européenne estime que 5.5 millions de ces personnes pourraient avoir ce statut à tort. C’est-à-dire qu’ils ne bénéficient ni des avantages d’un travailleur indépendant, ni de protection sociale – malgré des salaires souvent bas.

C’est pourquoi les nouvelles règles vont introduire une présomption de relation de travail, c’est-à-dire qu’un travailleur n’aura le statut de “travailleur indépendant” qu’après un contrôle vérifiant que ses conditions de travail soient conformes. Elles garantissent également un contrôle humain sur d’autres décisions critiques, telles que le licenciement d’un travailleur par exemple. 

Ces règles permettront par ailleurs plus de transparence de l’information, à la fois envers les travailleurs (comment fonctionne la plateforme) et les autorités nationales (informations sur les travailleurs indépendants qu’elle emploie). Enfin, une meilleure protection des données sera assurée. 

Le texte pourra entrer en vigueur si le Parlement et le Conseil l’adoptent formellement. Il s’agirait d’une première en Europe. 

Les panneaux solaires européens en voie de disparition ?

Marina Mesure, députée européenne (La France insoumise), alerte sur l’état désastreux du secteur de l’énergie solaire en Europe. En effet, en France, Systovi a supprimé son équipe de nuit ; l’entreprise allemande Meyer Burger a délocalisé sa production aux Etats-Unis ; tandis que cinq autres producteurs européens ont fermé leurs portes. 

Comment expliquer cela alors que l’Union européenne consacre une stratégie spécifique à la production d’énergie solaire, dans le cadre de son programme à visée écologique RePowerEU ? En effet, la Commission s’est posé comme objectif de doubler les emplois dans le secteur solaire de 2020 à 2030 par des investissements et subventions dans le ce même secteur. Un objectif qui semble avancer à reculons.

Marina Mesure accuse le libre-échange européen, qui ne prend pas de mesures contre l’importation de panneaux solaires chinois. La Chine serait pourtant une concurrence déloyale, puisqu’elle vend ses panneaux en dessous de leurs coûts de production grâce à d’importantes subventions.

Si les subventions européennes ont contribué à permettre, selon la Commission, de faire baisser les coûts du solaire photovoltaïque de 82 % au cours de la dernière décennie, ce n’est apparemment pas suffisant. En effet, près de 90 % des panneaux solaires installés en France sont importés.

Selon la députée européenne, l’UE aujourd’hui trop “naïve” devrait suivre l’exemple des Etats-Unis, qui ont associé à leurs subventions un renforcement de leurs droits de douane sur les dispositifs photovoltaïques. 

Il serait regrettable que l’énergie photovoltaïque installée sur le sol européen, qui a triplé depuis 2011 pour atteindre en près de 160 GW 2021, continue sa croissance remarquable… au profit de la Chine. 



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