Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (11 au 18 février)

Par Thiennot Foucher et Lila Salmi

La Grèce autorise le mariage homosexuel et l’adoption pour les couples de même sexe

Des grecs célèbrent la légalisation du mariage homosexuel et de l’adoption pour les couples de même sexe devant le Parlement grec.  LOUISA GOULIAMAKI / REUTERS

 Dans la soirée du jeudi 15 février, le Parlement grec a adopté le projet de loi du gouvernement qui prévoyait l’ouverture de nouveaux droits aux couples de même sexe : le mariage civil et l’adoption.

Un projet important pour le gouvernement et les couples homosexuels

La Grèce autorise déjà l’union civile pour les couples homosexuels depuis 2015, mais le projet de loi du gouvernement offre la perspective d’une égalité des droits entre les citoyens grecs, sans distinction entre personnes homosexuelles et hétérosexuelles. Ce vote représente un enjeu important pour le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis. En effet, le pays avait récemment été pointé du doigt par le Parlement européen pour le non-respect de certains droits en Grèce, celui de la presse notamment. C’était aussi une des mesures phare du programme du Premier ministre lors des dernières élections de 2023 dont il était largement sorti vainqueur. Le gouvernement grec, qui appartient au parti de la droite conservatrice Nouvelle Démocratie, avait donc l’occasion de lancer un signal à l’Europe et se serait retrouvé dans une situation difficile en cas d’échec.

La résistance d’une partie de la société grecque

Ce projet progressiste n’est pas soutenu par l’ensemble de la population. L’Église orthodoxe jouit encore d’une grande influence en Grèce. Vivement opposée à la légalisation du mariage homosexuel et à l’ouverture de l’adoption à ces mêmes couples, elle a tenté de mobiliser contre le projet de loi, en envoyant notamment une lettre à chaque député et en encourageant les manifestations. Dimanche dernier, 4 000 personnes ont ainsi défilé dans les rues d’Athènes pour montrer leur opposition à l ‘octroi de ces nouveaux droits aux personnes homosexuelles.  L’aile droite du parti Nouvelle Démocratie a même conduit une fronde en ne soutenant pas le gouvernement au moment du vote et au cours des deux  jours de débats qui ont secoués le Parlement grec.

Une victoire pour la défense des droits humains

Le Parlement grec a finalement adopté le projet de loi prévoyant la légalisation du mariage homosexuel dans la soirée du jeudi 15 février. Une large majorité des députés présents, 176 députés sur 254, ont voté en faveur du projet de loi, avec le soutien notable des élus de la gauche grecque. La Grèce devient ainsi le premier pays à la population majoritairement chrétienne orthodoxe à autoriser le mariage entre personne du même sexe, le 16ème pays de l’UE et le 37 ème à l’échelle de la planète. Le Premier ministre grec a salué un tournant pour les droits de l’homme dans un « pays progressiste et démocratique, passionnément attaché aux valeurs européennes. ».

A noter, la nouvelle loi ne permettra pas le recours à la gestation pour autrui (GPA) pour les couples de même sexe alors qu’il est ouvert aux femmes seules qui ne peuvent pas concevoir d’enfants.

 

Décès d’Alexeï Navalny en prison, doutes et suspicions sur la mort de l’ennemi numéro 1 du Kremlin.

Alexeï Navalny était emprisonné depuis trois ans dans une colonie pénitentiaire de l’Articque russe. © Evgenia Novozhenina, Reuters

Ce vendredi 16 février, les autorités russes ont annoncé la mort du principal opposant au président russe Vladimir Poutine. Celui-ci purgeait une peine de 19 ans de prison dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique russe. Cette annonce a rapidement suscité l’indignation chez les dirigeants occidentaux, certains allant jusqu’à accuser la Russie d’être responsable du décès de Alexeï Navalny.

Alexeï Navalny était emprisonné depuis trois ans dans une colonie pénitentiaire de l’Articque russe. Evgenia Novozhenina / Reuters

Le grand ennemi de Poutine

Militant nationaliste proche de l’extrême droite, Alexeï Navalny s’est peu à peu imposé comme le leader et le symbole de l’opposition à l’autocratie russe.  Il a su lisser son image grâce à son combat contre la corruption du régime et sa dénonciation de l’agression russe en Ukraine depuis 2014. Il est devenu de plus en plus gênant pour le pouvoir russe, échappant de justesse à une tentative d’empoisonnement présumée des services secrets russes en 2020. Après avoir été soigné en Allemagne, il a délibérément choisi de rentrer sur le territoire russe pour mener l’opposition anti-Poutine à l’intérieur du pays. Navalny, immédiatement arrêté à la sortie de son avion , a été condamné pour “extrémisme” à une peine de 19 ans de prison. L’adversaire principal du Kremlin était détenu dans une colonie pénitentiaire de l’extrême nord russe, dans la région Arctique de Iamal. Il y vivait dans des conditions d’emprisonnement très dures, privé de soins médicaux, soumis à la torture et totalement coupé du monde et de ses proches.

La communication officielle du Kremlin

Ce vendredi, un communiqué officiel du service pénitentiaire russe a annoncé la mort d’Alexeï Navalny, survenue après un soudain malaise. Le document ajoute que les secours n’ont pas pu le réanimer et que les causes de la mort sont en train d’être établies“. Le Parquet général de Moscou a par ailleurs averti que toutes participations à une manifestation ou à un rassemblement en mémoire de l’opposant russe serait considérée comme une infraction. Malgré ces menaces claires de répression, plusieurs centaines de russes ont manifesté leur soutien à l’opposition anti-Poutine en rendant hommage à son symbole devenu martyr. Les forces de l’ordre en ont arrêté une centaine, dans une dizaine de villes russes. 

Une mort douteuse qui arrange le pouvoir russe

L’homme de 47 ans était certes apparu affaibli lors de ses dernières apparitions sur les réseaux sociaux, mais le journal indépendant Novaïa Gazeta a relayé un témoignage de sa mère qui affirme avoir vu son fils lundi 12 février “en bonne santé et d’humeur joyeuse“. Témoignage étayé par l’avocat allemand de l’opposant russe, Nikolaos Gazeas, qui a vu ce jeudi 15 février un homme en « bonne santé, faisant forte impression », lors de deux audiences auxquelles a participé Navalny. De quoi faire naître de nombreuses suspicions quant à la nature et la cause de la mort de l’opposant russe. Cet évènement arrive à un mois des élections présidentielles russes, un scrutin qui s’annonce comme une formalité pour le dirigeant de Moscou. Ce dernier a refusé de prendre part au débat organisé avec les trois autres  “candidats” autorisés à se présenter en raison d’un emploi du temps trop chargé. Depuis 2021, la modification de la constitution de la Fédération russe lui permet théoriquement de garder le pouvoir jusqu’en 2036.

Les réactions européennes et internationales

Très rapidement, les chancelleries et les chefs d’État occidentaux ont réagi à la nouvelle. Pour l’UE, qui a réagi par l’intermédiaire du président du Conseil européen Charles Michel, « le régime russe »  est « seul responsable de la mort tragique » d’Alexeï Navalny. La réaction américaine était scrutée avec attention. Depuis la Maison-Blanche, Biden a déclaré : « Ne vous méprenez pas, Poutine est responsable de la mort de Navalny. […] Ce qui est arrivé à Navalny est une nouvelle preuve de sa brutalité ». La Russie a immédiatement réagi en démentant toutes ces accusations, le mystère autour de la mort de Navalny risque de rester entier à tout jamais.

Dublin et Madrid appellent à une révision de l’accord UE-Israël en raison de doute concernant le respect des droits de l’homme 

L’aggravation de la crise humanitaire à Gaza a poussé les premiers ministres espagnol et irlandais à demander une révision de l’accord UE-Israël dans une lettre commune adressée à la Commission européenne. Aux côtés de la Belgique, ces deux pays sont considérés comme les plus critiques de l’UE vis-à-vis des actions d’Israël.

L’accord UE-Israël est un accord datant de 2000 qui régit juridiquement les relations entre les deux signataires. Cet accord couvre de nombreux domaines dont le dialogue politique, la technologie et l’innovation, le commerce et la concurrence ou encore la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Par le biais de cet accord, Israël reçoit environ 1,8 million d’euros par an dans le cadre de la politique européenne de voisinage. Le pays est également associé à Horizon Europe, programme-cadre de recherche et d’innovation de l’Union européenne qui succède au programme Horizon 2020. Euronews rappelle que  l’article 2 stipule que les relations “sont fondées sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale et constitue un élément essentiel du présent accord » .

Pedro Sánchez et Leo Varadkar

Dans cette lettre, Pedro Sánchez et Leo Varadkar, les  premiers ministres d’Espagne et d’Irlande, déclarent à ce titre demander « à la Commission d’examiner d’urgence si Israël respecte ses obligations, notamment dans le cadre de l’accord d’association UE-Israël, qui fait du respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques un élément essentiel de la relation ». Ils exhortent l’UE à réagir face aux potentiels risques de violation des droits de l’homme et du droit international. Cette demande se fait dans un contexte général de crainte quant à une opération terrestre d’Israël à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où plus d’un million de civils palestiniens du nord et du centre se sont réfugiés et du risque de « catastrophe humanitaire » que cela pourrait entraîner rapporte Euronews.

Une telle lettre, même venant de la part de ces deux pays, est une démarche très inhabituelle comme l’affirme le Guardian, et menace de renforcer les divisions au sein des 27 sur le sujet. Ces derniers faisaient déjà partie des quelques pays à avoir critiqué Ursula von der Leyen pour son soutien sans équivoque à Israël lors de son offensive suite à l’attaque du Hamas. Avec sept autres pays européens, ils se sont également engagés à poursuivre leur aide financière à la UNRWA, malgré le fait que certains employés aient été accusés d’avoir participé à l’attaque du 7 octobre, ce qui a pourtant déjà poussé plusieurs pays à retirer leur financement. 

 

L’accord sur sur la réglementation du travail de plateforme fait face à un nouvel échec  

Ce vendredi 16 février, l’Allemagne, la Grèce et l’Estonie se sont abstenus de voter la dernière version de la directive concernant les travailleurs des plates-formes pourtant négociée avec la Commission et le Parlement une semaine plus tôt. La France a également fait barrage en déclarant qu’elle n’était « pas en mesure de soutenir le texte ». L’abstention de cette minorité, empêchant d’attendre la majorité qualifiée de 15 États membres requise selon les règles communautaires, a rendu impossible le vote du texte. 

Des livreurs Deliveroo lors d’une manifestation à Paris en août 2017, JACQUES DEMARTHON / AFP

C’est lors du Comité des représentants permanents du Conseil de l’Union européenne que l’accord provisoire trouvé jeudi 8 février n’a pas réussi à créer le consensus espéré. Le texte avait pour ambition « d’améliorer les conditions de ces travailleurs particulièrement précaires ». Ce nouvel échec sème le doute quant à la possibilité de trouver un accord sur un sujet pourtant de plus en plus préoccupant.

La France avance selon le Monde que ce serait « le caractère très flou de ce que les Etats doivent mettre en place » ainsi que « l’absence d’harmonisation dans l’application de la présomption à l’échelle européenne » qui feraient obstacle à leur approbation. Du côté de l’Allemagne, c’est en raison de l’absence de consensus au sein du gouvernement de coalition entre sociaux-démocrates, Verts et libéraux que le pays a dû s’abstenir. Les modalité entre les différents pays de l’Union européenne sont actuellement très disparates et cet accord avait également pour but de permettre une certaine homogénéisation. 

Ce rejet va dans le sens des plateformes elles-mêmes qui s’opposent à cette directive. Comme le rappelle Ouest France, « le salariat de ces travailleurs impliquerait aux plateformes de payer les charges sociales qui vont avec ». Ces plateformes affirment par ailleurs que la majorité de ces travailleurs sont également contre l’adoption d’une telle mesure car ils souhaitent conserver leur statut d’indépendant. Fabian Tosolini, délégué national d’Union-Indépendants (CFDT) confirme ces dires. Cependant, il ajoute que « les accords signés sont catastrophiques » et appelle à un renforcement du dialogue social pour rectifier les manquements du texte. Le Monde rappelle par exemple que « les négociations sont actuellement rompues concernant la rémunération des livreurs ». Une marche de Lille à Bruxelles est prévue la semaine prochaine afin de dénoncer « le « tâcheronnage de masse », et un modèle hybride avec « tous les inconvénients du statut indépendant, et tous les inconvénients du salariat ».

L’ampleur des procédures institutionnelles et la prévalence des élections européennes dans moins de six mois laissent penser que c’était pour cet accord la dernière chance d’être adopté sous la présidence belge. La présidence hongroise qui lui succédera risque de faire passer ce texte au second plan et laisser cette question en suspend pour de nombreux mois.

 

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