Article écrit par Mona Jansen
Actuellement, la droite connaît de plus en plus de succès dans un grand nombre de pays européens. En vue des élections européennes approchantes, les pronostics prévoient des pourcentages élevés pour la plupart des partis extrêmes ou populistes.
Populisme de droite ou extrême droite ?
Il peut être difficile de différencier les populistes de droite et d’extrême droite. Le populisme de droite étant un extrémisme de droite modéré, il reprend l’opposition entre le citoyen ordinaire et son ennemi : les partis établis et les élites économiques. Souvent, les partis populistes revendiquent des approches plus sévères envers la migration et alimentent la peur d’une submersion. Pour se différencier de l’extrême droite, les populistes de droite appuient sur leur respect de la constitution. Ainsi, l’extrême droite de son côté remet en question la démocratie constitutionnelle et s’oppose à certaines lois fondamentales ancrées dans la constitution. Souvent, un système autoritaire ou totalitaire est préféré à la démocratie. L’extrême droite représente des idées allant à l’encontre du principe de l’égalité. L’idéologie est souvent raciste et nationaliste et contient un révisionnisme de l’histoire (notamment d’une histoire nazie en Allemagne par exemple).
Le Front national et Vlaams Blok en Belgique ont pendant longtemps tendu vers l’extrême droite, bien que ce soient des partis populistes de droite. Forza Italia et le parti pour la liberté, fondé par Geert Wilders aux Pays-bas sont d’extrême droite. L’AfD allemande et le FPÖ autrichien comportent quant à eux certains membres d’extrême droite. Des partis d’extrême droite ou populistes de droite peuvent entreprendre des coopérations politiques.
Conservateurs réformistes européens et Identité & Démocratie
Au Parlement européen, il y a deux groupes parlementaires de droite : Conservateurs et réformistes européens (CRE) et Identité & Démocratie (ID). Selon des prévisions, ces groupes parlementaires pourraient gagner au maximum environ 180 sièges en juin 2024, ce qui signifie un quart des sièges au Parlement européen.
Actuellement, CRE représente 66 députés venant de 20 partis de 16 pays différents. Le plus influent est le PiS (droit et justice) polonais avec 24 députés. Fratelli d’Italia est représenté avec neuf députés et suit donc le PiS dans la représentation.
ID comporte 62 députés avec 25 appartenant au Lega italien. Le Rassemblement national est représenté avec 18 membres et l’AfD allemand et le FPÖ autrichien avec 9 chacun. Les deux groupes parlementaires ID et CRE se différencient en fonction du degré d’extrémité de leurs idées. De nombreux représentants du ID ont à un moment donné réclamé la sortie de leur pays de la zone Euro ou de l’Union européenne. Pour la plupart, ces revendications ont été abandonnées ce qui a fait gagner en électeurs. Par exemple, Marine Le Pen du RN et Matteo Salvini du Lega ont arrêté de se prononcer pour une sortie de l’Union européenne ou de la zone Euro. l’AfD allemand propose une rénovation de l’Union européenne et prévoit, si celle-ci échoue, ce qui leur semble probable, de sortir de l’Union européenne. De même, des propos xénophobes, racistes, homophobes et chauvinistes sont plus présents au sein du ID qu’au CRE, même si le PiS appartenant au CRE se montre également islamophobe et homophobe. Les partis appartenant au ID entretiennent souvent des relations avec la Russie malgré la guerre en Ukraine. L’AfD allemand, le parti le plus extrême, soutient Vladimir Poutine. Cependant, le PiS polonais du CRE se positionne clairement contre la Russie.
Pour la plupart, les partis de droite provenant d’un même pays n’appartiennent pas au même groupe parlementaire en raison de leur concurrence pour des électeurs. Ceci est le cas par exemple pour le Fratelli d’Italia qui fait partie du CRE et le Lega appartenant au ID. En raison de ces différences, il semble peu probable que les deux groupes parlementaires travaillent plus étroitement ensemble et forment un groupe uni. Pourtant, Victor Orbán tâche de réunir le CRE et le ID.
Le Fidesz hongrois et ses 11 députés ont quitté en 2021 le groupe parlementaire Parti populaire européen en raison de différends en lien avec le gouvernement de Victor Orbán qui menace l’État de droit hongrois.
Certains exemples de partis d’extrême droite ou populistes de droite
En Belgique, le parti Vlaams Belang, << intérêts flamands >>, pourrait avoir du succès lors des prochaines élections européennes. Le parti représente une politique anti migratoire pour une Flandre indépendante. Au niveau européen, Vlaams Belang revendique une politique migratoire plus sévère et moins d’intégration européenne. Le parti s’est prononcé contre l’islam. Nieuw-Vlaamse Alliante, << nouvelle alliance flamande >> (N-VA), représentant des positionnements comparables, pourrait également remporter un nombre élevé de voix.
En Bulgarie, le parti Ataka, << attaque >> en français, représente un positionnement pro-russe dans la guerre en Ukraine. Selon Ataka, la raison pour laquelle la Bulgarie est le pays le plus pauvre de l’Union européenne, serait les investisseurs étrangers. Ainsi, il revendique la nationalisation des réseaux d’électricité venant d’Autriche et de Tchéquie. Il est également connu pour ses discours contre juifs, roms, musulmans et immigrés. Le parti eurosceptique connaît moins de succès en vue des élections européennes de 2024.
Le parti Eesti Konservatiivne Rahvaerakond, le << parti populaire conservateur d’Estland >>, se présente comme eurosceptique dans la mesure où il place les intérêts nationaux avant les intérêts de l’Union européenne. Il revendique également une limitation de la migration. Au niveau national, EKRE est le second parti le plus grand avec 16,1% en 2023.
De même pour le parti finlandais Perussuomalaiset (PS), << les Finlandais >> : il est le second parti au niveau national en 2023. Le parti est souvent critiqué pour des propos racistes ou sexistes. Au niveau européen, le PS se prononce notamment contre le soutien financier aux pays moins riches de l’Union européenne. Il revendique la sortie de la zone euro et la priorité nationale envers l’Union européenne. Le parti est également fortement contre l’immigration.
Fratelli d’Italia (FdI), << citoyens d’Italie >>, peut être classé d’extrême droite avec son origine dans des partis néofascistes. L’objectif du FdI est de protéger la culture et la tradition italienne en défendant des valeurs xénophobes et conservatrices. Au niveau national en 2022, le parti remporte 26% des voix et 119 sièges au parlement italien. La présidente du FdI, Giorgia Meloni, est aujourd’hui présidente des ministres. Lors des dernières élections européennes, le parti a obtenu 6,4% des voix. En Italie, les partis Lega ou Lega Nord et le Movimento 5 Stelle ont également des chances de succès lors des prochaines élections européennes. Le Lega est notamment critique envers l’euro et revendique plus d’autonomie en Italie. Le Movimento 5 Stelle est difficile à placer dans le clivage droite-gauche. D’un côté, il est eurosceptique, populiste et critique envers les partis établis, d’un autre côté il revendique une régulation accrue des marchés financiers et plus d’énergie renouvelable.
Les limites de la droite en Europe
En Espagne par exemple, le parti d’extrême droite Vox reçoit peu de soutien en ce moment. Après les élections régionales de mai 2023, qui ont permis au parti de rentrer dans certains gouvernements régionaux, il a conduit des projets qui ont déplu à un grand nombre de citoyens espagnols. Il s’agissait d’enlever des drapeaux LGBT ou d’arrêter la présentation d’Orlando de Virginia Woolf au théâtre dans une commune de Madrid, Valdemorillo. À Santa Cruz de Bezana à Cantabrie, le film Disney Buzz Lightyear était interdit dans les cinémas en raison d’une scène pendant laquelle deux femmes s’embrassent. Cela rappelait à beaucoup de personnes la censure et la dictature de Franco entre 1939 et 1975. Le Vox mise également sur des sentiments nationalistes espagnols, ce qui peut exclure les Basques, Galiciens et Catalans en Espagne. La voix forte du parti pour l’unité espagnole et contre l’amnistie des séparatistes catalans connaît moins de succès qu’en 2019 où cela lui a permis de rentrer au parlement espagnol.
La Lituanie, qui a été sous l’influence de l’URSS jusqu’en 1990 et pour laquelle la lutte pour l’indépendance a été violente, est le pays européen le plus europhile. Ainsi, aucun parti d’extrême droite ou populiste de droite, qui sont souvent plutôt eurosceptiques et russophiles, n’a de siège au parlement. Cependant, le parti social-conservateur LVZS se prononce à côté de ses revendications << vertes >> contre le mariage pour tous et toutes. Bien que ce parti n’est pas au parlement national, au niveau européen, il fait partie du groupe parlementaire des verts.
En Irlande, un parti de gauche prend la place de partis populistes de droite. Le parti Sinn-Féin revendique l’unification de l’Irlande et l’Irlande du Nord ainsi que des progrès sociaux. Le parti se présente contre les partis établis. Le nationalisme irlandais est donc représenté par un parti de gauche. De plus, l’euroscepticisme n’a pas beaucoup de succès en Irlande. Ainsi, l’extrême droite ne semble pas avoir de chances contre le Sinn-Féin.
Le parti néonazi Chrysi Avgi, << aurore dorée >> en Grèce a été interdit en 2020, après plusieurs incidents de violence, le plus grave étant le meurtre d’un chanteur de gauche, Pavlos Fyssas en 2013. Les origines du parti relèvent de la violence, car ils résident dans des batailles de rue à Athènes. Malgré son succès en tant que parti à partir de 2010 après la crise en Grèce, le parti a finalement plus de sièges au parlement depuis 2019 et est interdit depuis 2020. Il revendique la sortie de la Grèce de l’Union européenne et l’expulsion d’étrangers de pays non-européens. Lors des élections européennes de 2019, le parti a remporté 4,9% des voix.
Au Danemark, la coalition des partis sociaux-démocrates actuellement au pouvoir maintient une ligne dure envers la migration. Ainsi, des personnes immigrées travaillant moins de 37 heures par semaine ou qui n’envoient pas leurs enfants à l’école maternelle reçoivent moins d’aides sociales. Ceux qui quittent le Danemark reçoivent de l’argent en récompense et ceux qui commettent des crimes sont envoyés dans des prisons au Kosovo. Ceux qui vivent dans une des dix zones classées comme problématiques sont déplacés de force. Ceux qui n’obtiennent pas d’asile n’ont pas le droit de travailler et doivent demeurer dans des établissements spéciaux en attendant leur expulsion. Les sociaux-démocrates ont donc repris le discours de l’extrême droite en offrant des solutions à leurs revendications. Cela fait en sorte que le parti Dansk Folkeparti (DF), parti populaire danois ait perdu 32 sièges au parlement danois depuis 2015.
Les raisons du manque de succès de la droite dans ces pays sont très variées : soit l’extrême droite auparavant au pouvoir est allée trop loin, soit le pays est très europhile, soit la position que prend la droite d’habitude est déjà occupée par un parti de gauche.