Frauke Petry est arrivée à la tête de l’AfD (Alternative für Deutschland) en juillet 2015, après s’être disputée la présidence avec le fondateur du parti, Bernd Lucke. Elle a reçu le surnom d’ « Adolfina » par le journal hebdomadaire d’investigation allemand, Der Spiegel, étant donné les rhétoriques anti-islamiques et contre l’immigration défendues par son parti.
L’Allemagne n’est pas le seul pays européen à avoir une femme à la tête d’un parti qui ne défend pas les droits des femmes, mais qui, en contradiction, cherche à les réduire. La France, la Belgique, la Norvège, le Danemark, la Suisse et la Hongrie, sont d’autres exemples où les partis d’extrême-droite sont commandés par des femmes aux positions extrémistes dures. Bien que dirigé par une femme, l’AfD reste un parti composé à 71% par des militants masculins, essentiellement cadres et qui affichent sans crainte leur antiféminisme.
Frauke Petry, docteure en chimie de 41 ans, est divorcée d’un pasteur luthérien, Sven Petry, qui a rejoint la CDU d’Angela Merkel, après leur séparation. Frauke Petry est actuellement la compagne du député européen et chef de l’AfD en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Marcus Pretzell. En 2007, elle a créé une entreprise de fabrication de polyuréthane, dont la formule lui a valu une médaille de mérite en 2012. Elle se consacre exclusivement à la politique en 2014 après que son entreprise a fait faillite.
L’AfD , un acteur de poids dans l’environnement politique allemand
Elle exploite, selon les analystes politiques, la peur que les Allemands ont de voir leur pays envahi par la culture musulmane pour récolter les voix des abstentionnistes. Son charisme lui a permis de rallier les militants du parti et de récolter des voix parmi les Allemands conservateurs, qui votaient CDU par manque de choix d’un parti plus à droite.
L’AfD a obtenu 14,1% des voix à Berlin lors des élections régionales du 18 septembre dernier, et 20% dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. Aujourd’hui, le parti est représenté dans les Parlements de 10 des 16 Länder allemands et son objectif principal est de devenir la troisième force politique nationale lors des législatives de 2017. Dans les sondages nationaux, le parti est crédité de 12% des intentions de vote, et si ce résultat s’avère juste l’année prochaine, l’AfD serait pour la première fois représenté au Bundestag.
De l’euroscepticisme au populisme d’extrême-droite…
Le programme politique de ce parti visait, au moment de sa création, à critiquer la monnaie unique, l’élargissement de l’Union européenne et l’aide portée aux pays de l’Europe du Sud, la Grèce et le Portugal, au moment de la crise économique de 2008.
C’est en 2015 que Frauke Petry et la branche nationaliste-conservatrice prennent les rennes du parti, après des mois de luttes internes et des élections successives. L’AfD s’est dès lors tourné vers un populisme démagogique d’extrême-droite, au point d’être considéré comme le bras politique du mouvement xénophobe Pegida, qui critique férocement la soi-disant « islamisation de l’Occident ». Frauke Petry elle-même ne fustige pas les propos ouvertement xénophobes des partisans les plus à droite de son parti.
Elle a repris à plusieurs reprises des termes utilisés sous le Troisième Reich, comme l’adjectif « völkisch », équivalent au terme « ethnie » en français. Il s’agit d’un concept issu du nationalisme radical allemand employé par les nazis afin de fomenter une théorie des races. Elle s’est également déclarée en faveur de la prohibition de la circoncision, générant une vague d’indignation en Allemagne, notamment auprès de la communauté islamique et des juifs allemands.
Frauke Petry s’est prononcée contre l’avortement et a prôné à plusieurs reprises une politique nataliste, faisant l’éloge des mères de familles nombreuses. Cela rejoint dans une certaine limite la politique des trois K défendue par les nazis : « kirche, küche, kinder » (église, cuisine, enfants). Elle défendait également dans le passé les quotas de femmes dans les entreprises mais semble aujourd’hui les rejeter.
Les migrants sur son point de mire
Lors de la campagne pour les élections régionales au mois de mars 2016, Frauke Petry a rappelé sans cesse les événements de violence commis à l’égard des femmes allemandes lors du Nouvel an à Cologne. Elle a dénoncé la criminalité des migrants et accusé la chancelière allemande d’avoir ouvert les frontières du pays à plus d’1,1 millions de réfugiés. Dans un ton de provocation, elle a comparé ces agressions aux viols des femmes allemandes par l’Armée Rouge à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Petry, parmi ses déclarations les plus polémiques, a appelé les forces de l’ordre à empêcher les migrants de traverser la frontière, si nécessaire par le biais des armes à feu. Ses propos ont créé une onde de choc en Allemagne, et beaucoup n’ont pas hésité à rappeler les fusillades dont étaient victimes les Allemands de l’Est qui ont tenté de passer à l’Ouest. Le journal Der Spiegel lui a donné le surnom de « prédicatrice de la haine » après ses déclarations.